samedi 25 mai 2013

Le noyau de notre agonie.

De toute l’histoire de l’Humanité aucun Roi, Empereur, Président, ou n’importe quel autre chef d’Etat n’a fait autant de victimes innocentes en aussi peu de temps que le président des Etats-Unis d’Amérique lorsqu’il ordonna le largage des deux bombes atomiques sur le Japon.
Et il ne fut jamais envisagé de l’envoyer au TPI pour crime contre l’humanité ! Privilège du vainqueur certainement…
Aux horreurs dont furent témoins les scientifiques expédiés sur places avec quelques journalistes sensés montrer à la face du monde la puissance nouvelle des USA, tout en minimisant les effets ‘’secondaires’’ de l’utilisation de l’atome à des fins militaires, succédèrent les mensonges, les morts douloureuses et silencieuses, le traumatisme de toute une nation.

Une dizaine d’années plus tard, dans les premiers jours de novembre 1955, l’exposition ‘’Atome pour la Paix’’ s’installe au parc Hibiya à Tokyo. L’ambassadeur américain au Japon, John M. Allison, transmettra ce message du président Eisenhower au peuple japonais : « Cette exposition est le symbole de la volonté de nos deux pays de consacrer l’immense pouvoir de l’atome à la paix. »
Matsutarô Shoriki, président du comité japonais de l’énergie atomique, inaugurera l’exposition qui marquera l’histoire du nucléaire au Japon.
Il faudra quand même encore une bonne décennie avant que se pose la première pierre d’un édifice nucléaire sur le sol nippon. Ce fut à Tsuruga en 1966. Depuis, et jusqu’en 2009, il se construira 18 centrales nucléaires et 54 réacteurs seront mis en service.
57 ans après l’expo sur l’énergie atomique, Monsieur Eisaku SATO ex-Prefet de Fukushima dira, en mesurant l’ampleur du désastre et face à la menace qui planera sur les futures générations japonaises :
« Avec la construction d’une centrale nucléaire, c’est le grand luxe le temps d’une génération. Juste une génération. La population augmente, on construit de nouvelles routes partout, c’est l’opulence pendant trente ans. Mais après ça, ce qui reste ce sont des tonnes de déchets radioactifs. Et il n’y a pas d’endroits où se débarrasser du combustible usager au Japon. Alors oui, si vous pensez seulement à votre génération, construisez des centrales. »

Le 8 décembre 1953, devant les membres de l’ONU, le président Eisenhower tint ces propos:
« C’est avec enthousiasme et fierté que les Etats-Unis participeraient, aux côtés des autres parties impliquées, au développement de projets en faveur d’une utilisation pacifique de l’énergie atomique.
Face au sombre passé de la bombe atomique, les Etats-Unis veulent opposer plus que la force.
Ils souhaitent également susciter le désir et l’espoir de paix.»
Selon Richard Rhodes, historien au pays de l’Oncle Sam.
« Le président Eisenhower, en entrant en fonction fin 1953, savait que l’Union Soviétique était entrain de développer l’énergie nucléaire civile, commerciale, et essayait de vendre des réacteurs en Europe. Les milieux d’affaires américains ne voulaient pas que les soviétiques prennent l’avantage sur cette opportunité potentiellement très lucrative de vendre des centrales nucléaires. »
L’éternel conflit Est-Ouest, cet ennemi rouge et sa propagande communiste, sans parler des intérêts industriels et militaires de l’énergie nucléaire qui étaient en jeu.
Le 25 mars 1957, les Six (France, Allemagne, Italie, Belgique, Luxembourg et les Pays-Bas, les membres de la CECA) signent les traités de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) ainsi que la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) qui a pour but de bâtir une industrie commune du nucléaire civil.
Dans les années 1960- 1970, quand les premières centrales sont entrées en service, les compagnies d’électricité ont fait le forcing, avec l’aide des promoteurs immobiliers et des gouvernements pour imposer aux populations la surconsommation électrique, parce qu’une fois mise en route, la centrale ne s’arrête plus de produire… Et cette électricité qui était produite sans discontinuer DEVAIT être vendue ! Aujourd’hui, il y aurait dans le monde plus de 440 réacteurs nucléaires en fonction.

Depuis le début de l’ère nucléaire il n’y aurait eu que trois accidents, un ou deux autres seraient survenus en URSS, mais sans preuve formelle de la part du Kremlin (si j’ai bonne mémoire). Trois accidents que les responsables nucléocrates n’ont pu dissimuler au grand public : Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima. Le premier on n’en parle plus, tout est fait pour oublier le second et minimiser le troisième.
A juste raison, car le nucléaire fait peur dans l’opinion publique. C’est une menace invisible contre laquelle nous ne pouvons nous battre, une fois les nuages radioactifs libérés ; parce qu’une fois lancée, le mécanisme nucléaire est impossible à arrêter.
Une centrale nucléaire peut être démantelée en quoi : 20 ans ? 30 ans ? Si tout se passe bien, mais le plus important est de savoir : A quel prix !?
Ensuite, qu’advient-il des déchets radioactifs ? Seront-ils enterrés loin des yeux pour que nous oubliions qu’ils continueront d’empoisonner leur environnement, l’environnement de nos enfants, et des enfants de nos enfants, pendant des milliers d’années ?

La première mission des nucléocrates est donc de nous rassurer, de nous vendre une sécurité atomique zéro défaut, et de se rassurer eux-mêmes en faisant confiance aux multiples simulations informatisées dans lesquelles ils ont inclus les données nouvelles des récentes catastrophes. Une mise à jour des paramétrages de calculs des risques en somme.
Dans cette mission d’endormissement des populations, chaque accident est un incident classifié selon une échelle de risque, et l’incident ne va jamais au-dessus du premier échelon. Chaque incident est toujours sans gravité et sans rejet de particules radioactives dans l’atmosphère. Ou si c’est le cas, la quantité rejetée mesurée est d’une faiblesse tellement ridicule qu’elle pourrait juste foutre une migraine à quelques moustiques en vadrouille autour de la centrale.
Aujourd’hui, Tchernobyl peut être arpenté lors de visites touristiques guidées, des visites chronométrées bien sûr. Ce serait con et mauvais pour le business que des touristes tombent malade juste au retour de leurs vacances ;
Au Japon, c’est toute une population qui est volontairement exposée aux radiations.

Tepco, l’opérateur de la centrale, a indemnisé les pêcheurs de poissons radioactifs en fonction du poids de la prise. Les poissons sont interdits à la vente quand leur taux de radioactivité dépasse les 80 becquerel. Un an après la catastrophe, un petit bateau de pêche parti en mer à 100 km au nord de Fukushima ramenait encore des cargaisons de poissons affichant un taux de radioactivité de 96 becquerel.
Les poissons furent rejetés à la mer.

 « Un jour, ils ont fait venir Mickey ici pour montrer au reste du Japon que oui, Fukushima allait très bien, qu’on se relevait. Ils faisaient une sorte de campagne médiatique pour la région. J’étais très réticente, mais en tant que puéricultrice j’ai quand même emmené les enfants. Et arrivé sur place j’ai mesuré la radioactivité. Là où je devais les faire asseoir, on était à 10,6 milliSievert. »
Peut-être que pour éviter d’avoir à prendre soin d’enfants malades à cause de la radioactivité dans 20 ans, ce qui pourrait coûter cher à la santé publique, on détruit sciemment leur appareil reproductif…
Fin du témoignage de la puéricultrice résidant à Fukushima, si cela est nécessaire de préciser:
 « (…) Et puis j’ai deux filles de 17 et 24 ans. J’ai dû leur demander de ne pas avoir d’enfants. »
Au Japon, c’est tout un Peuple qui s’est retrouvé confronté à la négligence calculée d’un gouvernement. Shinzo Kimura, spécialiste de la radioactivité :
« (…) Les produits agricoles de Fukushima ne sont pas vendus en dehors de la région. Mais l’accident qui s’y est produit a également pollué toutes les régions voisines, or la production agricole de ces régions ne subit aucune restriction à la vente. Malheureusement, je pense que l’on a très certainement aggravé l’ampleur de la catastrophe en propageant la contamination dans tout l’archipel.
On assiste à la fois à une pollution locale et à sa propagation. Cela signifie qu’il va y avoir des victimes même là où on ne s’y attend pas.»

20 ans après Tchernobyl, un rapport de la Confédération, disponible sur www.news.admin.ch – ‘’20 ans après Tchernobyl…’’, détaille assez bien ce qui s’est passé, ce qui est ‘’retombé’’ en Suisse, en mai 1986. Dans la limite des informations que le grand public est susceptible de recevoir, pas forcément de comprendre mais d’accepter. Un rapport qui ressemble beaucoup à celui qui fut rendu public deux ans après de la catastrophe.
En 1988 il est écrit que « les doses de radiations reçues par l’homme n’ont pas dépassé 2 mSv » ;
20 ans plus tard, on peut lire que la « dose moyenne supplémentaire, attribuable à l’accident de Tchernobyl, reçue par la population suisse s’est élevée à 0,2 mSv. (…) Si l’on sommes les doses supplémentaires reçues par la population suisse depuis 1986 à nos jours, le total atteint 0,5 mSv pour la moyenne nationale et environ 10 fois plus pour les personnes touchées.».
Le rapport n’omet pas de préciser que la dose annuelle que les Suisses encaissent dans leur quotidien sans broncher est de 4 mSv. Pas de quoi fouetter le chat de la moyenne donc…
Mais surtout, ces rapports sont difficilement compréhensibles pour celles et ceux qui pataugent avec les chiffres et se perdent dans les unités de mesures (du nCi/kg avec son équivalent en Bq/kg, du mrem et son mSv, encore du Bq mais par mètre cube ou carré et par litre ou kilo, et du Sievert qui change d’échelle au gré des tableaux, milli-micro-nano).

En contamination externe vous aviez d’un côté (1988) une intensité au sol en uR/h, une mesure de Iode 131 par kilo d’herbe qui s’additionne à une mesure de Césium 137 par kilo de foin ; de l’autre : « la concentration maximale de Césium 137 enregistrée en Suisse dans l’air après l’accident de Tchernobyl s’élevait à 12 Bq par mètre cube ». La mesure fribourgeoise.
« Comme de fortes précipitations ont eu lieu au Tessin, lors du passage du nuage radioactif, c’est dans cette région que la plus grande quantité de radioactivité a été déposée sur le sol et les plantes, à savoir jusqu’à 50'000 Bq/ mètre carré ». Saloperie de pluie !

Le Tessin a morflé. Les régions du Jura et autour du Lac de Constance aussi, mais dans une moindre mesure. Mais rien d’inquiétant parce que « dans le reste de la Suisse les retombées ont été faibles, avec des mesures de quelques milliers de Bq par m2 (mètre carré, pas le métro) de Césium 137, et ont été inférieures à celles des essais nucléaires (bombes atomiques) des années 1950 et 1960 ».
Ca laisse pantois…

Finalement, Tchernobyl : Pas si grave que cela. Et si la population a bien suivi les directives gouvernementales du moment, aucun Suisse n’a dû être incommodé par le nuage radioactif et ses retombées. Recommandation faite aux femmes enceintes, à celles qui allaitaient ainsi qu’aux jeunes enfants de renoncer à la consommation de lait frais et de légumes frais jusqu’à la fin mai 1986 (l’explosion s’est produite le 26 avril 1986) ; « Il a aussi été déconseillé , durant la même période, d’utiliser les eaux de citernes, ainsi que, jusqu’en août 1986, de consommer du lait et du fromage de brebis provenant du Tessin et des vallées du sud des Grisons ».
Au début septembre 1986, les autorités suisses ont émis une interdiction de la pêche dans le lac de Lugano. Ce jusqu’en juillet 1988…
Dans le rapport sur les retombées ukrainiennes 20 ans plus tard on apprend qu’« en accord avec la Communauté européenne, une valeur limite de 370 Bq par kilo pour la somme des deux isotopes de césium a été fixée pour le lait, la crème, les produits laitiers et la nourriture pour enfant, et une limite de 600 Bq par kg a été admise pour les autres aliments ». Faut bien que l’économie agroalimentaire continue de tourner. Et grâce à « des extrapolations, basées sur les valeurs recueillies lors des événements d’Hiroshima et de Nagasaki, soulignent que la Suisse devrait faire face à environ 200 cas de cancers mortels supplémentaires suite à Tchernobyl ».
Comme si l’explosion d’une centrale nucléaire pouvait être comparée à l’explosion d’une bombe « A » en terme de quantité et de durée de radiations émises ; comment des personnes initiées peuvent-elles prendre comme modèle de calcul des relevés japonais vieux de 40 ans et, qui plus est, donnant des informations sur une irradiation à forte dose, de courte durée provenant d’une explosion à basse altitude dans des encastrements naturels géographiques volontairement choisi ?
Petit détail certainement insignifiant, ce rapport titré : 20 ans après Tchernobyl : Les retombées…, auraient été mis en ligne en mai 2011. 25 ans après Tchernobyl, mais surtout 2 mois après Fukushima.
Histoire de rassurer, peut-être.

 Dans les quelques pages sur la catastrophe, éditées en 1988, il y a beaucoup plus de valeurs révélées sur la contamination de l’environnement et de notre faune, apprivoisée ou pas :
La concentration la plus élevée de iode-131 constatée dans du lait de vache a été de 1'850 Bq/kg, ce maximum fut atteint le 10 mai 1986 au Tessin. Une autre mesure de 1'480 Bq/kg est aussi donnée sans en préciser la localisation.
Sans donner de chiffre ni de précision géographique, il est écrit que : « La radioactivité du lait de brebis et de chèvre était plus élevée que celle du lait de vache ».
La concentration la plus élevée de césium-137 et césium-134 dans la viande a atteint un maxima allant de 2'960 Bq/kg à 4'440 Bq/kg.

En 2002, il y avait encore quelques cas particuliers de mesure de césium-137 qui donnaient des valeurs élevées mais il s’agissait de viande de gibier, de sanglier plus précisément. Mais aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre et nous sommes revenus à des valeurs qui étaient mesurables avant l’accident de Tchernobyl. Nous voilà rassurés…
Le 10 mars 2013, le Matin Dimanche avait un petit article dédié à la chasse. Son titre :
Des sangliers radioactifs ont été repérés à la frontière.
Des analyses pratiquées sur les cadavres de 27 sangliers abattus en 2012 et 2013 dans la vallée de Valsesia, au pied du Mont-Rose, versant Italien, ont révélé des traces anormalement élevées de césium 137. Les analyses ont démontré un niveau pouvant atteindre 5'621 becquerel par kilo alors que le niveau d’alerte est fixé à 600 becquerel par kilo.

Nous ne sortirons jamais du nucléaire. Dans le sens où si tous les gouvernements concernés décidaient aujourd’hui de démanteler leurs centrales nucléaires, les matériaux radioactifs nous empoisonneraient encore bien longtemps.

A la suite de Tchernobyl, l’Italie a renoncé au nucléaire. Fukushima a fait réfléchir plus d’un gouvernement. L’Allemagne a renoncé, la France s’entête et la Suisse repousse aux calendes grecques son renoncement au nucléaire. En 2011, la Berne fédérale disait que les centrales suisses devaient s’arrêter 2035 ; en mai 2012 elles obtiennent un sursis de dix ans supplémentaires ; fin mars 2013, le Tribunal fédéral donne son feu vert à une utilisation illimitée de la centrale de Mühleberg.
Doris Leuthard, ministre de l’Energie et de l’environnement qui avait elle-même annoncé la fin du nucléaire deux ans plus tôt, commentera :
« Tant que la sécurité est assurée, il ne faut pas fixer une date de fermeture des centrales. Cela doit être une décision scientifique, pas politique ».
Alors à quoi sert un ministre de l’énergie et de l’environnement ? Nous pourrions aussi nous poser la question de manière plus générale : A quoi servent les politiciens ?

La sécurité est assurée en Suisse. Il est vrai que pour le moment, il ne se passe pas grand-chose de naturellement catastrophique chez nous. Juste quelques tonnes de rochers qui tombent des montagnes de temps à autre ; une vallée qui risquaient l’inondation ; éventuellement des glissements de terrain. Brig sous la boue c’est du passé lointain ; la centrale de Lucens est inexistante dans la mémoire collective ; Bâle et son tremblement de terre est relaté sur un papier ronger par les siècles… Quant au dernier tsunami qui a traversé le Léman, il ressemblait à une vague de sillage du ‘’Lausanne’’, le plus gros bateau de la Compagnie générale de navigation (CGN).

Dans la première dizaine de mai, un bon millier de boélands (les autochtones de La Tour-de-Peilz) ont vu leur quotidien perturbé par un rat. La sale bête n’a rien trouvé de mieux que d’aller se promener dans un transfo électrique de la région. Résultat : un rat mort, une grosse coupure d’électricité et des personnes coincées dans les ascenseurs. Aux alentours du 20 mars 2013, c’est aussi un rat qui a causé une coupure d’électricité paralysant la centrale de Fukushima dans ses travaux de ‘’nettoyages’’.
Un rat…

La conclusion de tout ça revient à Naoto KAN, Premier ministre de juin 2010 à septembre 2011 :
« L’unique sécurité : c’est de ne pas avoir recours au nucléaire, c’est de ne pas avoir de centrale nucléaire »
Malheureusement elle arrive avec plus d’un demi siècle de retard.

NEMo.
Divers passages tirés de : « Le monde après Fukushima », film documentaire de Kenichi WATANABE diffusé le 5 mars 2013 sur ARTE.

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