lundi 27 juin 2016

Euro 2016: un grand pas en arrière.

L’éthique sportive prétend offrir un espace neutre dans lequel peuvent (normalement) se rencontrer des concurrents de tous les horizons, loin des tensions qui divisent le monde et/ou la société.
Pourtant les événements majeurs – J.O. et Coupe du monde de foot – ont été pendant des décennies un outil de propagande sociopolitique : Moscou soulignant la supériorité des athlètes du bloc de l’Est, la junte militaire argentine préparant la venue de la Coupe du monde de football (1972 sauf erreur) ; des prises de positions des sportifs eux-mêmes : le ‘’Black power’’ revendiquant ses médailles d’or gagnées sous la bannière étoilée et une période de boycotts – de 1956 à 1984.
D’un autre côté, et en opposition aux poings levés des sprinters américains s’exprimant contre la ségrégation raciale, la Coupe du monde de football en Afrique du Sud a permis de montrer que le pays était (presque) sorti de l’apartheid.

L’expansion de certaines pratiques sportives s’est faite, en grande partie, par les diverses colonisations européennes et l’extension du capitalisme. Il n’est dès lors pas surprenant que depuis une trentaine d’années, avec l’apparition de quelques sponsors majeurs qui se sont greffés sur les grands événements sportifs, que ces grands tournois soient devenus la vitrine publicitaire du marché économique mondial et de l’ultralibéralisme triomphant.
Que ce soit sur le continent Africain ou Sud-Américain, la FIFA faisait propagande d'une sorte de programme d'éducation par le sport.
La socialisation, l’éducation et la gloire par le foot, comme si ce sport garantissait un avenir à chaque enfant miséreux tapant dans un truc qui ressemble à un ballon, le tout en se nourrissant de Mc Do et de Coca.
L'important n'étant pas que cela se produise, mais que nous autres occidentaux y croyons le temps d'un ramadan footballistique.

Dans la poursuite de cette quête de profits par l’abrutissement des masses, des vendeurs de boissons gazéifiées, de bières ou de nourriture prémâchées ; le distributeur de cartes de crédit, la compagnie aérienne, Socar ou Gazprom se retrouvent associés à des événements qui veulent mettre en avant, pour des besoins de démocratisations commerciales, des valeurs de ‘’Fair Play’’, de tolérance, de respect et d’amour entre les nations en disant « Non » au racisme.
Il y a de quoi sourire dans les bureaux de certaine ONG qui défendent les droits humains quand la Russie, la Chine ou le Qatar viennent s’immiscer dans la hiérarchie du rond ballon...
Parce que le fric se fout de l’éthique ces grands groupes commerciaux, ces grandes sociétés multinationales, ont repris les commandes de la logique d’appropriation collective et de construction identitaire relayés par les grands clubs de foot depuis des décennies.
Ronald (Mac Donald) se fout royalement de la santé de nos enfants, mais en permettant à quelques uns de pénétrer sur un stade de foot en tenant la main d’une ‘’star’’, il mise sur sa reconnaissance, et celle de ses parents, auxquels il continuera de vendre sa merde rumino-compactée. Avec une option sur les générations futures.

Si le politique semble s’être retirer du devant de la scène dans les grands événements sportifs, les liens tissés entre les gouvernements et les organisations faîtières (UEFA, FIFA, CIO) restent obscurs.
Mais l’emprise que peut avoir le foot sur les populations et l’engouement que ce sport génère dans les différentes classes sociales attise certainement des convoitises qui peuvent se révéler plus dangereuses qu’une horde d’ultras, de tifosis, de kops, bref, de hooligans.
Vous pouvez penser que je divague et que faire le bilan des destructions de biens privés ou publics et la liste des victimes de ces supporters débiles n’existant que pour et par la violence, ne pourra que prouver leur dangerosité. En première lecture bien sûr que vous pourriez avoir raison. Il n’empêche que les  personnes violentes sont prévisibles, que vous les voyez arriver de loin et vous savez comment les combattre.

La question que nous pouvons nous poser serait de savoir qui est le véritable ennemi de nos libertés individuelles: Une bande de crétins décérébrés ou le pouvoir qui crée l’événement, permettant ce genre de rassemblements, et qui ensuite impose des mesures sécuritaires excessives pour les neutraliser ?
Ce ne sont pas les meilleurs exemples, mais…
En 2014, que le gouvernement Brésilien annonça qu’il voulait interdire la vente d’alcool autour des stades pour prévenir la violence, la FIFA y a mis son veto. En 2016, personne ne s’oppose à cette interdiction les jours de matches. Vous pouvez parler des violences commises par des groupes de spectateurs violents, je vous répondrais : Demandez aux CRS comment ils gèrent les supporters lors de matches tels que St-Etienne – Lyon, ou OM – PSG…
Alors, et parce que toute la microéconomie cernant la manifestation sportive a besoin de rentabilité et de bénéfices on laisse tout ce petit monde accéder aux commerces et aux fans zones.
Et parce que le gouvernement a besoin de popularité, tout est extrêmement sécurisé. Ou presque.

Euro 2016 est étiqueté UEFA, mais c’est en France qu’il se déroule. Et la France, c’est le pays de la République, de François.
Il y a bien longtemps l’empereur offrait les jeux du cirques – les Ludi -  à la plèbe mécontente pour que celle-ci oublie les errements d’un Empire divisé et agonisant.
L’UE n’est peut-être pas un empire mais comme Rome, Bruxelles et ses élites dirigeantes se sont trop éloignées dans attentes, des besoins, des populations qu’elle est sensée représenter et protéger. Et à force de s’étendre et d’accueillir de nouveaux membres, qui ne font que renforcer sa valeur numéraire, l’Europe des 27 se retrouve divisée sur bien des sujets…

Cette année le petit François, en mal d’affection électorale, s’est voulu empereur en offrant au peuple Gaulois ses jeux du cirque. Espère-t-il, officieusement, que la plèbe oubliera comme jadis que la République agonise et que la caste dirigeante se fout royalement des inégalités sociales grandissantes?
« Panem et circenses » ‘’Du pain et des jeux. Je ne pensais pas que les Français tomberaient dans le panneau. Et pourtant…

Depuis, je dirais deux ans, François Hollande prépare son impériale éclosion.
Et tout semble s’y prêter. Les chants, la musique, le ‘’théâtre’’, et les gladiateurs sont présents.
Même les syndicalistes, qui jugeaient leurs revendications professionnelles plus importantes, sur le long terme, qu’un Euro de trente jours, ont fini par organiser leurs manifestations ‘’hors compétition.’’
Une manifestation interdite, mais autorisée, le 23 juin 2016, à la fin du tour qualificatif, et la suivante pour le 28 juin 2016, après les huitièmes de finale.

Pour parler des ''gladiateurs'', je dirais que cela fait quelques années déjà que nous avons versé dans l’adoration des sportifs, et ce dans n’importe quelle discipline que ce soit : Cyclisme, tennis – Federer ambassadeur Suisse de je ne sais plus quoi, rugby – les dieux du stade, golf, natation, etc., certes sans déchaîner autant de passion que pour les stars du ballon rond.
Dans chaque discipline sportive, il n’est pas un seul champion qui ne se présente à une quelconque finale sans qu’il ne soit fait éloge de son palmarès. Vainqueur de tant de tournois ; détenteur du record du monde de… ; nombre de rencontres sans défaites face à tel adversaire, ou depuis tant de matches, de minutes…
Le journaliste sportif, avec l'aide de consultants spécialisés, se chargent de détailler le pedigree des adversaires du moment, avec déballage de commentaires analytiques surfaits renforcés par des statistiques de bookmakers.
Et il n’est plus besoin à l’orateur de s’égosiller dans l’arène pour présenter les gladiateurs, l’homme au micro, dans sa loge, n’a qu’à donner le prénom du combattant qui entre en scène pour que le public hurle son nom.
A souligner que le public ‘’répond’’ quand c’est l’homme qui est au micro. Pas la femme.

Plus fort encore dans l’assujettissement du foot à la plèbe en overdose d’ivresse : Le match appartient de moins en moins à l’arbitre.
Les stades sont munis d’écrans géants. A chaque fin de match, la photo de ‘’l’homme du match’’ y est projetée.
Pendant le match des phases de jeu y sont projetées au ralenti – buts, fautes, erreurs d’arbitrage…
Tout le monde le sait, l’arbitre ne sera jamais le meilleur ami des supporters.
En plus des coups de sifflet intempestifs qui seront toujours discutés et contestés, l’arbitre ne peut se permettre de faire durer un match trop longtemps.
Mais le coup de génie des organisateurs est d’avoir réussi à lui imposer le début du match par un compte à rebours qui s’affiche sur les écrans géants. Un décompte repris en chœur par une foule avide de confrontations.
Et si l’arbitre est en ‘’retard’’, ne donne pas son coup de sifflet initial à ‘’Zéro’’ la foule venue assister au spectacle le lui fera savoir bruyamment. Monsieur Damir Skomina, qui arbitra Suisse – France au stade Pierre Mauroy, en a fait la lamentable expérience.
[La RTS a repris, elle aussi, cette manie d’indiquer le temps restant avant le début du match dans ses retransmissions télévisées.]
La plèbe s’est appropriée les jeux que la République lui offre. Ne reste plus qu’à associer l’image du Président de la République à cette magnifique manipulation des masses qui doit s’achever sur la victoire finale de l’équipe de France de football.

Depuis deux ans la hiérarchie footballistique française s’est enrichie de nouveaux intervenants.
Normalement, en partant de la base vers le sommet, vous avez les joueurs, le meneur de jeu, le capitaine de l’équipe – qui peut aussi être la vedette du club ou de l’équipe, l’entraîneur, le président du club et la Fédération nationale.
Nous entendons rarement parler des dernières citées et les présidents font les unes quand ils rendent public le rendement de leurs investissements.
Et, à l’exception de Christian Constantin, se sont les coaches qui se chargent généralement des interviews avec les journalistes. Des interviews qui parfois sont déléguées aux joueurs un tantinet lucide.
En France, durant la première semaine complète de repos des Bleus, c’est Noël Le Graët, chef d’entreprise du Groupe Le Graët, membre du parti socialiste et, accessoirement, président de la FFF (Fédération Française de Football) qui s’est chargé de répondre aux journalistes.

Didier Deschamps devient une sorte de Sergent-major devant veiller à la bonne forme des mercenaires de la FFF. Noël Le Graët deviendrait une sorte de lieutenant.
La komandature est orchestrée par Manuel Valls et les ministres de la République. Une république qui s’est permise de donner son avis sur la composition de l’équipe de France.
Ne reste plus qu’à intégrer François Hollande en Général des mercenaires et le tour est joué.
Ce qui est chose faite depuis deux ans avec un François Hollande qui s’est découvert une ‘’passion’’ pour le foot, et son immersion dans l’intimité des Bleus, en déjeunant plusieurs fois avec les joueurs Français à Clairefontaine. Les pauvres…

Les Bleus deviennent les représentants de la République et des valeurs que celle-ci défend.
André-Pierre Gignac disait au micro d’un journaliste de la RTS que « tout le monde veut battre la France. » Et Hollande de rassurer que la France ne sera pas vaincue et qu’il s’emploiera à vaincre les ennemis des libertés.

Vous pourriez me dire que je commence à tout mélanger. Peut-être que oui, peut-être que non.
Si le sport doit rester un moment festif et d’oubli des tracasseries et des drames quotidiens, je dis : OK.
Sauf qu’au vu de ce qui précède, le seul objectif du foot-spectacle et de cet Euro est l’abrutissement des masses d’un côté et une sorte de soumission à la République de l’autre. Tous cela dans une ambiance de guerre.
De guerre contre le terrorisme qui a permis, à la fois, d’instituer l’état d’urgence et aux populations de se familiariser avec la présence de l’armée ; de guerre contre le hooliganisme qui a permis l’extradition manu militari des troubles fêtes Russes et de priver de bières les Anglais ; et d’installer la fans zone parisienne, aux pieds de la Tour Eiffel, dans le Champ de Mars.
Mars ne faisant pas référence à la barre chocolatée.

L’esprit guerrier reste savamment entretenu parmi les visiteurs spectateurs, tout comme la menace qui plane sur nos ‘’libertés.’’ La Tour Eiffel, symbole phallique d’une France qui peine à se relever, doit s’éclairer chaque soir aux couleurs de la nation présente à l’Euro 2016 ayant fait le plus parler d’elle.
Le culte de l’excellence, de la bravoure et de l’héroïsme dans une compétition que la république prétend pacifiée, alors que dans les arènes les hymnes nationaux sont repris en chœur par les foules dont les pulsions nationalistes sont sournoisement entretenues.
Des hymnes nationaux guerriers et vindicatifs qui n’ont rien à voir avec un hymne à l’Amour, qui n’ont pas leur place dans des compétitions sportives.
Une compétition pacifiée mais composées de supporters qui ne se chambrent pas les uns les autres avec des cantiques de Noël.
L’esprit guerrier subsiste, comme la peur d’une menace hypothétique que les ''minute de silence'' et les hommages nationaux à répétitions entretiennent. Mais soyez rassurez frêles moutons, le glaive protecteur de la république s’est déployé au-dessus de vos têtes.
Ainsi l’a voulu Hollande.

Tout a été mis en œuvre pour la France remporte son Euro et que cette victoire soit partagée avec le petit président d’une petite république. Rêve-t-il secrètement de remettre la coupe à Hugo Lloris le 10 juillet prochain, alors que l’écueil Anglais menace à l’horizon ?
Si la France gagne l’Euro 2016, Hollande rééditera-t-il son procédé pour le Tour de France ?
Si la France gagne, les Gauloises et les Gaulois oublieront-ils leur misère tant ils seront occupés à chambrer leurs voisins pendant les deux prochaines années ?
Si la France gagne, le peuple Français remerciera-t-il Hollande pour son évergétisme en lui donnant la possibilité de foutre encore plus la merde pendant un second mandat ?

Au début de cet article, je voulais souligner un parallèle entre ce que nous vivons actuellement et la décadence qui a précédé la chute de l’Empire Romain. J’y ai fait un peu allusion, mais au fil de l’écriture et des mes promenades sur le net je suis tombé sur une page parlant de « sport et politique » sur le site nopassaran.samizdat.net

Finalement il n’est pas nécessaire de rechercher très loin dans le passé pour avoir un aperçu du danger que peut représenter l’instrumentalisation du sport par les gouvernements.
Sur de nombreux points : Présence et intervention du gouvernement dans des choix sportifs, théâtralisation des matches, fans zone et stades permettant le regroupement de foules considérables, chants patriotiques et pulsions nationalistes, pression sur les foules (compte à rebours, lecture des noms…), sécurisation excessive, en plus de ce qui se passe hors compétition comme l’assignation à résidence de certains manifestants, sont des faits qui se rapprochent de la pensée fasciste.

La France fasciste ? Ils n’y sont pas encore. Cependant si, en cas de victoire des Bleus, Hollande ou d’autres membres du gouvernement apparaissent ouvertement sur des représentations imagées de l’équipe de France victorieuse, les premiers intéressés – le peuple Français – se devra d’être sur ses gardes...

En 1934, l’Italie de Benito Mussolini organise et remporte la Coupe du monde de football. Au lendemain de la victoire italienne, Il Messagero écrivait :
« Au lever du drapeau tricolore sur la plus haute hampe du stade, la multitude ressent l’émotion esthétique d’avoir gagné la primauté mondiale dans le plus fascinant des sports.
Et dans cet instant où est consacrée la grande victoire – fruit de tant d’efforts – la foule offre au Duce sa gratitude. C’est au nom de Mussolini que notre équipe s’est battue (…) »

Ca pourrait presque le faire, non?
Bref. Quelques années plus tard, un autre sinistre personnage aurait écrit :
« Des milliers de corps entraînés au sport, imprégnés d’amour pour la patrie et remplis d’esprit offensif pourraient se transformer, en l’espace de deux ans, en une armée. » [Mein kampf]

J.F.