Du premier
des parents au dernier des politiciens, tous nous demandent d’être des
personnes responsables qui assument les conséquences de leurs actes.
Les
politiciens attendent que nous nous comportions quotidiennement de manière
‘’responsable’’ sur la voie publique ou dans les transports en commun et dans
nos consommations de produits addictifs. Face à la détérioration de notre
biosphère le Peuple citoyen de la
Terre, doit se comporter en consommateur responsable, devenir
un consom’acteur, tout comme chaque personne est tenue de garantir un
maximum de sécurité vis-à-vis des gens qu’elle invite chez elle dans son
appartement ou sa maison, comme chaque organisateur d’événement est responsable
de ses invités, des spectateurs et des nuisances occasionnées.
Cette
sensibilisation commence tôt dans la vie de l’humain. Grands monologues,
remarques et punitions rythment l’apprentissage du petit de l’homme « jusqu’à ce qu’il comprenne. » Et le
petit ‘’singe nu’’ comprends assez bien, jusqu’à son premier contrat d’assurance
‘’auto’’ ou ‘’responsabilité civile’’, du moins.
Les
assurances paient pour les dégâts, les réparations, au pire les soins ;
les ‘’protection juridique’’ et les avocats se chargent de minimiser nos actes
et de réduire la punition et nous, nous nous trouvons une quantité infinie d’excuses
pour réussir à nous déresponsabiliser de ‘’l’événement’’ : « Pas vu… » ; « Pas entendu… » ; « J’avais bu » ; « J’ai été distrait » ; « J’étais hors de moi, je ne savais plus ce
que je faisais », etc.
Cette
désagréable habitude pourrait nous être encouragée par la multiplicité des
risques couverts par les assureurs ou simplement en regardant, en observant et
en écoutant ceux-là même qui nous demandent d’être responsable. Quand ce ne
sont pas carrément les psys qui nous déclarent « irresponsable ».
Ce qui est
intéressant, c’est qu’à mesure que vous gradez dans une entreprise, dans une
société internationale ou même en politique, votre responsabilité face à des
incidents ou accidents diminue de manière inversement proportionnelle au
nombre de vos subalternes.
« Je n’ai pas été informé de ce cas »
ou « Je n’ai pas été informé de ses
agissements » excuse le plus haut dirigeant d’une société
internationale a son équivalent politique avec : « Je ne connais pas ce dossier suffisamment
bien pour que je puisse m’exprimer sur ce cas. Mais… »
Le patron
d’une nano entreprise de taxi est responsable des bourdes de son chauffeur,
comme le patron d’une petite entreprise du bâtiment assume les erreurs de ses
ouvriers, comme la gérante du discounter est responsable de son personnel.
Par contre,
quand les CFF accumulent incidents, accidents et retards, c’est le porte-parole
qui s’exprime, parce que le directeur général ne parle que « lors du bilan annuel », ou ne « se déplace [qu’]en cas de crise ».
Ou encore quand la
haute direction d’une société multinationale se retrouve impliquée dans
l’assassinat de l’un de ses employés Sud-américains, c’est un avocat qui impose
des explications en espagnol en plein cœur de la romandie. Sans oublier ces
traders, ou autres employés de banques, lâchés par leur direction dès qu’ils se
font pincer.
Le 20 juin
dernier, un arbre est tombé devant la gare de Vevey.
La Suisse allait affronter la France, il faisait beau, il
y avait du monde, il y a donc eu, très malheureusement, des blessés. Trois blessées.
L’une d’entre-elle s’en sort plutôt bien ; une autre est coincée dans un
hôpital de la région pour trois semaines encore minimum, le temps de soigner sa
fracture à la colonne et pour les chirurgiens de récupérer les fragments d’os qui se promènent dans une
cheville qui a littéralement été broyée. Tandis que pour la troisième
adolescente l’avenir c’est dramatiquement assombri. La rumeur locale murmure
qu’elle aurait été transférée du CHUV, de Lausanne, vers l’hôpital de Sion (VS)
et qu’elle resterait tétraplégique. Mais ce n’est qu’un écho de trottoir.
Ceci étant
chuchoté, la question qui revient souvent dans les discussions de bitume est de
deviner qui sera tenu pour responsable de ce tragique accident qui donne un
méchant coup d’arrêt aux projets d’une jeune fille de moins de vingt ans ?
Les CFF, la
commune, le Syndic, le monsieur ‘’Arbre’’ de la Ville, les ‘’Verts’’ qui
s’opposent toujours à l’abattage des arbres, au ''champignon'', la faute à pas de chance… ?
La réponse ne se trouvera pas aussi vite que lorsqu’un vieil arbre malade est
tombé sur une voiture en stationnement. Mais déjà les possibles ‘’responsables’’
se couvrent : L’arbre était sur le territoire des CFF, mais son entretien
incombait à la commune ; « L’arbre
avait été touché par un camion » ; « L’arbre était sous surveillance » ; « L’arbre avait été contrôlé la dernière fois
en 2011. La prochaine inspection était prévue en 2015 », comme
l’explique le chef de la
Direction des espaces publics veveysans, qui précise, dans
l’article du 24 Heures du 24 juin, qu’un examen approfondi, une sorte
d’échographie de l’arbre, coûte entre 600 et 1'000 francs, par arbre…
Heureusement
Monsieur D. n’oublie pas les victimes : « Il convient avant tout d’adresser nos vœux de prompt rétablissement aux
victimes (…) »
Si je parle
de cela, c’est parce qu’il me semble que Mr D. paraît plus impliqué dans cet
accident que ne l’est le chef de tous les dicastères veveysans, Monsieur B., le
syndic de Vevey.
Un syndic
qui s’exprimait ainsi, 4 jours après le drame :
« On est triste de cet accident et surtout des
conséquences graves qu’il a eu sur l’une des jeunes filles, mais nous
entretenons et suivons nos arbres correctement, n’hésitant pas à les couper
(…) comme nous l’avions fait en 2012 avec
la vingtaine de platanes qui embellissaient nos quais. »
http://www.lematin.ch/faits-divers/La-chute-d-arbre-risuqe-de-la-laisser.paralysee/story/27891649
« On » n’est pas « Nous » et encore moins « Je ». « On » prend ses distances alors que « Nous » n’a rien à se reprocher. « Je » ne s’implique pas ouvertement, même si l’une des victimes
hospitalisées serait la fille d’une employée de la commune de Vevey-la-moins-Jolie-de-20-platanes.
Deux jours
plus tard, soit le 26 juin, lors de la séance du Conseil communal Monsieur le
syndic corrige le tir avec un message, qu’il lira assis, devant les élus
veveysans : « (…) Nos vœux
sincères pour un prompt rétablissement les accompagnent, en particulier pour la
plus touchée d’entre-elles. (…) »
Un message devenu formel, vide de toutes émotions.
Depuis le
24 juin, plus rien. Même Le Régional,
l’hebdomadaire local, est resté silencieux.
L’enquête
est en cours, et tant qu’aucun professionnel, juge ou autre expert n’a publié
de conclusion, tout le monde, selon les ‘’consignes’’ de la Municipalité, est
prié de se taire : « (…) Les
réponses vous seront apportées une fois que les conclusions de l’enquête nous
aurons été transmises par les autorités compétentes. Dès lors, la Municipalité et son
administration réservent strictement leurs déclarations aux enquêteurs et se
mettent totalement à leur disposition. (…) » Dixit le syndic. C’est compréhensible...
Les experts
des ‘’arbres morts’’ vont faire leurs petits prélèvements, faire leurs petites analyses
et autres mesures pour les confronter aux observations des spécialistes des
‘’arbres encore debout’’. Je doute que dans cette enquête quiconque ne vienne
prendre la ‘’température’’ auprès de ceux qui ont passé une bonne partie de
leur temps au pied de l’arbre malade. Ce qui retire de l’enquête des observations
telles que la présence de musaraignes qui avaient nidifié dans le tronc de
l’arbre ou le fait qu’une tige en acier ait pu être introduite, horizontalement
sur un bien 50
centimètres, à la base de l’arbre ou encore que la
grosse branche coupée il y a peu avait laissé apparaître un trou en son centre.
Et que ces observations ont bien entre dix-huit mois et deux ans.
De plus,
l’arbre penchait sur la chaussée depuis des décennies et les anciens chauffeurs
de taxis, qui travaillaient à l’ombre du feuillus ont souvent demandé, selon
leurs dires, quand il serait abattu ?
Mais comme
ces observations ne se sont faites qu’oralement, elles n’existent pas. Ou
manque de pertinences vu qu’un simple chauffeur de taxi n’a pas les
connaissances d’un garde forestier ou d’un chef des espaces publics veveysans…
Les
scientifiques vont donc expliquer ‘’comment’’ ce tragique accident est survenu et la Justice se chargera de
désigner un responsable.
Ce qui
m’attriste dans cette affaire, c’est le silence de nos élus. En particulier le
syndic de Vevey. Un arbre tombe sur son territoire et blesse grièvement deux
veveysannes. Je l’imaginais plus ‘’actif’’, plus ‘’communicateur’’. Certes les
familles réclament de l’intimité, mais cela ne l’empêchait pas de se
positionner en chef de la Ville
qui regrette sincèrement ce qui s’est passé, qui à la limite présente des
excuses aux victimes et à leur famille et s’implique personnellement dans la
recherche des causes de ce drame et fout des pieds au cul après. Parce qu’un
arbre, ça ne tombe pas en pleine ville sans raisons ! Après tout, n’est-il
pas le chef des chefs dans la ville, celui qui doit avoir une « attitude exemplaire » ?
Alors, pour
moi, le chef des chefs se lève face à l’auditoire pour affirmer sa présence
dans ce moment difficile au lieu de garder cet ‘’effort’’ pour plaisanter sur
le nombre de couche de peinture utilisée pour de la signalisation routière…
Ce qui m’inquiète aussi dans cette plus que triste
affaire, serait de lire une conclusion d’enquête du style : « Rien ne permettait de prévoir la chute de
l’arbre » et que les malheureuses victimes « se sont retrouvées au mauvais endroit au mauvais moment. »
En plus étoffé, bien sûr.
Nemo.
P.s. :
Retranscription de l'intervention
du syndic lors du conseil communal du 26.06.14 :
« Mesdames et Messieurs les conseillers
communaux, il est rare que la municipalité prenne ainsi la parole en ouverture
de séance, mais le drame survenu vendredi dernier à la gare l’exige.
Nos pensées vont avant tout vers les victimes
de la chute de cet arbre et leur famille. Nos vœux sincères pour un prompt
rétablissement les accompagnent, en particulier pour la plus touchée
d’entre-elles.
De nombreuses questions se posent après cet
accident. Les réponses vous seront apportées une fois que les conclusions de
l’enquête nous aurons été transmises par les autorités compétentes. Dès lors, la Municipalité et son
administration réservent strictement leurs déclarations aux enquêteurs et se
mettent totalement à leur disposition. Nous vous remercions de votre
compréhension et souhaitons que tout un chacun, par une attitude exemplaire,
permette à l’enquête d’avancer dans le climat le plus serein possible. »
... que l’on ne parle plus vraiment des revendications sociales d’une
majorité de Brésiliennes et de Brésiliens ; un peu plus de quinze jours
que les images chocs des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre
ont disparu de nos écrans télés. Jusqu’au 12 juin les grévistes du métro
brésilien inquiétaient la planète entière, le 13 juin 2013 se sont ceux de la SNCF qui ont pris le relais
avant de céder leurs places aux mécontents des aéroports. Sans oublier les
intermittents du spectacle.
Cela
voudrait-il dire que les conditions de vie de millions de Sud-Américain se sont
brusquement améliorées ? Nous en doutons en chœur.
Les médias
évitent les sujets ‘’Favelas’’, sauf pour noter leur ‘’pacification’’ sélective
en parlant du bout des lèvres des expropriations violentes qui sont encore
d’actualité parce qu’à quelques jours du dénouement final de la grande messe du
football international, les esprits politiques corrompus du Brésil se tournent
déjà vers 2016, l’année des Jeux Olympiques de Rio ; parce que Rio de
janvier doit devenir, d’ici deux ans, la ville ‘’merveilleuse’’ de l’Amérique
du Sud. La place où il faudra absolument être si t’as de la thune.
Maintenant,
les journalistes présents outre-atlantique ne peuvent pas que passer leur temps
à faire bronzette sur les plages brésiliennes. Ils doivent quand même nous
montrer la pauvreté du pays pour que nous nous disions : « On est quand même bien chez nous...»
Comme il
est devenu interdit de critiquer la
FIFA qui fait tant « For
the World », il faut trouver un sujet qui n’égratigne pas le Sepp, qui
ne parle pas des milliards dépensés dans des constructions éphémères et encore
moins du nettoyage par le vide de certaines zones occupées par des miséreux et
dans lesquelles la ‘’Merveilleuse’’ veut et va s’étendre. Il reste donc le
triste sujet de la prostitution. J’en ai vu trois, dans la chronologie
suivante : Le premier reportage montrait de loin les prostituées qui
s’étaient installées autour des stades. Durant le second, le ou la journaliste
a donné la parole à l’une de ces filles, à peine majeure, qui vend son corps
pour obtenir de quoi nourrir son enfant et subvenir aux besoins de sa famille.
Le dernier abordera le problème de la prostitution infantile et nous a révèle
que Fortalezza, ville et stade qui
accueille six matches de coupe du monde, serait la capitale brésilienne de la
prostitution des mineurs. Révélation faite après la cinquième des six
rencontres programmées là-bas.
Du coup,
pendant que Giroud éclate à coups de pied volants la face de ses adversaires,
de pauvres diables se font exploser la tronche à coups de matraque par la
police militaire ; les Favelas mal placées s’enflamment aussi vite qu’un
stade après le but victorieux d’un Robben, Neymar ou autre Messi et pendant que
les supporters s’abreuvent de bières ou de caïpirinhas des gamins se font
sodomiser et se retrouvent contraint d’avaler des liquides organiques, tandis
que d’autres se font sodomiser pendant que Marc-André Berset, avec son regard
de piranha dopé à l’hélium, et sa consoeur Viola nous sortent des commentaires
à la ‘’mords-moi le nœud’’.
La police
fédérale brésilienne estime que 250'000 enfants mineurs de moins de 18 ans
étaient en situation de prostitution. En 2011…
Selon
l’ECPAT(End Child Prostitution, Child
Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purpose) une
organisation internationale qui se bat contre ce fléau :
« Dans un pays où près de la moitié des
enfants et adolescents vivent en dessous du seuil de pauvreté », la
venue d’environ 4 millions de spectateurs (brésiliens et touristes confondus)
pour témoigner de la grandeur du football brésilien, ou du foot tout court,
« représente un potentiel
d’accroissement du nombre de clients. »
La présence,
dans des clips demandant à « ne pas
détourner notre regard », d’anciennes stars de foot que sont Juninho et
Kaka, ne signifie pas que ce problème est exclusivement brésilien.
La
prostitution infantile a bondi de 86% lors du Mondial 2006 en Allemagne ;
de 67% en Afrique du Sud (2010) et de 87% lors des Jeux Olympique de 2012 en
Grèce.
Il faut croire que bon nombre de personnes vont faire ailleurs, ce que la morale leur interdit de faire chez eux.
Le Brésil
est péniblement sorti des répressions violentes organisées par le gouvernement
et les lobbies industriels du moment qui recrutaient ‘’paramilitaires’’ parmi
les forces de police, et parfois dans l’armée elle-même, pour faire taire
définitivement tout opposant au régime.
Les
descendants de ces disparus politiques et économiques continuent à subir les
foudres des forces de l’ordre ainsi que les discriminations sociales qui leurs
sont liées et quant à leurs enfants, ils ne trouvent qu’un éphémère espoir de
survie dans la plus vile expression de l’idéologie néolibérale qui a donné une
valeur marchande à l’être humain. Avec la succession annoncée des deux
événements sportifs majeurs au Brésil, ce sont bien des familles entières qui
risquent de ‘’disparaître’’ définitivement.
Nemo.