dimanche 20 mars 2016

L'ASR, quelle Police?

Le rôle d’une association est d’être une sorte de contre-pouvoir. Un organisme réunissant des personnes, individuellement ‘’réduites’’ au silence, mais qui ensemble parviendraient à faire entendre leur voix.
Comme un regroupement de plusieurs personnes désireuses de défendre et représenter une minorité de la population ou un quartier de la ville ; un groupe de vieux ados partageant la même passion pour les avions en cartons, la même patience pour l’observation des libellules, et que ne sais-je encore.
Ou encore le regroupement de commerçants pour défendre leurs intérêts économiques.
A partir de cette réflexion je me suis demandé : C’est quoi l’ASR ?

Pour commencer, et aussi pour savoir si j’étais le seul crétin qui n’y connaissait rien, j’ai interrogé des passants au gré de mes déplacements urbains.
A ma grande surprise, deux-tiers d’entres eux ignorent ce qu’est l’ASR.

Dans le groupe des personnes ayant répondu affirmativement à ma question, seulement la moitié a su me dire que derrière le sigle de l’ASR se cachait beaucoup plus que la simple Police régionale.

Une autre observation m’a permis d’entendre une jeune femme, désireuse de recourir aux services de la police sans passer par le 117, dire, après une recherche via son smartphone :
« Je veux téléphoner à la Police, pas à une Association de sécurité. »
D’où sa question : « C’est quoi l’ASR ? »
Pour essayer de lui répondre, et en fonction des maigres informations que j’ai sur le sujet, je lui dirais…:
L’ASR est l’acronyme de : Association de communes Sécurité Riviera.
L’appellation officielle de cette association est : Sécurité Riviera.

L’ASR, qui regroupait les services de police des communes de Blonay, Chardonne, Corseaux, Corsier, Jongny, La Tour-de-Peilz, Montreux, St-Légier, Vevey et Veytaux, ainsi que le service ambulancier de Vevey et Montreux – actuel CSU,  est officiellement née au tout début de l’année 2007.
Sa création est reliée à l’échec du projet Police 2000 dans notre District. Un échec dû, selon certaines sources, à la mésentente qu’il régnait entre les politiciens de Montreux et ceux de Vevey, et au manque de coordination entre les polices municipales des villes susmentionnées.
Le District de Vevey était en effet l’une des trois régions choisies - avec Echallens et Yverdon, par le canton pour servir de laboratoire ‘’grandeur nature’’ à l’expérimentation d'une nouvelle formule devant aboutir à une réforme des Polices municipales Vaudoises.

La dénomination « Sécurité Riviera » qui a remplacé l’ancienne « Police Riviera » est due à la volonté qu’affichaient les fondateurs de cette association de regrouper sous leur autorité les corps des Sapeurs-pompiers des dix communes associées – le SDIS que l’on connaît, et d’intégrer, toujours sous leur commandement, le service de Protection civile – l’OPRC.
[L’association garde la gestion des ‘’ambulances’’ jusqu’à l’inauguration du nouvel hôpital Chablais-Riviera à Rennaz. Après, on n’en sait rien… Ni comment feront les mamans célibataires, sans moyen de transport, pour emmener leurs enfants malades à la pédiatrie au bout du lac en pleine nuit.]

A ces quatre Corps chargés de notre sécurité est venu se ‘’greffer’’ le « cinquième processus. »
La Police du commerce – Polcomm, dont les membres sont essentiellement des ‘’civils’’ engagés par l’ASR. Comme tous les policiers, ambulanciers, pompiers de la Riviera… Vaudoise.
L’Association de communes Sécurité Riviera est donc devenu l’employeur officiel des femmes et des hommes chargés de notre sécurité.
L’effet positif de cette association, d’un point de vue salarial, a été d’unifier les conditions de travail des agents de police des dix communes. Et certainement des autres corps de ‘’sécurité.’’

Ce qui me chiffonne, c’est la distance qu’ont prise les employés de l’ASR, vis-à-vis de la population.
Cet éloignement est assez subjectif parce que dans le quotidien de nos contacts avec ces représentants des forces de l’ordre, rien n’a changé. Même matériel, même uniforme, même présence et mêmes amendes de stationnement.
Pourtant, l’agent de police que vous connaissiez a disparu. Il n’est plus l’employé communal que vos impôts aidaient à payer. Il n’est plus dans la fonction ‘’publique’’, il travaille au service d’une entité ‘’privée.’’
Un éloignement qui se manifeste encore plus quand la moindre des requêtes administratives, ou demandes de renseignements, adressées téléphoniquement au poste de police obtient comme réponse :
« Allez sur le site de Police Riviera… et pour les questions : info@securiv point truc. »

J’ai dernièrement partagé cette pensée, de l’éloignement, avec une des personnes en campagne. Celles et ceux qui font de la démagogie partisane.
Le premier constat lié au sujet ci-dessus : Nos politiciens locaux, quelle que soit leur couleur affichée, ont beaucoup de peine à parler de l’ASR.
Ensuite, et selon mon interlocuteur, la ville de Vevey continuerait à verser le salaire des agents de police, par le versement annuel que fait celle-ci à l’ASR. Le lien citoyen-policier serait donc maintenu.
En fait, une partie de nos impôts financent l’ASR, ainsi que les impôts des résidants des neuf autres communes, et l’ASR verse les salaires aux agents de police qui sillonnent nos rues, et celles des autres communes.
Ce qui fait, et en faisant abstraction du facteur de pondération qui répartit la facture de l’ASR aux communes au prorata du nombre de leurs habitants, que nos impôts financent un/ dixième du salaire des agents de police. Contre 100 % avant l’ASR.

Le budget annuel de la Police, tel qu’il fut présenté, tourne autour de 23 millions de francs. Dont 14 millions à la charge des contribuables [chiffres pour 2007.] A l’heure actuelle, si j’ai bien compris le budget 2016, la participation financière des communes s’élèverait à 18 millions. Je souligne : Si j’ai bien compris.
J’ignore si le budget ‘’Police’’ englobe l’entier des tâches de ‘’Sécurité’’ : soit pompier, ambulances et protection civile, ou si les trois autres corps cités ont chacun leur budget de fonctionnement.
Sans oublier que l’ASR est un intermédiaire qui doit subsister - et certainement rémunérer les politiciens qui siègent au Comité intercommunal de l’ASR*. 

Une autre pensée naïve m’a fait demander, à un agent de police cette fois, si avec la création de cette association le numéro d’urgence, le 117, aboutissait à Clarens. Une réflexion d’ignorant qui me laissait penser que si les différents corps de ‘’sécurité’’ s’étaient regroupés sous une seule enseigne, il me semblait normal que cette ASR récupère directement, et grâce à la technologie, les appels émis depuis sa région d’activité.
Ce n’est pas le cas.

Dès lors, la création d’un intermédiaire de plus rallonge-t-il le temps d’intervention des forces de Police lorsque vous composez le ‘’117’’ ?
Pas facile de répondre.
Avant nous pouvions appeler le « poste de police le plus proche », celui de votre commune, ou faire le 117 qui pouvait engager la police communale.

Aujourd’hui avec la Police unique régionale, qui a la charge de la sécurité dans les sept secteurs qui morcèlent la carte policière de l’ASR, vous pouvez appeler « Sécurité Riviera » à Clarens, qui retransmettra votre demande à l’une de ses deux bases opérationnelles - Base Ouest : Vevey ; Base Est : Montreux, qui fera intervenir une patrouille.
Ou, si vous faites le 117, c’est la Centrale d’Engagement, installée quelque part dans les hauts de Lausanne, qui gérera votre demande en la transférant vers « Sécurité Riviera » qui fera suivre…

Que deviennent alors les bons vieux postes de polices communaux ?
Mis à part le fait que le poste de La Tour-de-Peilz a vu sa fonctionnalité se muter en centre des ‘’amendes d’ordres’’ je n’en sais rien.
Nous savons que les communes ayant approuvés et signés les statuts de l’ASR ont cédé tout ce qui est matériel et immobilier en relation avec la ‘’sécurité’’ – Police, pompier, etc., à l’association de communes - les frais d’investissement restant à la charge des citoyens, et l’ASR reloue les dits locaux.
A partir de là, pouvons-nous penser que, et pour des soucis d’économies financières de fonctionnement, l’ASR fermera définitivement des bureaux de police jugés inutiles?
Tout en continuant de défendre l’idée d’une « police de proximité. » Bien sûr.
Une police de ‘’proximité’’ qui risque fort de ressembler, d’ici quelques années, à une police milicienne de quartier.

En 2009 les Vaudoises et Vaudois ont refusé l’initiative « d’Artagnan. »
Un projet de ‘’police unique’’ chapeauté par la police cantonale - gendarmerie.
Il va sans dire que les politiciens de la Riviera vaudoise ont combattu avec ferveur cette initiative qui, si elle avait été acceptée, aurait certainement ruiné tous les projets ‘’secrets’’ de nos syndics en matière de police, voire de fusion communales.
Un refus qui fera dire à Madame de Quattro : « Ce vote pose la première pierre de la nouvelle police vaudoise. » En ne parlant plus de « Police unique », mais de « Police coordonnée. »
Quelle est la différence entre les deux? Je vous répondrai : C'est la taille qui fait la différence.

Une Police unique pour tout le canton de Vaud : Pas question. Les Vaudoises et Vaudois ont clairement montré qu’ils étaient attachés à leur Poste de police.
Mais morcelez le territoire en diverses régions ; regroupez les polices communales concernées en une seule entité avec un seul commandement ; étendez les connexions interrégionales, reliez-vous au Centre d’engagement et vous avez une police coordonnée qui, par un joli tour de passe-passe que les citoyens n’ont pas vu venir, devient unique dans chaque région. Avec privatisation à la clé.

Que les choses soient claires. Le processus qui a mené à l’association des dix communes du District de Vevey, et toute la paperasse administrative qui y est liée, ont été accepté et ratifié par le canton de Vaud. Comme le fut également le Règlement général de police de l’ASR.
Tout semble conforme à une certaine législation que le commun des citoyens ne connaît pas. Et comme il semblerait que la communication ne soit pas le fort de l’ASR**, il n’est pas faux de penser que tout se joue sur la confiance entre élus et citoyens.

La confiance. C’est l’argument qu’a mis en avant un candidat socialiste durant sa campagne de séduction des dernières élections communales (2016). Face à mon incompréhension totale qui refuse que les décisions prises au sein de l’ASR se fasse à l’insu de l’arbitrage populaire, voire même en court-circuitant le principe démocratique, il compara l’ASR au Conseil Fédéral – dans le processus d’éligibilité de ses membres. Précisant que le citoyen élit des hommes politiques et par ce fait lui accorde sa confiance dans les choix de ces derniers.

En 2006, quand les statuts de la future ASR furent soumis au Conseil communal de St-Légier pour approbation, un membre du parti local Pro Tyalo déposa une motion pour que le Comité intercommunal de l’ASR soit composé, en partie, de ‘’civils.’’ Comprenez des gens comme vous et moi, sans allégeances partisanes. Cette motion fut rejetée parce que le simple citoyen n’est pas apte à juger et à se prononcer sur des décisions touchant la police. Sa police.
La confiance que nos élus nous réclament ne nous est manifestement pas restituée mais permet d’élire un hôtelier à la tête de l’ASR. Et il n'y a pas d'erreur à chercher.
La seule considération que nos politiciens semblent avoir à notre égard est celle qui consiste à nous laisser mettre une petite croix. Au bon endroit, si possible. Autrement, l’égalité pour tous reste une belle utopie.
Ce qui me fait dire, au conditionnel, et avec le même raisonnement que le citoyen non politisé est inapte à se prononcer sur des sujets de sécurité, que les réunions intercommunales de l’ASR se dérouleraient en huis clos***. Contrairement aux séances du Conseil communal.

Peut-être est-ce lié au caractère associatif de cette entité qui se veut de sécurité publique ou simplement qu’il y a des considérations sur lesquelles le ‘’public’’, le premier concerné par sa sécurité, n’a pas à connaître.
Pour compliquer la chose, chaque séance du Conseil intercommunal de l’ASR est précédée par quatre séances de groupes. Un groupe Vevey, un groupe Montreux, un groupe La Tour-de-Peilz et un groupe des communes d’amonts. Des réunions qui elles aussi seraient ‘’privées.’’

Si je reviens à la comparaison faite plus haut – Conseillers fédéraux / membres ASR, mon raisonnement bas de plancher me permet cette interrogation :
Si Berne dirige la Suisse, est-ce l’ASR qui dirige la Riviera Vaudoise ?
J’exagère certainement. Un peu.
Cependant, d’un point de vue policier, ce ne sont plus les Communes de St-Légier, Blonay, Vevey, ou l’une des sept autres, qui commandent l’intervention de leurs forces de polices. Les communes soumettent leurs besoins à l’association et celle-ci réparti les missions en fonctions des priorités régionales.
Si j’étais mauvaise langue, je dirais que les communes mandatent l’ASR pour notre sécurité ; et qu’en fonction de la confiance que nous accordons à nos politiciens, les uniformes bleus qui patrouillent sont
A : Un service public ;
B : Une police privée ;
C : Des mercenaires ;
D : La réponse D.

F.V.

*Après renseignement pris : Monsieur (ou Madame) X, Municipal reçoit un salaire de la ville pour son travail politique. S’il siège au Conseil intercommunal de l’ASR, il est rémunéré pour sa présence participative - jetons. L’argent reçu de l’association pour le Municipal est reversé dans les comptes de la ville. Le Municipal siègerait donc bénévolement au sein de l’ASR.

** Il est possible de trouver sur le site de L’ASR tous les sujets traité par le Comité de Direction de l’association. Cependant tout est-il dévoilé en sachant que des groupes se réunissent avant chaque séance ? De plus si l’information existe, elle n’est pas forcément accessible facilement. Tout le monde n’étant pas à l’aise avec l’internet.

*** Je souligne le conditionnel de cette affirmation qui se base uniquement sur des « ouï-dire » qui se confirmeront, ou pas, le 21 avril prochain. Date de la prochaine séance du Conseil intercommunal de l’ASR, à laquelle nous tenterons d’être spectateurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire