samedi 24 mars 2012

Et après...?

Le plus grand malheur pour une majorité de citadins, c'est qu'ils ne savent plus chasser, ils ne savent plus cultiver ou lever les bras pour cueillir ne serait-ce qu'une pomme.
A force de voir, et d'avoir, une surenchère quotidienne de produits  prétendument frais à portée de bras ballants; A force d'avoir accès à des magasins ouverts 7 jours sur 7, ils n'ont plus la moindre conscience du temps, de l'énergie et de l'attention nécessaire qu'il faut pour qu'une graine devienne un chou-fleur; Pour que de l'herbe devienne du lait.

Dimanche dernier, de braves gens bien embourgeoisés se prenaient de bec pour le seul taxi libre du moment, et avaient de la peine à comprendre qu'il n'y avait pas de véhicules disponibles.
"Je ne comprends pas! D'habitude il y a toujours des taxis à cette heure là…"
J'ose à peine imaginer ce que cela sera quand la nourriture viendra à manquer, ou bien sera rationnée.

La dernière grande pénurie alimentaire, pour les "civilisés", date de la seconde guerre mondiale. Le "Plus jamais cela…" qui s'ensuivit, et qui sous-entendait: Plus de rafles, de carnages, et de génocides; Plus de camps de concentration, et de guerres; Plus de populations déplacées et confrontées à la famine, est un échec sur quasiment toute la ligne.

Le monde est en guerre permanente depuis 40-50 ans, les camps de concentrations sont devenus des camps de réfugiés ou d'immigrés; discrimination ségrégation et xénophobie sont toujours d'actualité, et les famines chroniques sont toujours leader dans le funèbre classement des causes de la mortalité infantile dans le monde.

Nous pourrions nous rassurer en nous disant que ce sont les pays "pauvres", et "sous-développés", qui sont essentiellement touchés par les dangers menaçant la sécurité sanitaire et alimentaire, ou la sécurité tout court de leurs populations. Je pense que cela serait oublier que la pauvreté est déjà dans nos rues, qu'elle est présente dans l'Est et le Sud de l'Europe, qu'elle menace 25% de la population de l'UE, et que la pénurie des ressources alimentaires, ainsi que des matières premières, nous guette depuis un moment.

Si en 2005 et en 2008 la hausse généralisée des cours des matières premières agricoles, industrielles ou énergétiques furent suscités par des spéculateurs peu scrupuleux, la hausse de 2010 a été initiée par un phénomène "de prise de conscience mondiale que la planète ne pourrait peut-être pas répondre à la demande." Les investisseurs sachant tirer rapidement profit du décalage entre une demande dynamique et une offre qui ne l'est pas, c'est donc l'explosion des prix du cuivre, du blé ou encore du sucre qui a déclenché l'engouement des chacals en cravate;

Les accords de Libre-échange mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale, et sans cesse réactualisés depuis, ont amenés les Etats-nations à importer des ressources alimentaires qu'ils pouvaient, bien souvent, produire eux-même.
J'adapte les cultures pour en faire du "fourrage" pour les bêtes de rente que je vends aux paysans autrichiens, et j'achète de la farine polonaise pour faire mes biscuits, ou française pour faire du pain;
Je consacre des hectares entiers à mes vaches laitières et je transforme des hectolitres de lait en yoghourts pour les petites cuillères chinoises, et j'achète mes flans chez "Danone". Les exemples ne sont peut-être pas très appropriés, mais c'est "l'idée" qu'il faut retenir.
Ce qui fait me demander si un pays comme le notre, la Suisse, aura les moyens, et les ressources alimentaires nécessaires, pour subvenir aux besoins alimentaire de bases de toute sa population, le jour où elle n'aura plus accès aux ressources "étrangères"? La question peut aussi se poser pour tous les pays industrialisés.

Nos modes de consommations, de fabrications et d'approvisionnements ne reposent que sur une seule chose: le pétrole. Que celui-ci vienne à disparaître, et c'est le chaos.
Il est partout. De notre brosse à dents au tracteur qui laboure les champs; de notre sweat-shirt au camion qui livre "Manor", "Coop", "Denner" ou "Migros". La pétrochimie fabrique une quantité gigantesque de produits dérivés du pétrole. Tous plus utiles les uns que les autres.
Il est l'élément indispensable qui a permis plus de sept millions de déplacements automobile quotidiens en Suisse en 2010, et fait avancer le milliard de véhicule recensés dans le monde pour la même période.
Il a permis au trafic aérien de mettre 80'000 vols commerciaux journaliers dans notre atmosphère, ou encore à la flotte marchande mondiale d'avoir transporté plus de 8 milliards de tonnes de fret en 2011, et d'être le principal transporteur de marchandises en tous genres (90% du transport de marchandises se ferait par voie maritime).
Le pétrole disparaît et nos magasins d'alimentations sont vides en 4 jours (1). Le scénario est le même en cas de catastrophe naturelle majeure.

Même si la réserve mondiale réelle de pétrole  est une information "confidentielle" difficilement accessible au commun des consommateurs, on peut s'amuser avec les chiffres que l'on a sous la main…
"Les réserves conventionnelles totales de pétroles, pour 2010, étaient estimées par l'OPEP à:
200 milliards de tonnes.
Pour la même période, l'estimation du WEC (World Economic Council) était de:
170 milliards de tonnes.
Quant aux sables bitumeux, le total mondial est estimé à:
208 milliards de tonnes."(2)
En 2010, la consommation journalière de pétrole était chiffrée à:
92 millions de barils/jour (l'estimation pour 2020 se situe à 112 millions de barils/jour).
[Pour ceux que cela amuse, un baril contient 159 litres (arrondi) de pétrole.]
Il faut en moyenne 7,6 barils de pétrole pour faire 1 tonne. Ce qui donne la consommation annuelle de 4'418,4 Mt d'Or noir.

Donc: Selon l'OPEP il nous resterait, au rythme actuel (2010) de consommation, de quoi tenir 45 ans; et selon le WEC: 38 ans et 5 mois.
Et nous en aurions pour 47 ans du précieux liquide extirpé des sables bitumeux. Toujours en maintenant la même allure de gaspillage.
Certaines personnalités estiment que la fin du pétrole interviendra vers 2050.
Si cela se confirme, nos enfants sont au pied du mur et nos petits-enfants sont dedans, et pourrait éclairer d'un angle différent la décision de "Sortie du nucléaire en 2034". Parce que, à vue de nez, si 2050 est la "Fin du Pétrole", 2034 pourrait être la date approximative du début de la dernière crise pétrolière de la planète. Ce qui, du coup, pourrait redonner une certaine "utilité" à ces vieilles centrales nucléaires…

La fin de cette énergie fossile nous renverra presque au Moyen-âge, quand les seules sources énergétiques étaient produites par des éléments "naturels" (vent, eau, soleil), et va nous obliger à revoir, dans un premier temps, tous nos modes de transports. Les voitures hybrides électricité ou gaz…? J'y crois modérément, et temps qu'un moteur au fumier n'aura pas gagné un championnat F1 ou WRC, le moteur thermique restera solidement ancré sous le capot des voitures.
De toute façon, les usines de montage de tous les constructeurs automobiles actuels vont connaître un puissant ralentissement, si ce n'est un arrêt définitif des chaînes d'assemblages. Faute de pièces à assembler. Plus de gaines pour le câblage électrique, plus de matériau pour les garnitures intérieures… Sans oublier que la pétrochimie c'est aussi sa participation dans la fabrication de près de 300 milliards de…pneus par année.
A moins que "Solar impulse" ne puisse ouvrir des liaisons aériennes avec différentes villes européennes, les voyages en avion sont fortement compromis, et des cargos à "voiles", ça le fait pas trop.

Tout cela ne sont que des détails "techniques", aurais-je envie de dire. Parce que le gros problème pour la majorité des populations si bien développée, et tirant leur revenu de leur job de bureau, sera bien un gros souci alimentaire… Et démolir des quartiers "résidentiels" pour faire repousser des céréales, risque d'être très compliqué.
D'autant plus que nous l'avons passablement saccagée notre Terre. Entre des engrais et des pesticides chimiques, des OGMs destructeurs de la biodiversité sans oublier, bien sur, les multiples et diverses pollutions que nous avons occasionnées. Tant et si bien que par endroit, la Terre ne sert plus que de "support" pour des cultures "hors sols".
Alors comment rendre à la Terre sa fertilité d'antan? Est-ce encore possible? Et, surtout, comment cultiver ces gigantesques surfaces agricoles dans les délais "naturels" impartis…?
Tout cela en tenant compte des changements climatiques qui s'opèrent, et en sachant que nous n'aurons peut-être pas les moyens d'ensemencer trois fois la même terre dans l'année, avant d'en voir sortir quelque chose.

Le film de Nils Aguilar "Culture en transition", projeté récemment dans une petite salle veveysane, est un peu mon fil rouge pour ces quelques lignes.  Le film-documentaire souligne notre dépendance au pétrole, et nous emmène dans un voyage, quelque peu déprimant, sur l'état des lieus de notre agriculture au niveau mondial, avant de s'achever dans un pays qui vit (presque) d'une seule "importation" économique ": le tourisme.
Même s'il n'est pas la première destination proposée par les voyagistes "occidentaux", ce pays d'Amérique Centrale est aussi la plus grande île des Grandes Antilles.  Etat socialiste depuis 1959, et sous embargo depuis 1962.
La chute de l'URSS en 1989, qui lui assurait une aide annuelle de 4 à 6 milliards de dollars US, fit passé un sale quart d'heure au Peuple cubain. Par manque de pétrole, et de matériel, l'agriculture insulaire fut décimée.
Recentralisation et redimensionnement des zones de productions, une légère libéralisation, l'ouverture au tourisme ont permis à l'état communiste de subsister.
Sans rentré dans les détails, Cuba importerait en gros un-tiers de ses ressources alimentaires, tandis que le reste est fourni par une production régionale qui fonctionne  en entreprise "autogérée" et, point non négligeable, ferait tout en "bio".

Alors c'est vrai que d'un point de vue purement "occidental" et "capitaliste", Cuba est dans un merdier économique. Il est vrai aussi que chaque touriste revenant d'un voyage à Cuba, ramène de très… bons souvenirs de son séjour sur l'île. Et je connais bon nombre de "bons" Suisses qui rêveraient de s'installer chez Fidel.

Ce que j'ai retenu de ce doc, c'est qu'il serait possible de se passer de la technologie moderne ainsi que du pétrole qui la fait "bouger", dans le monde agricole; mais que pour y arriver une réadaptation, un partage  et une relocalisation des systèmes de "productions" existants est nécessaire.
L'exemple Cubain montre aussi que même si le pays est (toujours) coupé du monde économique, il lui est possible d'accéder à une aide, certes sous contrôle et modeste, de l'extérieur. "Chance" qui nous sera refusée si nous attendons le dernier moment, et la consommation de la dernière goutte de pétrole, pour initier le changement salvateur pour notre civilisation, pour l'Avenir de nos enfants, celui de nos petits-enfants, et de ceux qui viendront encore après.
Une dernière goutte de pétrole qui sera certainement "brûlée" par le réacteur d'un avion de l'US Air Force…

Pour finir sur une note positive, je parlerais d'un article paru dans "Le matin" du 13 mars dernier, et qui parlait de régime alimentaire. Ben oui, à chaque retour du printemps, des gens bien intentionnés nous ressortent des recettes pour nous faire perdre les kilos emmagasinés durant l'hiver.
Cette année, chose peut courante, ce sont des anthropologues qui ouvrent le bal des régimes en nous proposant une alimentation qui évite: les produits céréaliers, les produits laitiers, les produits transformés, les aliments salés, les viandes grasses et les légumes riches en amidon.
Le nom du régime qui nous fera maigrir en 2012: Le "PALEO".
Aucun lien avec le festival estival éponyme qui vend de la bière, mais plutôt à mettre en relation avec l'idée de nous faire manger comme l'homme de Cro-magnon. Comme il mangeait il y a 40'000 ans de cela.
Un homme de Cro-magnon qui était svelte et robuste, selon les spécialistes concernés.
Je confirme! Devoir courir pour attraper son repas, cela maintient en forme; et de courir pour éviter d'être le repas d'une grosse bestiole agressive, cela aide à éliminer les calories superflues.

Il y a aussi les places de jeux pour enfants qui subissent de légères "modifications", dirais-je. J'ai l'impression qu'elles sont devenues un peu plus "exigeantes", physiquement parlant. Beaucoup plus d'obstacles à gravir et à franchir, les murs de grimpe font une apparition remarquée, les filets-échelles de corde également. J'hésite… Est-ce que cela servirait à préparer nos petits bouts aux difficultés urbaines qui s'annoncent? Est-ce qu'il faut y voir une sorte de "baby parcours du combattant", ou une tentative pour faire ressurgir nos vieux reflexes simiens enfouis dans nos gènes?
Ou tout simplement rien de tout cela…

NEMo
(1): "Culture en transition", film documentaire de Nils Aguilar;
(2): "L'Atlas du monde diplomatique 2011";

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire