vendredi 25 mars 2016

Période de fêtes des incidents nucléaires.

« L’énergie nucléaire respecte l’environnement et la ville d’Ookuma est bonne envers ses résidants. »
[Slogan affiché en face de la gare d’Ookuma / Province de Fukushima.]

Le 11 mars 2011, un violent séisme secoue l’archipel du Japon et bouleversera la vie de 315'000 personnes. Victimes directes de la catastrophe naturelle ou de ses conséquences.
Des maisons par milliers, parfois des villes entières, sont détruites. Sans distinctions…
En plus de transformer une partie des habitants de la Province en SDF, le séisme met à mal l’ensemble de la distribution du réseau électrique dans toute la région et particulièrement dans la zone autour des centrales nucléaires de Fukushima.

L’ironie veut, et ce pour des raisons de sécurité, qu’une centrale nucléaire n’utilise pas le courant qu’elle produit pour s’alimenter. Elle dépend donc principalement du réseau électrique externe.
Les centrales sont aussi conçues pour pouvoir fonctionner sans ce courant. Pour cela elles ont des systèmes de secours, des groupes électrogènes notamment.
Ce système de secours donnera un peu de répit à la centrale nucléaire de Fukushima-Daïchi.

Nous le savons tous. Le séisme sera suivit d’un tsunami.
La vague n’a pas besoin d’être spectaculairement haute. La masse d’eau déplacée, en mouvement, suffira à elle seule pour submerger les trois mètres du mur anti-tsunamis, érigé à quelques dizaines de mètres de la côte. L’océan finit ce que la Terre a commencé.
A la centrale nucléaire, l’eau de mer inonde les salles où sont installés les groupes électrogènes.
Ceux-ci cèdent. Les réacteurs sont livrés à eux-mêmes.

« Le cœur du réacteur doit être en permanence refroidi avec de l’eau. Si cette eau vient à manquer, la température de ce cœur augment, passe à plusieurs milliers de degrés – entre deux et trois milles degrés… »
Le soir du 11 mars 2011, un périmètre de sécurité de trois kilomètres est d’abord établi autour de la centrale nucléaire.
«…et quand on atteint ce type de température, les matériaux qui composent le cœur rentrent en fusion et ce mélange avec l’eau qui est présente dans le cœur et créent de l’hydrogène.
Et c’est ce qui amené, avec le contact de l’air humide de l’atmosphère, les déflagrations, les explosions des réacteurs 1 et 3.
Pour le réacteur numéro deux la nature de l’explosion est d’une nature un peu différente, elle s’est passée en partie basse du réacteur, et a endommagé  un certain nombre de systèmes. »
[Olivier Isnard, chercheur à l’Institut radiologique et de sûreté nucléaire (IRSN).]

Le lendemain, le périmètre de sécurité est étendu à 20 kilomètres, et devient désormais la ‘’Zone rouge.’’
Une zone dans laquelle l’accès sera intégralement mis sous contrôle de Tepco et de l’Etat.
Tomioka - à 9 kil de la centrale, est évacuée le 12 mars, 15 heures après le séisme ;
Puis, dans la foulée, Naraha et ses 8'000 habitants, à 17 kilomètres de la centrale, est évacuée. 28 heures après l’accident. Ou encore Namie et Ookuma, ville détruite par le séisme et vidée de ses habitants.
80'000 personnes seront évacuées pour être relogée dans des villages de fortunes installés à 50 kilomètres de la centrale nucléaire.
L’évacuation cela veut dire que l’on quitte sa maison en emportant le strict minimum, qu’on laisse tout ce qui a fait notre vie derrière soi, sans savoir quand est-ce que l’on y reviendra. Tout cela à cause de la radioactivité.

Alors que la zone rouge se vide de ses habitants, à la centrale la situation s’emballe.
Lors des explosions de l’iode 131, du césium 134 et 137 s’échappent des réacteurs. Des particules radioactives se propagent alors dans l’atmosphère et se dépose partout autour de la centrale.
Les rayons alpha, gamma et bêta qu’elles émettent exposent alors les personnes présentent sur les lieux à deux risques potentiels : Une irradiation externes dues aux particules radioactives présentes dans l’environnement, et une irradiation internes causées par celles qui pénètrent à l’intérieur du corps par inhalation ou ingestion. Dans les deux cas, les conséquences peuvent être irréversibles.

Bien sûr, après l’accident de la centrale, la radioactivité ne s’est pas arrêtée aux portes de la ‘’Zone rouge.’’
Les rejets radioactifs ont commencé à se propager en dehors du périmètre des vingt kilomètres. Au gré de la direction et de la force des vents.
Le gouvernement décide alors d’étendre les évacuations, en fonction des taux de contaminations, à un rayon de 40 kilomètres.

Deux mois après l’accident, Kawamata, Katsurao, Minamisoma, Tamura, Itate, toutes les zones ‘’urbaines’’ et d’habitations où la radioactivité dépasse les 20 millisievert par an – 20 fois la dose admise en temps normal, sont vidées de leurs habitants. Ou en partie.
Itate se trouve presque au centre de la nouvelle zone d’évacuation. ‘’Loin’’ de la zone rouge.
Mais déjà 10 jours après l’accident la consigne gouvernementale était de ne plus boire l’eau. Puis se fut la découverte que les sols étaient également contaminés.
Cependant, la petite ville de 7'000 âmes ne fut évacuée qu’à la mi-mai, alors que quelques jours après l’accident les habitants de cette petite ville recevaient, en une journée d’exposition aux radiations, ce qu’un employé du nucléaire français reçoit en une année.

La zone évacuée aurait une surface hybride de 1'000 kilomètres carrés – un tiers du canton de Vaud, et 110'000 personnes auraient vu leur statut de résidants se transformer en celui de réfugiés.
Hybride parce que les retombées radioactives ne sont pas uniformisées, et qu’un seuil d’évacuation a dû être décidé, unilatéralement, afin d’empêcher un exode massif de la Province. Un seuil fixé à 2.3 microsievert/heure.

J’ouvre une parenthèse pour souligner un autre aspect d’une évacuation faite dans l’urgence. On le voit bien dans les reportages récurrents réalisés aux portes de cette hideuse Europe. Tu pars sans rien, ou avec le strict minimum.
Evacuer, c’est tout laisser derrière soi. Souvenirs, maison et les animaux. Dans la province de Fukushima, chiens, chats, poissons rouges, lapins, tortues et que ne sais-je encore ont dû être abandonnés à leur sort ; des centaines d’animaux de rente sont morts de faim ou de soif, encore attachés dans leurs étables.
Quant à ceux qui étaient en liberté dans les enclos, le gouvernement les a abattus avant d'incinérer leur carcasse pour éviter que de la viande contaminée ne se retrouve sur le marché. Fin de la parenthèse.

Si, depuis le temps, la radioactivité ambiante dans les rues de certain village a baissé, elle atteint encore des mesures légèrement supérieures au seuil d’évacuation. Et la neige tombée 4 jours après l’accident a apporté, dans ses beaux flocons, l’invisible menace. Le manteau blanc a laissé en fondant des ‘’hot spot’’ où la radioactivité mesurée dépasse les 100 microsievert/heure…

L’actualité récente nous montre d’autres problèmes bien plus urgents que les tribulations d’un japonais au Japon. C’est vrai.
Cela vous semble bien lointain, c’est tout aussi vrai.
Mais juste à titre de comparaison, si un gros pépin devait se produire à la centrale nucléaire de Muhleberg, et en appliquant les mêmes protocoles d’évacuations, le lendemain de l’accident vous oubliez la course Morat-Fribourg ; le Palais fédéral et la capitale se vident ; Rock’oz arènes est remis à des jours meilleurs tout comme le problème linguistique de Bienne.
Deux mois plus tard c’est Neuchâtel, Estavayer-le-Lac, Soleure, Romont, la Chaux-de-Fonds qui sont vidées ou sous haute surveillance. Un rayon de 40 kilomètres, en Suisse, c’est Muhleberg – Bulle ! Et Broc… Mais comme Nestlé, grâce à Henniez, sait flirter avec les zones ‘’radioactives’’ Cailler nous fera le premier chocolat au lait fluoresçant.
Les Dzots devront patienter avant de regrimper sur le Moléson pour y voir leur maison, et avec un peu de chance et pas trop de bise, c’est le bassin Lémanique qui servira de centre pour réfugiés nucléaires.

Pour revenir au sujet, même si les rejets de Fukushima-Daïchi furent l’équivalent de 10 à 50% de ceux de Tchernobyl en 1986, l’accident japonais est classé au niveau 7 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques. Soit le niveau le plus élevé.
Une très fort niveau de contamination, mais dont le mode de propagation a été diffèrent d’un pays à l’autre.
A Tchernobyl, l’explosion du réacteur numéro 4 a été suivie d’un incendie. Un feu qui a, pendant dix jours, amené la radioactivité à des hauteurs parfois stratosphériques. Contaminant une zone de 160'000 km carrés dans le nord de l’Ukraine, affectant des millions de personnes, les Etats voisins et le continent européen. 160'000 kilomètres carrés, c’est quatre fois la Suisse.
A Fukushima, le mode de relâchement est différent : Une quantité, qui est peut-être la moitié du rejet de Tchernobyl, a été relâchées à des hauteurs beaucoup moins élevées - de l’ordre de 300 mètres, sur un terrain beaucoup plus restreint. Contaminant les zones proches de façon plus importantes.

5 ans après l’accident, rien n’est réparé. Même si le gouvernement a entrepris une vaste opération de nettoyage pour tenter de retirer la radioactivité des bâtiments, des sols ou encore des terrains à pâturages. Un grand nettoyage budgétisé à 10 milliards d’euros. En 2013.
On peut racler la terre ou la recouvrir de terre ‘’saine.’’
On peut aussi échanger le sable dans le bac à sable des enfants. On peut mettre du sable à zéro becquerel dans les bacs à sable. C’est certainement très efficace.
Mais donner l’idée à la population qu’on va décontaminer des zones entières, d’immeubles, de pâturages, de champs, c’est gravement induire en erreur la population.
La décontamination d’Itate, un bled parmi d’autres, prendra en trois et cinq ans. Les maisons et les champs seront ‘’assainis.’’ Mais la commune d’Itate est composée à 70% de forêts. Et rien ne sera fait dans l’environnement sauvage.

Le Japon a une superficie à peine plus grande que la moitié de l’Ukraine, pour trois fois plus d’habitants, alors que la Province de Fukushima est deux fois plus petite que l’Oblast de Kiev.
Dès lors, le gouvernement japonais, peut difficilement réhabiliter une partie de son territoire en zone morte.
Alors on fait croire aux enfants qu’ils peuvent s’asseoir dans de l’herbe encore radioactive ; on joue avec les mesures et on contrôle le plus possible l’information parce qu'il y aura des zones condamnées à très, très long terme, aux côtés desquelles les populations locales vont devoir vivre.

Si aujourd'hui la population de Tchernobyl se compte en quelques centaines d'âmes en peine, le réacteur demeure toujours dangereux. L'UE, avec l'aide de la Russie vont devoir débourser des dizaines de milliards (la monnaie importe peu) pour remplacer le sarcophage, construit par dessus le réacteur. Installé en 1996 pour protéger l'environnement et les populations, le sarcophage est en fin de vie. 20 ans après sa construction.
Au Japon, la Tepco serait l’heureuse propriétaire de plus de 700'000 tonnes d’eau contaminée, polluée, mortelle.
Une eau qui a été inlassablement injectée vers le combustible radioactif pour le refroidir, puis entreposée dans des piscines plus très étanches et qui lèguent au Pacifique de quoi le rendre un peu plus stérile.
Un cœur qui aurait fondu pour continuer à vivre selon ses propres lois et qui poursuivrait, officieusement, ses émissions de particules radioactives.
www.fukushima-blog.com/2016/01/fission-a-fukushima.html

L’arrivée du printemps est-elle propice aux incidents nucléaires ?
Nous venons de passer les 5 ans de la catastrophe nippone (11 mars 2011), dans un mois nous fêterons les trente ans de Tchernobyl (25-26 avril 1986) et dans 3 jours l’incident niveau 5 (sur 7) de Three Mile Island aura 37 ans (28 mars 1979).
Et presque aussi vieux que moi : Il y a 47 ans – le 21 janvier 1969, la centrale nucléaire expérimentale de Lucens, dans notre beau canton de Vaud, était arrêtée de toute urgence, suite à un accident de niveau 4.
Bref. Depuis que j’ai l’âge de comprendre les choses, j’ai vu plus d’accidents nucléaires que de Fête des Vignerons.

F.V.

dimanche 20 mars 2016

L'ASR, quelle Police?

Le rôle d’une association est d’être une sorte de contre-pouvoir. Un organisme réunissant des personnes, individuellement ‘’réduites’’ au silence, mais qui ensemble parviendraient à faire entendre leur voix.
Comme un regroupement de plusieurs personnes désireuses de défendre et représenter une minorité de la population ou un quartier de la ville ; un groupe de vieux ados partageant la même passion pour les avions en cartons, la même patience pour l’observation des libellules, et que ne sais-je encore.
Ou encore le regroupement de commerçants pour défendre leurs intérêts économiques.
A partir de cette réflexion je me suis demandé : C’est quoi l’ASR ?

Pour commencer, et aussi pour savoir si j’étais le seul crétin qui n’y connaissait rien, j’ai interrogé des passants au gré de mes déplacements urbains.
A ma grande surprise, deux-tiers d’entres eux ignorent ce qu’est l’ASR.

Dans le groupe des personnes ayant répondu affirmativement à ma question, seulement la moitié a su me dire que derrière le sigle de l’ASR se cachait beaucoup plus que la simple Police régionale.

Une autre observation m’a permis d’entendre une jeune femme, désireuse de recourir aux services de la police sans passer par le 117, dire, après une recherche via son smartphone :
« Je veux téléphoner à la Police, pas à une Association de sécurité. »
D’où sa question : « C’est quoi l’ASR ? »
Pour essayer de lui répondre, et en fonction des maigres informations que j’ai sur le sujet, je lui dirais…:
L’ASR est l’acronyme de : Association de communes Sécurité Riviera.
L’appellation officielle de cette association est : Sécurité Riviera.

L’ASR, qui regroupait les services de police des communes de Blonay, Chardonne, Corseaux, Corsier, Jongny, La Tour-de-Peilz, Montreux, St-Légier, Vevey et Veytaux, ainsi que le service ambulancier de Vevey et Montreux – actuel CSU,  est officiellement née au tout début de l’année 2007.
Sa création est reliée à l’échec du projet Police 2000 dans notre District. Un échec dû, selon certaines sources, à la mésentente qu’il régnait entre les politiciens de Montreux et ceux de Vevey, et au manque de coordination entre les polices municipales des villes susmentionnées.
Le District de Vevey était en effet l’une des trois régions choisies - avec Echallens et Yverdon, par le canton pour servir de laboratoire ‘’grandeur nature’’ à l’expérimentation d'une nouvelle formule devant aboutir à une réforme des Polices municipales Vaudoises.

La dénomination « Sécurité Riviera » qui a remplacé l’ancienne « Police Riviera » est due à la volonté qu’affichaient les fondateurs de cette association de regrouper sous leur autorité les corps des Sapeurs-pompiers des dix communes associées – le SDIS que l’on connaît, et d’intégrer, toujours sous leur commandement, le service de Protection civile – l’OPRC.
[L’association garde la gestion des ‘’ambulances’’ jusqu’à l’inauguration du nouvel hôpital Chablais-Riviera à Rennaz. Après, on n’en sait rien… Ni comment feront les mamans célibataires, sans moyen de transport, pour emmener leurs enfants malades à la pédiatrie au bout du lac en pleine nuit.]

A ces quatre Corps chargés de notre sécurité est venu se ‘’greffer’’ le « cinquième processus. »
La Police du commerce – Polcomm, dont les membres sont essentiellement des ‘’civils’’ engagés par l’ASR. Comme tous les policiers, ambulanciers, pompiers de la Riviera… Vaudoise.
L’Association de communes Sécurité Riviera est donc devenu l’employeur officiel des femmes et des hommes chargés de notre sécurité.
L’effet positif de cette association, d’un point de vue salarial, a été d’unifier les conditions de travail des agents de police des dix communes. Et certainement des autres corps de ‘’sécurité.’’

Ce qui me chiffonne, c’est la distance qu’ont prise les employés de l’ASR, vis-à-vis de la population.
Cet éloignement est assez subjectif parce que dans le quotidien de nos contacts avec ces représentants des forces de l’ordre, rien n’a changé. Même matériel, même uniforme, même présence et mêmes amendes de stationnement.
Pourtant, l’agent de police que vous connaissiez a disparu. Il n’est plus l’employé communal que vos impôts aidaient à payer. Il n’est plus dans la fonction ‘’publique’’, il travaille au service d’une entité ‘’privée.’’
Un éloignement qui se manifeste encore plus quand la moindre des requêtes administratives, ou demandes de renseignements, adressées téléphoniquement au poste de police obtient comme réponse :
« Allez sur le site de Police Riviera… et pour les questions : info@securiv point truc. »

J’ai dernièrement partagé cette pensée, de l’éloignement, avec une des personnes en campagne. Celles et ceux qui font de la démagogie partisane.
Le premier constat lié au sujet ci-dessus : Nos politiciens locaux, quelle que soit leur couleur affichée, ont beaucoup de peine à parler de l’ASR.
Ensuite, et selon mon interlocuteur, la ville de Vevey continuerait à verser le salaire des agents de police, par le versement annuel que fait celle-ci à l’ASR. Le lien citoyen-policier serait donc maintenu.
En fait, une partie de nos impôts financent l’ASR, ainsi que les impôts des résidants des neuf autres communes, et l’ASR verse les salaires aux agents de police qui sillonnent nos rues, et celles des autres communes.
Ce qui fait, et en faisant abstraction du facteur de pondération qui répartit la facture de l’ASR aux communes au prorata du nombre de leurs habitants, que nos impôts financent un/ dixième du salaire des agents de police. Contre 100 % avant l’ASR.

Le budget annuel de la Police, tel qu’il fut présenté, tourne autour de 23 millions de francs. Dont 14 millions à la charge des contribuables [chiffres pour 2007.] A l’heure actuelle, si j’ai bien compris le budget 2016, la participation financière des communes s’élèverait à 18 millions. Je souligne : Si j’ai bien compris.
J’ignore si le budget ‘’Police’’ englobe l’entier des tâches de ‘’Sécurité’’ : soit pompier, ambulances et protection civile, ou si les trois autres corps cités ont chacun leur budget de fonctionnement.
Sans oublier que l’ASR est un intermédiaire qui doit subsister - et certainement rémunérer les politiciens qui siègent au Comité intercommunal de l’ASR*. 

Une autre pensée naïve m’a fait demander, à un agent de police cette fois, si avec la création de cette association le numéro d’urgence, le 117, aboutissait à Clarens. Une réflexion d’ignorant qui me laissait penser que si les différents corps de ‘’sécurité’’ s’étaient regroupés sous une seule enseigne, il me semblait normal que cette ASR récupère directement, et grâce à la technologie, les appels émis depuis sa région d’activité.
Ce n’est pas le cas.

Dès lors, la création d’un intermédiaire de plus rallonge-t-il le temps d’intervention des forces de Police lorsque vous composez le ‘’117’’ ?
Pas facile de répondre.
Avant nous pouvions appeler le « poste de police le plus proche », celui de votre commune, ou faire le 117 qui pouvait engager la police communale.

Aujourd’hui avec la Police unique régionale, qui a la charge de la sécurité dans les sept secteurs qui morcèlent la carte policière de l’ASR, vous pouvez appeler « Sécurité Riviera » à Clarens, qui retransmettra votre demande à l’une de ses deux bases opérationnelles - Base Ouest : Vevey ; Base Est : Montreux, qui fera intervenir une patrouille.
Ou, si vous faites le 117, c’est la Centrale d’Engagement, installée quelque part dans les hauts de Lausanne, qui gérera votre demande en la transférant vers « Sécurité Riviera » qui fera suivre…

Que deviennent alors les bons vieux postes de polices communaux ?
Mis à part le fait que le poste de La Tour-de-Peilz a vu sa fonctionnalité se muter en centre des ‘’amendes d’ordres’’ je n’en sais rien.
Nous savons que les communes ayant approuvés et signés les statuts de l’ASR ont cédé tout ce qui est matériel et immobilier en relation avec la ‘’sécurité’’ – Police, pompier, etc., à l’association de communes - les frais d’investissement restant à la charge des citoyens, et l’ASR reloue les dits locaux.
A partir de là, pouvons-nous penser que, et pour des soucis d’économies financières de fonctionnement, l’ASR fermera définitivement des bureaux de police jugés inutiles?
Tout en continuant de défendre l’idée d’une « police de proximité. » Bien sûr.
Une police de ‘’proximité’’ qui risque fort de ressembler, d’ici quelques années, à une police milicienne de quartier.

En 2009 les Vaudoises et Vaudois ont refusé l’initiative « d’Artagnan. »
Un projet de ‘’police unique’’ chapeauté par la police cantonale - gendarmerie.
Il va sans dire que les politiciens de la Riviera vaudoise ont combattu avec ferveur cette initiative qui, si elle avait été acceptée, aurait certainement ruiné tous les projets ‘’secrets’’ de nos syndics en matière de police, voire de fusion communales.
Un refus qui fera dire à Madame de Quattro : « Ce vote pose la première pierre de la nouvelle police vaudoise. » En ne parlant plus de « Police unique », mais de « Police coordonnée. »
Quelle est la différence entre les deux? Je vous répondrai : C'est la taille qui fait la différence.

Une Police unique pour tout le canton de Vaud : Pas question. Les Vaudoises et Vaudois ont clairement montré qu’ils étaient attachés à leur Poste de police.
Mais morcelez le territoire en diverses régions ; regroupez les polices communales concernées en une seule entité avec un seul commandement ; étendez les connexions interrégionales, reliez-vous au Centre d’engagement et vous avez une police coordonnée qui, par un joli tour de passe-passe que les citoyens n’ont pas vu venir, devient unique dans chaque région. Avec privatisation à la clé.

Que les choses soient claires. Le processus qui a mené à l’association des dix communes du District de Vevey, et toute la paperasse administrative qui y est liée, ont été accepté et ratifié par le canton de Vaud. Comme le fut également le Règlement général de police de l’ASR.
Tout semble conforme à une certaine législation que le commun des citoyens ne connaît pas. Et comme il semblerait que la communication ne soit pas le fort de l’ASR**, il n’est pas faux de penser que tout se joue sur la confiance entre élus et citoyens.

La confiance. C’est l’argument qu’a mis en avant un candidat socialiste durant sa campagne de séduction des dernières élections communales (2016). Face à mon incompréhension totale qui refuse que les décisions prises au sein de l’ASR se fasse à l’insu de l’arbitrage populaire, voire même en court-circuitant le principe démocratique, il compara l’ASR au Conseil Fédéral – dans le processus d’éligibilité de ses membres. Précisant que le citoyen élit des hommes politiques et par ce fait lui accorde sa confiance dans les choix de ces derniers.

En 2006, quand les statuts de la future ASR furent soumis au Conseil communal de St-Légier pour approbation, un membre du parti local Pro Tyalo déposa une motion pour que le Comité intercommunal de l’ASR soit composé, en partie, de ‘’civils.’’ Comprenez des gens comme vous et moi, sans allégeances partisanes. Cette motion fut rejetée parce que le simple citoyen n’est pas apte à juger et à se prononcer sur des décisions touchant la police. Sa police.
La confiance que nos élus nous réclament ne nous est manifestement pas restituée mais permet d’élire un hôtelier à la tête de l’ASR. Et il n'y a pas d'erreur à chercher.
La seule considération que nos politiciens semblent avoir à notre égard est celle qui consiste à nous laisser mettre une petite croix. Au bon endroit, si possible. Autrement, l’égalité pour tous reste une belle utopie.
Ce qui me fait dire, au conditionnel, et avec le même raisonnement que le citoyen non politisé est inapte à se prononcer sur des sujets de sécurité, que les réunions intercommunales de l’ASR se dérouleraient en huis clos***. Contrairement aux séances du Conseil communal.

Peut-être est-ce lié au caractère associatif de cette entité qui se veut de sécurité publique ou simplement qu’il y a des considérations sur lesquelles le ‘’public’’, le premier concerné par sa sécurité, n’a pas à connaître.
Pour compliquer la chose, chaque séance du Conseil intercommunal de l’ASR est précédée par quatre séances de groupes. Un groupe Vevey, un groupe Montreux, un groupe La Tour-de-Peilz et un groupe des communes d’amonts. Des réunions qui elles aussi seraient ‘’privées.’’

Si je reviens à la comparaison faite plus haut – Conseillers fédéraux / membres ASR, mon raisonnement bas de plancher me permet cette interrogation :
Si Berne dirige la Suisse, est-ce l’ASR qui dirige la Riviera Vaudoise ?
J’exagère certainement. Un peu.
Cependant, d’un point de vue policier, ce ne sont plus les Communes de St-Légier, Blonay, Vevey, ou l’une des sept autres, qui commandent l’intervention de leurs forces de polices. Les communes soumettent leurs besoins à l’association et celle-ci réparti les missions en fonctions des priorités régionales.
Si j’étais mauvaise langue, je dirais que les communes mandatent l’ASR pour notre sécurité ; et qu’en fonction de la confiance que nous accordons à nos politiciens, les uniformes bleus qui patrouillent sont
A : Un service public ;
B : Une police privée ;
C : Des mercenaires ;
D : La réponse D.

F.V.

*Après renseignement pris : Monsieur (ou Madame) X, Municipal reçoit un salaire de la ville pour son travail politique. S’il siège au Conseil intercommunal de l’ASR, il est rémunéré pour sa présence participative - jetons. L’argent reçu de l’association pour le Municipal est reversé dans les comptes de la ville. Le Municipal siègerait donc bénévolement au sein de l’ASR.

** Il est possible de trouver sur le site de L’ASR tous les sujets traité par le Comité de Direction de l’association. Cependant tout est-il dévoilé en sachant que des groupes se réunissent avant chaque séance ? De plus si l’information existe, elle n’est pas forcément accessible facilement. Tout le monde n’étant pas à l’aise avec l’internet.

*** Je souligne le conditionnel de cette affirmation qui se base uniquement sur des « ouï-dire » qui se confirmeront, ou pas, le 21 avril prochain. Date de la prochaine séance du Conseil intercommunal de l’ASR, à laquelle nous tenterons d’être spectateurs.

lundi 7 mars 2016

L'autre Uber.

[André, un pote qui se débrouille assez bien dans le monde virtuellement informatisé, me disait l’autre jour que si lui-même désirait créer une application qui toucherait le plus de clients-consommateurs possible, il n’était pas sûr d’obtenir la même efficacité, la même couverture du territoire, que Uber.]

Uber, c’est la libéralisation à l’excès.
Soit le démantèlement progressif des lois encadrant le travail, sous toutes ses formes, qui entraîne la dévalorisation des travailleurs au travers de la baisse de leurs rémunérations.
Avec comme objectif, celui présenté au public, la défense du ‘’pouvoir’’ d’achat et le profit des consommateurs. Alors qu’en fait, nous parlons bien de l’accroissement des bénéfices des actionnaires de grandes sociétés multinationales.
Uber, c’est l’accélération de la paupérisation qui touche les travailleurs oeuvrant dans la profession déjà la moins bien rémunérée du paysage économique helvétique – et la moins défendue, qu’est le taxi.
Uber, c’est l’exploitation malhonnête de pseudo chauffeurs de taxi – Uberpop, auxquels on fait croire qu’ils toucheront un « complément de revenu » permettant « l’amortissement [de leur] véhicule. »

Uber se veut révolutionnaire dans le domaine du transport professionnel de personne. Mais pour celles et ceux qui connaissent, un tant soit peu, le monde du taxi, la société californienne ne propose qu’une simple re-mise à jour – une modernisation si vous voulez, du central téléphonique d’une entreprise de taxi.
Le charme et la voix sensuelle de la téléphoniste en moins.
Uber n’a pas inventé la géolocalisation et le fait de pouvoir situer un véhicule sur Google map ne le fera pas arriver plus vite.
Je ne vous referai pas le pamphlet sur les contraintes administratives imposées par l’Etat aux candidats à la profession de taxi – ou de limousine, des contraintes auxquelles Uber échappe et ne veut pas se soumettre. Mais je vous propose une vision différente d’Uber.

Dans les grandes lignes, Uber est une société californienne qui a une valeur boursière virtuelle de plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Une société qui serait financée par Google et Goldmann Sachs.
Une société qui a donc les moyens de contourner toutes les lois qu’elle souhaite et d’engager tous les avocats qu’elle veut pour imposer, aux Etats souverains, sa vision des règles commerciales qui devraient régir les dits Etats.

La Confédération a posé les textes de bases concernant les professionnels de la route, transport de marchandises et transport professionnel de personnes, mais n’a pas vraiment légiféré en ce qui concerne le taxi. Laissant ainsi la profession dans une sorte de no man’s land juridique que les cantons s’efforcent en partie de combler avant de repasser la patate chaude au Communes qui édictent, en fonction des particularités, des ambitions communales, les règlements sur le service des taxis.
Bref tout le charme juridique de notre Confédération.

Dès lors, les responsables Uber ne considèrent pas l’élu municipal, en charge de l’application de la réglementation sur les taxis, comme un interlocuteur valable, estimant que ce dernier n’a pas ‘’autorité’’ pour décider, et juger, si Uber à droit d’exercer sur le territoire d’une commune ou d’une ville.
Pour Uber, cette décision doit être débattue par l’instance cantonale et, si nécessaire, la Société californienne peut se permettre de faire traîner ses litiges jusqu’au Tribunal Fédéral.

Une des fiertés de ce pays est dans l’égalité théorique qu’il donne, à chacun de ses citoyens, d’être justiciable, de faire valoir et défendre ses droits devant la Justice. Une égalité qui, comme tout le monde le sait, se cautionne à la capacité qu’a le citoyen de monnayer les avances de frais, de recourir aux belles paroles des avocats et de perdre des journées de travail en rendez-vous, ou en séance au Tribunal.
Le bureau litiges d’Uber c’est une étude d’avocats renommée ; votre bureau litiges à vous, c’est la table de la cuisine.
A ce niveau là ce n’est plus David contre Goliath, c’est les minimoys contre le titan. Ceux qui travaillent opposés à ceux qui ont la même occupation, mais sans travailler, sans déclarer de revenus, sans payer d’impôts, mais défendus par des géants de la finance.
Mais justement, que défendent-ils ces pros des embrouilles légales, les chauffeurs ou l’application en elle-même ?

La société californienne se défend d’employer des chauffeurs. Pour elle, qu’ils soient conducteurs ou passagers, Uber considère celles et ceux qui recourent à cette application comme des utilisateurs.
Pour le passager la règle est simple : Il commande, il s’installe, il paie et il peut noter le chauffeur. Il est clairement ‘’client.’’
Pour les chauffeurs, le doute est intelligemment induit dans l’esprit des citoyens ; la mise en scène, savamment orchestrée : Qu’elle est la limite financière au dessus de laquelle des gains réalisés passent-ils de gains accessoires à revenus liés à une activité professionnelle ?
L’utilisateur chauffeur ne travaille pas pour Uber, mais il doit, après avoir ‘cliqué’’ sur le bouton « s’inscrire » de la page « devenir chauffeur » du site Uber
1° : Remplir certaines conditions (véhicule neuf ou récent – uberpop ; être titulaire d’un permis professionnel et d’une licence taxi pour uberX.)
2° : Se conformer aux quatre « Règles fondamentales Uber. »
3° : Pratiquer les prix imposés par la société.
Uber n’a pas d’employés chauffeur. Pourtant c’est bien Uber qui rémunère le ‘’chauffeur’’ pour le travail accompli.
Le chauffeur ne prélève pas, sur le compte du client, le montant de la course, c'est la société.
Société qui versera, une fois par semaine, le montant net revenant à l’utilisateur-chauffeur pour son travail des sept jours précédents.
Montant net, exempt de toutes retenues sociales et net d’impôts pour Uber.
Travail au noir ? Je n’ose me prononcer. Parce qu’ Uber archive quelque part, en mémoire virtuelle, tous les déplacements et versements en faveur de ses chauffeurs. Des informations auxquelles le fisc peut accéder, sur une simple demande.
Et pas pour demander des comptes à la société californienne, vous pensez bien...!

Il est possible de faire le rapprochement entre le procédé de la société californienne et la volonté affichée par d’autres grandes sociétés telles que Google (!) ou Orange/Salt de vouloir se positionner en tant qu’intermédiaire financier entre le consommateur et le prestataire de service. Des sociétés qui veulent reprendre à leur compte les activités des fournisseurs de cartes de crédits.
Des acteurs économiques qui, jusqu’à présent, ne font que prélever un faible pourcentage – entre 2 et 5 %, sur les transactions financières liées aux achats de consommations ou de prestations de services. Sans pour autant interférer dans la relation commerciale vendeur / client.

Uber, qui se défend d’être une entreprise de taxis, va plus loin. La société ne se contente pas d’être un intermédiaire ‘’neutre’’ dans la relation qui unit le prestataire de service et le client. Uber agit volontaire et de manière unilatérale sur le prix de ‘’l’offre.’’
C’est bien la société qui décide des tarifs à appliquer et de ses offres promotionnelles ; c’est bien Uber qui propose 25% de rabais pendant une période de festival, ou des prix de groupe et qui peuvent faire varier ses prix en fonction du nombre de passagers.
Et c’est toujours Uber qui annonce une baisse de ses tarifs de 20% à Genève et de 15% sur Lausanne – pourquoi cette différence de traitement ?
Des choix économiques qui influent directement sur le revenu du chauffeur, sans que celui-ci n’ait voix au chapitre.
De quoi s’inquiéter sur le devenir des travailleurs en général. Surtout quand nos dirigeants parlent de l’ubérisation comme d'un modèle économique à suivre.

De plus, si la société ne prend pas en charge les contraventions liées aux infractions au code de la route, elle intervient quand l’utilisateur-chauffeur est impliqué dans une procédure individuelle visant à lui interdire l’accès au domaine public comme transporteur (non)professionnel de personnes.
Là, Uber engage ses avocats pour défendre avant tout son application. Et, histoire d’être bien in-visible, la société demande à ses chauffeurs UberX – chauffeur déjà en possession d’une licence de taxi, de retirer tout signes distinctifs permettant de les identifier comme taxi.
La subordination est consommée. Même si la société ‘’n’oblige’’ personne à utiliser son application. Comme personne ne nous oblige à travailler pour telle ou telle entreprise...

La combine Uber, ce n’est pas clair. Limite malhonnête.
Les tarifs changent d’un canton à l’autre ; les tarifs changent en fonction du véhicule commandé ; le tarif « dynamique », en cours de réflexion, veut faire varier les prix en fonction de la demande et, de tous les utilisateurs de cette application, ce sont les chauffeurs, ceux qui ont le moins à gagner d’être ‘’Uber’’, qui paient pour l’utilisation de la plate-forme de Google.

Le tableau ci-dessous tente de chiffrer la différence des revenus entre un chauffeur employé officiellement dans une entreprise de taxi et un chauffeur Uber.
Le panel de courses qui ont permis cette comparaison comporte un trajet entre Vevey et Lausanne ; un autre entre Vevey et St-Légier ainsi que quatre courses effectuées en ville de Vevey.
Une bonne matinée de travail.

Comparatif revenus chauffeur taxi vs chauffeur Uber
 
DONNEES
 
 
 
 
 
 
Durée du travail
 
5h
 
 
 
 
 
 
Kilomètres parcourus
 
97
 
 
 
 
 
 
Nombre de courses
 
6
 
 
18.-
 
18.-
 
Kilomètres en charge
 
45
 
 
60,75
 
81.-
 
Temps de conduite
 
97'
 
 
29,1
 
29,1
 
 
 
 
TAXI
 
Uber Pop
 
Uber X
 
Chiffre d'affaire
 
 
224,2
 
107,85
 
128,1
Salaire horaire chauffeur taxi à 18frs/h
 
 
 
 
 
 
 
Part brut entreprise
 
 
134,2
 
 
 
 
 
Part net entreprise
 
 
59.-
 
21,55
 
32.-
 
Salaire brut pour 5 heures
 
 
90.-
 
 
 
 
 
Salaire brut pour 97 minutes
 
 
29,1
 
86,3
 
96,1
Salaire commission taxi 40% net
 
 
 
 
 
 
 
Part brut entreprise
 
 
134,5
 
 
 
 
 
Part net entreprise
 
 
59,3
 
21,55
 
32
 
Part salaire net chauffeur
 
 
89,7
 
86,3
 
96,1
 
Revenu net Uber 97 min
 
 
 
 
11,1
 
20,9

La première observation permet de dire que la société Uber rémunère ses chauffeurs à 18 francs de l’heure occupée. Les entreprises de taxis Montreusiennes rémunèrent leurs auxiliaires au même tarif. Qu’ils roulent ou non.
 
Le premier leurre annonce un gain, pour plus de 90 minutes de conduite, supérieur – pour UberX, à ce que pourrait toucher un employé officiellement enregistré.
 
Ensuite nous pouvons observer que ce que prélève la société californienne à son chauffeur – 20% ou 25%, n’est pas aussi significative que la part revenant au patron d’une entreprise de taxi.
Dès lors je précise que la part nette entreprise est calculée en déduisant un coût constant de 0.8 frs/km qui représente les frais inhérent à l’entretien du véhicule – usure du véhicule, essence, service mécanique périodique, pneus, … et que sur la part restante sont encore à prendre en compte les cotisations sociales.
 
Nous savons déjà qu’Uber ne paie pas de charges sociales. Et comme Uber se sert des véhicules des chauffeurs pour proposer son service de taxis, tous les frais incompressibles d’entretien reviennent au propriétaire du véhicule.
En gros Uber a fait ce qu’aucune entreprise de taxi n’a réussi à obtenir jusqu’ici, en Suisse : L’externalisation de ses charges. Ce qui, en plus d’impacter fortement le revenu déjà maigre du chauffeur, représente un risque économique non négligeable pour le conducteur, si celui-ci dépense en achats compulsifs la part financière qu’il est censé injecter pour l’amortissement ou l’entretien de son véhicule.
Supposer que bosser en Uberpop est un truc à se « retrouver pomme avec le Bourg » n’est pas très loin de la réalité.
 
Le tableau ci-dessus reflète, pour l’employé Uber, la pire des configurations. C’est-à-dire que le chauffeur revient à son point de départ après chaque course.
Pour être impartial, je modifie quelque peu les données du calcul et suppose que le chauffeur Uber commence par mener un client sur Lausanne et, qu’une fois sur place, il accomplit les cinq autres trajets.
Les 45 kilomètres ‘’en charge’’ demeurent, ainsi que le temps passé avec les clients.
J’ajoute 5 kilomètres, pour passer d’un client à l’autre et la recherche d’une place de parc pour la pause café.
Et je fini par un retour Lausanne - Vevey à vide.
Le kilométrage total passe de 94 kilomètres à 70 km, pour le même chiffre d’affaire.
Ce qui accroît le gain net de l’uberiste de 11.1 frs à 30.3 frs pour le Popeur ;
et de 20.9 frs à 40.1 frs pour le X-man.
 
Maintenant, la situation idéale, le rêve de tout chauffeur de taxi qui connaît le sens du terme rentabilité :
Je multiplie par deux tous les chiffres. Le chauffeur charge à Vevey pour Lausanne ; fait dix courses dans la capitale olympique et trouve un client qui le ramène sur Vevey.
Ce qui double simplement les chiffres d’affaires Uber dans le tableau du dessus. Soit :
215.70 frs pour Pop et 256.2 frs pour X.
Les commissions prélevées par la société doublent évidemment.
Je rajoute 10 kilomètres à vide parce que j’aime les chiffres ronds, que je suis gentil et que Lausanne c’est pas facile à circuler. Même avec un GPS.
Uberpopper fini sa journée avec un gain net de 92.6 frs (Toutes déductions comprises.)
Le X-Man, quant à lui, gagne 112.2 frs.
Alors que, et dans les mêmes conditions, le brave José qui bosse sur la place de la Gare, rentrera chez lui avec 179,4 francs net.
Les bonnes mains en plus et ayant cotisé pour son deuxième pilier, sa retraite, son assurance accident, etc.
 
Dernier exemple chiffré. Lors d’une séance d’information Uber, à laquelle nous nous sommes invités, le représentant de la société nous a confié que la version ’’Pop’’ s’adressait essentiellement aux étudiants, et que la version ‘’X’’ était dévolue aux entreprises et sociétés recherchant un moyen de transport rapide, fiable au meilleur rapport qualité/prix.
Sur Vevey, la dernière approche d’Uber, n’est pas tombée dans la bourse d’un philanthrope.
Nestlé, qui faisait déjà des bénéfices à milliards avant qu’Uber tente frauduleusement de se démocratiser, a de plus en plus recourt aux service d’Uber X pour transférer ses cadres vers d’autres sites, voire Genève aéroport.
Nestlé Bergère – Gea, en taxi, c’est 355 francs et 142 francs net. Pour Pépito, par exemple.
En mode Uber X, il en coûte 170 francs et 10 centimes. Sans les bouchons et autres ralentissements.
La société californienne se prend 42.525 frs.
Nestlé se paie deux taxis pour le prix d'un seul.
Et le chauffeur aura gagné : 127 francs et 57.5 centimes.
 
Vevey-Genève-Vevey, c’est 166 kilomètres. 159 si on traverse Lausanne par Ouchy et qu’on revient par la route du ‘’lac.’’
Dans le premier cas, la voiture ‘’coûte’’ à son propriétaire, 132,8 francs.
Du coup le chauffeur en est pour sa poche de 5 francs et 20 centimes.
 
Tandis qu’avec la seconde option il aura un bénéfice de 37 centimes !
A ce niveau là, le client n’est plus un roi, il devient un esclavagiste.
 
Il est toujours possible d’arguer que le chauffeur peut bosser sur Genève. Mais jusqu’à ce jour, je n’ai vu que le déraillement d’un train de marchandises en gare de Lausanne, pour permettre de rentabiliser les kilomètres retour depuis la Cité de Calvin.
Les seuls vrais bénéficiaires à l’utilisation de cette application sont donc: les clients et Uber.
Uber par le prélèvement de la ‘’commission.’’
Les clients par les prix, sans concurrences, qui sont pratiqués.
 
A partir de là il semble utile de préciser encore une ou deux choses à l’intention des clients.
Uber exige pour sa version ‘’X’’ – et Black sur Genève, que les chauffeurs aient une « assurance professionnelle. »
Cette assurance n’existe pas. Il n’y a pas de couverture assurance particulière pour les taxis, ni d’obligation de contracter une couverture spéciale. Comme par exemple l’obligation à la ‘’Casco complète’’ pour les véhicules en leasing.
Ce choix revient au détenteur du véhicule uniquement. La seule différence entre une assurance véhicule ‘’privé’’ ou ‘’transport professionnel de personnes’’ se trouve dans le montant de la prime annuelle, qui varie du simple au double, et ce qui inscrit sur la carte grise.
Donc un véhicule privé, uberpop, uberX ou un taxi ont les mêmes conditions générales d’assurance véhicule.
 
La Confédération a édicté l’OTR 2, une ordonnance sur le travail et le repos afin de légiférer le transport professionnel de personnes au moyen de véhicules automobiles – minibus et cars, et qui, par extension, a été appliquée aux chauffeurs de taxis.
En refusant de s’y soumettre, la société californienne permet de cumuler les heures de conduite Uber aux heures de travail régulier. Sans qu’il n’y ait le moindre moyen de contrôle.
Les uberX, détenteurs d’une licence taxi, doivent retirer leur lumineux lorsqu’ils font des courses pour le californien.
Ainsi rendus ‘’invisibles’’ dans le flot de circulation, rien ne les empêche, excepté la raison, de multiplier leurs heures de conduite au détriment de leur repos quotidien.
De plus, n’étant pas officiellement en ‘’travail’’ rien ne les empêche de boire de l’alcool.
Si ce n’est l’obligation de reprendre le service le lendemain avec zéro pour mille dans le sang.
 
Si nous pouvons penser que la conscience professionnelle du taximan le maintiendra sur un chemin ‘’vertueux,’’ pouvons-nous reporter cette ‘’confiance’’ sur les chauffeurs Uberpop, qui eux n’ont que le code de la route à respecter, soit les mêmes règles que le conducteur lambda?
Ce qui signifie qu’un Uberpopper peut vous véhiculer avec 0.5 pour mille d’alcool dans le sang.
Le même taux d’alcoolémie qui vaudrait, à un chauffeur professionnel, un retrait de permis.
 
Alors, pourquoi rouler Uber ?
Si l’argument principal reste le prix des courses ‘’taxi Uber’’, la qualité du service est souvent mise en avant : « Chez Uber, les chauffeurs vous ouvrent la porte. »
Je peux vous garantir que chaque chauffeur qui va à la recherche d’un client qu’il ne connaît pas - et que ce client n’a que très peu de moyen d’identifier son ‘’taxi’’, le chauffeur sortira de son véhicule une fois arriver au lieu du rendez-vous pour identifier la personne qu’il vient chercher.
La logique du geste qui s’en suit est donc d’ouvrir la portière au client. Rien de nouveau.
Maintenant je dis pas qu’il n’y a pas de gueux chez les taximan, comme ceux de Taxi Riviera qui jouent avec les boutons de leurs portières électriques… Autrement, ils sont rares.
 
Un autre argument porte sur la propreté des véhicules. Là, il faut bien reconnaître que la remarque est globalement fondée.
Cependant, et pour la défense des chauffeurs de taxi, nous pourrions admettre qu’il est difficile d’avoir un véhicule propre à chaque instant, surtout quand celui-ci roule 24/7 et qu’il est utilisé par plusieurs chauffeurs.
Du coup, dans une file d’attente où les taxis s’entassent, vous pouvez différencier les véhicules d’une grande entreprise de ceux des indépendants sans trop de problème…
 
Mais d’un autre côté, un taxi c’est sur la route par n’importe quel temps…
Quand les trains ne roulent plus, que les transports publics patinent et que les uberistes ne veulent abîmer leurs jolies voitures, les taxis roulent.
 
Pour moi, il n'y a pas à tergiverser. Soutenez les professionnels de la route. Ceux qui se conforment à toutes les contraintes légales et qui, malgré les turpitudes des fonctionnaires des polices du commerce, restent là pour vous servir.
 
J-F.V.