De toute
l’histoire de l’Humanité aucun Roi, Empereur, Président, ou n’importe quel
autre chef d’Etat n’a fait autant de victimes innocentes en aussi peu de temps
que le président des Etats-Unis d’Amérique lorsqu’il ordonna le largage des
deux bombes atomiques sur le Japon.
Et il ne
fut jamais envisagé de l’envoyer au TPI pour crime contre l’humanité !
Privilège du vainqueur certainement…
Aux
horreurs dont furent témoins les scientifiques expédiés sur places avec
quelques journalistes sensés montrer à la face du monde la puissance nouvelle
des USA, tout en minimisant les effets ‘’secondaires’’ de l’utilisation de
l’atome à des fins militaires, succédèrent les mensonges, les morts
douloureuses et silencieuses, le traumatisme de toute une nation.
Une dizaine
d’années plus tard, dans les premiers jours de novembre 1955, l’exposition ‘’Atome pour la Paix’’ s’installe au parc
Hibiya à Tokyo. L’ambassadeur
américain au Japon, John M. Allison, transmettra ce message du président
Eisenhower au peuple japonais : « Cette
exposition est le symbole de la volonté de nos deux pays de consacrer l’immense
pouvoir de l’atome à la paix. »
Matsutarô
Shoriki, président du comité japonais de l’énergie atomique, inaugurera
l’exposition qui marquera l’histoire du nucléaire au Japon.
Il faudra
quand même encore une bonne décennie avant que se pose la première pierre d’un
édifice nucléaire sur le sol nippon. Ce fut à Tsuruga en 1966. Depuis, et jusqu’en 2009, il se construira 18
centrales nucléaires et 54 réacteurs seront mis en service.
57 ans
après l’expo sur l’énergie atomique, Monsieur Eisaku SATO ex-Prefet de
Fukushima dira, en mesurant l’ampleur du désastre et face à la menace qui
planera sur les futures générations japonaises :
« Avec la construction d’une centrale
nucléaire, c’est le grand luxe le temps d’une génération. Juste une génération.
La population augmente, on construit de nouvelles routes partout, c’est
l’opulence pendant trente ans. Mais après ça, ce qui reste ce sont des tonnes
de déchets radioactifs. Et il n’y a pas d’endroits où se débarrasser du
combustible usager au Japon. Alors oui, si vous pensez seulement à votre
génération, construisez des centrales. »
Le 8
décembre 1953, devant les membres de l’ONU, le président Eisenhower tint
ces propos:
« C’est avec enthousiasme et fierté que les
Etats-Unis participeraient, aux côtés des autres parties impliquées, au
développement de projets en faveur d’une utilisation pacifique de l’énergie
atomique.
Face au sombre passé de la bombe atomique, les
Etats-Unis veulent opposer plus que la force.
Ils souhaitent également susciter le désir et
l’espoir de paix.»
Selon
Richard Rhodes, historien au pays de l’Oncle Sam.
« Le président Eisenhower, en entrant en
fonction fin 1953, savait que l’Union Soviétique était entrain de développer
l’énergie nucléaire civile, commerciale, et essayait de vendre des réacteurs en
Europe. Les milieux d’affaires américains ne voulaient pas que les soviétiques
prennent l’avantage sur cette opportunité potentiellement très lucrative de
vendre des centrales nucléaires. »
L’éternel
conflit Est-Ouest, cet ennemi rouge et sa propagande communiste, sans parler
des intérêts industriels et militaires de l’énergie nucléaire qui étaient en
jeu.
Le 25 mars
1957, les Six (France, Allemagne, Italie, Belgique, Luxembourg et les Pays-Bas, les membres de la CECA) signent les traités de Rome instituant la Communauté économique
européenne (CEE) ainsi que la
Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) qui a
pour but de bâtir une industrie commune du nucléaire civil.
Dans les
années 1960- 1970, quand les premières centrales sont entrées en service, les
compagnies d’électricité ont fait le forcing, avec l’aide des promoteurs
immobiliers et des gouvernements pour imposer aux populations la
surconsommation électrique, parce qu’une fois mise en route, la centrale ne
s’arrête plus de produire… Et cette électricité qui était produite sans
discontinuer DEVAIT être vendue ! Aujourd’hui, il y aurait dans le monde
plus de 440 réacteurs nucléaires en fonction.
Depuis le
début de l’ère nucléaire il n’y aurait eu que trois accidents, un ou deux
autres seraient survenus en URSS, mais sans preuve formelle de la part du Kremlin
(si j’ai bonne mémoire). Trois accidents que les responsables nucléocrates
n’ont pu dissimuler au grand public : Three
Miles Island, Tchernobyl et Fukushima.
Le premier on n’en parle plus, tout est fait pour oublier le second et
minimiser le troisième.
A juste
raison, car le nucléaire fait peur dans l’opinion publique. C’est une menace
invisible contre laquelle nous ne pouvons nous battre, une fois les nuages
radioactifs libérés ; parce qu’une fois lancée, le mécanisme nucléaire est
impossible à arrêter.
Une
centrale nucléaire peut être démantelée en quoi : 20 ans ? 30
ans ? Si tout se passe bien, mais le plus important est de savoir : A
quel prix !?
Ensuite,
qu’advient-il des déchets radioactifs ? Seront-ils enterrés loin des yeux
pour que nous oubliions qu’ils continueront d’empoisonner leur environnement,
l’environnement de nos enfants, et des enfants de nos enfants, pendant des
milliers d’années ?
La première
mission des nucléocrates est donc de nous rassurer, de nous vendre une sécurité
atomique zéro défaut, et de se rassurer eux-mêmes en faisant confiance aux
multiples simulations informatisées dans lesquelles ils ont inclus les données
nouvelles des récentes catastrophes. Une mise à jour des paramétrages de
calculs des risques en somme.
Dans cette
mission d’endormissement des populations, chaque accident est un incident
classifié selon une échelle de risque, et l’incident ne va jamais au-dessus du
premier échelon. Chaque incident est toujours sans gravité et sans rejet de
particules radioactives dans l’atmosphère. Ou si c’est le cas, la quantité
rejetée mesurée est d’une faiblesse tellement ridicule qu’elle pourrait juste
foutre une migraine à quelques moustiques en vadrouille autour de la centrale.
Aujourd’hui,
Tchernobyl peut être arpenté lors de visites touristiques guidées, des visites
chronométrées bien sûr. Ce serait con et mauvais pour le business que des
touristes tombent malade juste au retour de leurs vacances ;
Au Japon,
c’est toute une population qui est volontairement exposée aux radiations.
Tepco,
l’opérateur de la centrale, a indemnisé les pêcheurs de poissons radioactifs en
fonction du poids de la prise. Les poissons sont interdits à la vente quand
leur taux de radioactivité dépasse les 80 becquerel. Un an après la
catastrophe, un petit bateau de pêche parti en mer à 100 km au nord de Fukushima
ramenait encore des cargaisons de poissons affichant un taux de radioactivité
de 96 becquerel.
Les
poissons furent rejetés à la mer.
« Un
jour, ils ont fait venir Mickey ici pour montrer au reste du Japon que oui,
Fukushima allait très bien, qu’on se relevait. Ils faisaient une sorte de
campagne médiatique pour la région. J’étais très réticente, mais en tant que
puéricultrice j’ai quand même emmené les enfants. Et arrivé sur place j’ai
mesuré la radioactivité. Là où je devais les faire asseoir, on était à 10,6
milliSievert. »
Peut-être
que pour éviter d’avoir à prendre soin d’enfants malades à cause de la
radioactivité dans 20 ans, ce qui pourrait coûter cher à la santé publique, on
détruit sciemment leur appareil reproductif…
Fin du
témoignage de la puéricultrice résidant à Fukushima, si cela est nécessaire de
préciser:
« (…) Et puis j’ai deux filles de 17 et 24 ans. J’ai dû leur demander de ne
pas avoir d’enfants. »
Au Japon,
c’est tout un Peuple qui s’est retrouvé confronté à la négligence calculée d’un
gouvernement. Shinzo Kimura, spécialiste de la radioactivité :
« (…) Les
produits agricoles de Fukushima ne sont pas vendus en dehors de la région. Mais
l’accident qui s’y est produit a également pollué toutes les régions voisines,
or la production agricole de ces régions ne subit aucune restriction à la
vente. Malheureusement, je pense que l’on a très certainement aggravé l’ampleur
de la catastrophe en propageant la contamination dans tout l’archipel.
On assiste à la fois à une pollution locale et
à sa propagation. Cela signifie qu’il va y avoir des victimes même là où on ne
s’y attend pas.»
20 ans
après Tchernobyl, un rapport de la Confédération, disponible sur www.news.admin.ch – ‘’20 ans après
Tchernobyl…’’, détaille assez bien ce qui s’est passé, ce qui est ‘’retombé’’
en Suisse, en mai 1986. Dans la limite des informations que le grand public est
susceptible de recevoir, pas forcément de comprendre mais d’accepter. Un
rapport qui ressemble beaucoup à celui qui fut rendu public deux ans après de
la catastrophe.
En 1988 il
est écrit que « les doses de
radiations reçues par l’homme n’ont pas dépassé 2 mSv » ;
20 ans plus
tard, on peut lire que la « dose moyenne
supplémentaire, attribuable à l’accident de Tchernobyl, reçue par la population
suisse s’est élevée à 0,2 mSv. (…) Si l’on sommes les doses supplémentaires
reçues par la population suisse depuis 1986 à nos jours, le total atteint 0,5
mSv pour la moyenne nationale et environ 10 fois plus pour les personnes
touchées.».
Le rapport
n’omet pas de préciser que la dose annuelle que les Suisses encaissent dans
leur quotidien sans broncher est de 4 mSv. Pas de quoi fouetter le chat de la
moyenne donc…
Mais surtout,
ces rapports sont difficilement compréhensibles pour celles et ceux qui
pataugent avec les chiffres et se perdent dans les unités de mesures (du nCi/kg
avec son équivalent en Bq/kg, du mrem et son mSv, encore du Bq mais par mètre
cube ou carré et par litre ou kilo, et du Sievert qui change d’échelle au gré
des tableaux, milli-micro-nano).
En
contamination externe vous aviez d’un côté (1988) une intensité au sol en uR/h,
une mesure de Iode 131 par kilo d’herbe qui s’additionne à une mesure de Césium
137 par kilo de foin ; de l’autre : « la concentration maximale de Césium 137 enregistrée en Suisse
dans l’air après l’accident de Tchernobyl s’élevait à 12 Bq par mètre cube ».
La mesure fribourgeoise.
« Comme de fortes précipitations ont eu lieu
au Tessin, lors du passage du nuage radioactif, c’est dans cette région que la
plus grande quantité de radioactivité a été déposée sur le sol et les plantes,
à savoir jusqu’à 50'000 Bq/ mètre carré ». Saloperie de pluie !
Le Tessin a
morflé. Les régions du Jura et autour du Lac de Constance aussi, mais dans une
moindre mesure. Mais rien d’inquiétant parce que « dans le reste de la
Suisse les retombées ont été faibles, avec des mesures de
quelques milliers de Bq par m2 (mètre carré, pas le métro) de Césium 137, et ont été inférieures à
celles des essais nucléaires (bombes atomiques) des années 1950 et 1960 ».
Ca laisse
pantois…
Finalement,
Tchernobyl : Pas si grave que cela. Et si la population a bien suivi les
directives gouvernementales du moment, aucun Suisse n’a dû être incommodé par
le nuage radioactif et ses retombées. Recommandation faite aux femmes
enceintes, à celles qui allaitaient ainsi qu’aux jeunes enfants de renoncer à
la consommation de lait frais et de légumes frais jusqu’à la fin mai 1986
(l’explosion s’est produite le 26 avril 1986) ; « Il a aussi été déconseillé , durant la même période, d’utiliser les eaux de
citernes, ainsi que, jusqu’en août 1986, de consommer du lait et du fromage de
brebis provenant du Tessin et des vallées du sud des Grisons ».
Au début
septembre 1986, les autorités suisses ont émis une interdiction de la pêche
dans le lac de Lugano. Ce jusqu’en juillet 1988…
Dans le
rapport sur les retombées ukrainiennes 20 ans plus tard on apprend qu’« en accord avec la Communauté européenne,
une valeur limite de 370 Bq par kilo pour la somme des deux isotopes de césium
a été fixée pour le lait, la crème, les produits laitiers et la nourriture pour
enfant, et une limite de 600 Bq par kg a été admise pour les autres
aliments ». Faut bien que l’économie agroalimentaire continue de
tourner. Et grâce à « des
extrapolations, basées sur les valeurs recueillies lors des événements
d’Hiroshima et de Nagasaki, soulignent que la Suisse devrait faire face à environ 200 cas de
cancers mortels supplémentaires suite à Tchernobyl ».
Comme si
l’explosion d’une centrale nucléaire pouvait être comparée à l’explosion d’une
bombe « A » en terme de quantité et de durée de radiations émises ;
comment des personnes initiées peuvent-elles prendre comme modèle de calcul des
relevés japonais vieux de 40 ans et, qui plus est, donnant des informations sur
une irradiation à forte dose, de courte durée provenant d’une explosion à basse
altitude dans des encastrements naturels géographiques volontairement
choisi ?
Petit
détail certainement insignifiant, ce rapport titré : 20 ans après
Tchernobyl : Les retombées…, auraient été mis en ligne en mai 2011. 25 ans
après Tchernobyl, mais surtout 2 mois après Fukushima.
Histoire de
rassurer, peut-être.
Dans les
quelques pages sur la catastrophe, éditées en 1988, il y a beaucoup plus de
valeurs révélées sur la contamination de l’environnement et de notre faune,
apprivoisée ou pas :
La
concentration la plus élevée de iode-131 constatée dans du lait de vache a été
de 1'850 Bq/kg, ce maximum fut atteint le 10 mai 1986 au Tessin. Une autre
mesure de 1'480 Bq/kg est aussi donnée sans en préciser la localisation.
Sans donner
de chiffre ni de précision géographique, il est écrit que : « La radioactivité du lait de brebis et
de chèvre était plus élevée que celle du lait de vache ».
La
concentration la plus élevée de césium-137 et césium-134 dans la viande a
atteint un maxima allant de 2'960 Bq/kg à 4'440 Bq/kg.
En 2002, il
y avait encore quelques cas particuliers de mesure de césium-137 qui donnaient
des valeurs élevées mais il s’agissait de viande de gibier, de sanglier plus
précisément. Mais aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre et nous sommes
revenus à des valeurs qui étaient mesurables avant l’accident de Tchernobyl.
Nous voilà rassurés…
Le 10 mars
2013, le Matin Dimanche avait un petit article dédié à la chasse. Son
titre :
Des sangliers radioactifs ont été repérés à la
frontière.
Des
analyses pratiquées sur les cadavres de 27 sangliers abattus en 2012 et 2013
dans la vallée de Valsesia, au pied du Mont-Rose, versant Italien, ont révélé
des traces anormalement élevées de césium 137. Les analyses ont démontré un
niveau pouvant atteindre 5'621 becquerel par kilo alors que le niveau d’alerte
est fixé à 600 becquerel par kilo.
Nous ne
sortirons jamais du nucléaire. Dans le sens où si tous les gouvernements concernés
décidaient aujourd’hui de démanteler leurs centrales nucléaires, les matériaux
radioactifs nous empoisonneraient encore bien longtemps.
A la suite
de Tchernobyl, l’Italie a renoncé au nucléaire. Fukushima a fait réfléchir plus
d’un gouvernement. L’Allemagne a renoncé, la France s’entête et la Suisse repousse aux calendes
grecques son renoncement au nucléaire. En 2011, la Berne fédérale disait que les
centrales suisses devaient s’arrêter 2035 ; en mai 2012 elles obtiennent
un sursis de dix ans supplémentaires ; fin mars 2013, le Tribunal fédéral donne
son feu vert à une utilisation illimitée de la centrale de Mühleberg.
Doris
Leuthard, ministre de l’Energie et de l’environnement qui avait elle-même annoncé
la fin du nucléaire deux ans plus tôt, commentera :
« Tant que la sécurité est assurée, il ne faut
pas fixer une date de fermeture des centrales. Cela doit être une décision
scientifique, pas politique ».
Alors à
quoi sert un ministre de l’énergie et de l’environnement ? Nous pourrions
aussi nous poser la question de manière plus générale : A quoi servent les
politiciens ?
La sécurité
est assurée en Suisse. Il est vrai que pour le moment, il ne se passe pas grand-chose
de naturellement catastrophique chez nous. Juste quelques tonnes de rochers qui
tombent des montagnes de temps à autre ; une vallée qui risquaient l’inondation ;
éventuellement des glissements de terrain. Brig sous la boue c’est du passé
lointain ; la centrale de Lucens est inexistante dans la mémoire
collective ; Bâle et son tremblement de terre est relaté sur un papier
ronger par les siècles… Quant au dernier tsunami qui a traversé le Léman, il
ressemblait à une vague de sillage du ‘’Lausanne’’,
le plus gros bateau de la
Compagnie générale de navigation (CGN).
Dans la
première dizaine de mai, un bon millier de boélands (les autochtones de La Tour-de-Peilz) ont vu leur
quotidien perturbé par un rat. La sale bête n’a rien trouvé de mieux que d’aller
se promener dans un transfo électrique de la région. Résultat : un rat
mort, une grosse coupure d’électricité et des personnes coincées dans les
ascenseurs. Aux alentours du 20 mars 2013, c’est aussi un rat qui a causé une
coupure d’électricité paralysant la centrale de Fukushima dans ses travaux de ‘’nettoyages’’.
Un rat…
La
conclusion de tout ça revient à Naoto KAN, Premier ministre de juin 2010 à
septembre 2011 :
« L’unique sécurité : c’est de ne
pas avoir recours au nucléaire, c’est de ne pas avoir de centrale nucléaire »
Malheureusement
elle arrive avec plus d’un demi siècle de retard.
NEMo.
Divers passages tirés de : « Le monde après Fukushima », film documentaire de Kenichi
WATANABE diffusé le 5 mars 2013 sur
ARTE.