samedi 11 février 2012

Allouette,...

Depuis quelques semaines les consommateurs Suisses se font traiter de "pigeon" dans, et par certains médias. Alors j'essaie de comprendre quel aspect comportemental du clan des columbidae peut bien nous être attribué.
L'expression: "Se faire pigeonner", serait apparue au XVIe siècle et à mettre en rapport avec la "Huppe fasciée" que l'on déplumait, il y a fort longtemps. http://www.mon-expression.info/se-faire-pigeonner
Le pigeon aurait ensuite remplacé la "Huppe" parce que plus présent dans les bas-fonds des cités de l'époque. Le "Riche" pouvait se faire "dé-hupper", tandis que l'on "pigeonnait" le miséreux.
Au XXIe siècle, dans nos contrées, nous déplumons dindes, dindons, poulets, autruches et autres eiders.

Sapiens a une curieuse tendance à l'anthropo-zoomorphisme. Il ne peut s'empêcher de trouver des motivations humaines à d'autres entités animales, des objets, des phénomènes et des éléments naturels, et d'affubler ses frères et sœurs humain-e-s de multiples comportements animaliers.
L'homme moderne est devenu, aux yeux de ses pairs, une sorte de créature protéiforme qui changerait d'apparence au gré des événements. Une sorte de famille à la Barbapapa.
Barbamama a la faculté de se transformer en puce, en abeille, une caille, une poule, en chienne, en cochonne, en biche, en couguar, lionne ou tigresse, en vache, en thon ou en baleine; alors que Bibendum rose peut être une limace, un rat, un lapin, un vautour, un porc ou un goret, un âne, un requin, un étalon ou un taureau, une hyène, etc…

Cette habitude n'est pas nouvelle: les Egyptiens avaient une religion très zoomorphe, les Africains utilisent beaucoup de masques aux représentations animales et les arts martiaux chinois s'inspirent de nos amis les bêtes pour pratiquement toutes leurs techniques.
A ce stade, nous pourrions légitimement nous demander si nous ne ferions pas mieux d'aller voir le vétérinaire, lorsque nous avons un problème de santé. Ce qui, dans l'absolu, pourrait déjà être le cas.

Alors pourquoi le pigeon?! Avez-vous déjà observé un pigeon? Et qu'est-ce que nous pourrions bien avoir en commun avec volatile urbain?
Esthétiquement, le Biset, casse pas des briques avec sa robe grise, et il n'est pas très fute-fute.
Il suffit qu'un centre de distribution de nourriture se "fixe" à une place pour que ces oiseaux viennent squatter les alentours, et prennent possession des espaces libres en hauteur.
Le pigeon est très difficile à déloger, et il faut recourir à des solutions extrêmes pour s'en débarrasser. Comme inviter des corneilles…
Il ya quelques années, pour faire fuir les pigeons, nous avons nourri les corneilles.
Vous amenez les restes des repas de la veille, vous jetez tout ça en vrac au milieu du parc, et les oiseaux font le reste. Une fois le festin fini, elles repartent. C'est malin ces volatiles, et très organisés. En plus, elles ont de la mémoire. Me souviens qu'un jeune pigeon anarchiste, limite indigné, avait voulu faire le mariole à l'heure du repas.
Les corneilles l'ont forcé à partir et, très exactement 24 heures plus tard, le vieux pigeonneau se faisait mettre en pièces détachées par deux corneilles dans la gouttière de l'hôtel Astra…

Mais revenons à nos pigeons… Ils sont présents sur tous les continents, et leurs déjections sont très "toxiques" pour l'environnement urbain, soit l'architecture, les monuments et les statues de toutes les époques confondues.
Les columbidés vivent généralement en couple tout au long de leur vie. Le mâle et la femelle se partagent les tâches domestiques. Jusqu'à l'alimentation du pigeonneau…
Jusque là, rien de tout ce que vous avez pu lire ne ressemble, ou pourrait faire penser, à nos comportements? Bien sur que non...

De plus, le pigeon est généreux: donnez-lui un gros bout de pain, il le jettera par-dessus sa tête pour le partager avec ses congénères. Un moineau, lui, se dépêchera de plonger dessus, de l'agripper et de s'envoler au loin…
Le pigeon attend sagement que nous lui lancions du pain. Le moineau vient le chercher jusque dans le sandwich que nous nous apprêtons à mordre.
Le pigeon est reconnaissant et pas rancunier. Vous pouvez lui filer un coup de pied au derge, après qu'il ait chi.. sur vos pompes, il reviendra. Le pigeon revient toujours, ou presque.

Le pigeon est un oiseau de paix, il ne se bat pratiquement jamais pour de la nourriture.
Pas comme ces minis piailleurs de moineaux.
Mettez un demi ballon au sol et l'affluence des moineaux vous fera penser à une prise d'assaut d'un magasin Aperto pendant un jour férié, ou encore au combat que se livrent les humains autour de ces réfrigérateurs que la Migros place juste après les portes battantes automatiques de son supermarché, et dans lesquels sont entassés tous les produits bientôt Data et promotionnés "gratuits-pas-chers".
La marchandise s'arrache littéralement des mains; premier arrivé, premier servi. …
Si un tel comportement peut se comprendre chez le "Passer domesticus", un piaf d'une trentaine de gramme, chez Sapiens cela en devient carrément pathétique…

Tiens, puisqu'on est à la Migroche…
Le 24 janvier de cette année le président du conseil d'administration de la Migros, Monsieur Claude Hauser, affirmait, dans une interview qui a fait le tour des médias et le bonheur des chroniqueurs de toutes les mouvances, que "Les Suisses sont des pigeons. Ils acceptent de se faire voler."
L'heure officielle de sa retraite se rapprochant, le vieil homme a du penser qu'il pouvait se laisser aller à quelques confidences sur le lien économique particulier qui unit les commerçants à leurs clients.
Je pense qu'il faudrait le remercier d'avoir enfin avoué, et ouvertement reconnu, que les gros commerçants de tous bords ainsi que les prestataires de services sont des VOLEURS!
Même si Monsieur Hauser tente de faire porter le chapeau aux importateurs…
L'absolution par le confessionnal public… (J'attends avec une certaine curiosité celles de Barack et Sarko.)

Je me suis demandé si nous acceptions vraiment de payer plus cher, et si ce choix était librement consenti, et qu'il ne subissait aucunes influences extérieures?

Cela fait des siècles que l'argent c'est imposé comme l'outil de mesure le plus pertinent pour juger de l'intégration sociale de l'homme.
Cela fait des années que la cherté des produits, et des prestations, fournies en Suisse sont justifiées par la "Qualité", le niveau de vie helvétique "élevé", et la juste récompense de l'excellence.
"Je m'achète des produits de qualité parce que j'en ai les moyens", avait même dit le plus haut représentant du SECO.

Dès lors, il n'est pas étonnant d'observer que la "qualité" des produits mis en vente suivait une sorte de classification: Manor écrétant le sommet des PMC (Petits et Moyens Consommateurs), Migros et Coop tapent au milieu et Denner, Lidl ou Aldi passent le balai.

De plus, ces dernières décennies ont permis aux penseurs de Droite de renforcer, dans l'esprit de la population, une idée déjà bien présente dans les gobelets à petits Suisses, que la "pauvreté" n'est pas due au "hasard". Si les gens sont pauvres c'est parce qu'ils préfèrent l'oisiveté à la valorisation du travail; parce qu'ils n'ont pas su tirer profit de tous les outils que la gentille Suisse a mise à leur disposition, de la "maternelle" aux HE-machin-trucs… L'environnement socioculturel n'a absolument aucunes influences sur celui qui veut réellement être un "winner". C'est vrai. Sur le papier…
En Suisse, il est honteux d'être pauvre. Et celui qui vit dans la misère, devrait se cacher du regard de ses pairs.
Bref. Soit les plus démunis, et les "Working-poor" acceptent de se rendre chez Denner & Co pour leurs commissions, et de côtoyer une délégation locale du HCR; ou ils acceptent de payer un peu plus cher pour se mêler à la population… locale, je dirais. Et manger un tout petit peu mieux. Mais légèreMent.

Le progrès technologique qui, à défaut de nous permettre de rester à la maison pendant que les robots bossent à notre place, a eu comme autre effet désiré de nous simplifier grandement la vie. Et ce, dans toutes les tâches que nous aurions à accomplir.
Evitons la spirale infernale de la course contre le "Temps", juste pour gagner du "Temps", et gardons en tête toutes les "facilités" que le monde moderne nous a offert.
Excepté les irréductibles défenseurs du "Bio produit local" qui arpentent les marchés paysans hebdomadaires, pratiquement toute la population se rue dans les supermarchés et autres centres-commerciaux le week-end venu, et tous les autres jours de la semaine.
Là, dans ces temples de la consommation, la chasse à la nourriture y est rendue aisée et "détendue". Et nous pouvons y trouver tout ce que nous cherchons, ou ce qui s'en rapproche le plus. Ou encore ressortir  du magasin en ayant acheté plein de chose, sauf ce qu'il y avait sur la liste rédigée pa bobonne…
De plus, le patron des lieux met également à disposition des visiteurs, un panier à commission de plus en plus volumineux, monté sur roulettes.

J'avais, il me semble, entendu une expression qui disait qu'"En Suisse il suffit de se baisser pour ramasser". Avec le temps qui passe, et avec l'aide de chercheurs en sociologie comportementale, en neurosciences, qui affublent des cobayes humains de tous pleins de micro-caméras, de capteurs d'ondes cérébrales, et je ne sais quelle autre sonde fourrée dans le sacrum, Monsieur Hauser et ses semblables connaissent, parfois bien mieux que nous, nos petites manies de TAC (Tentations d'Achat Compulsif).
Ils savent également que l'"homo cumulus" ne se baisse plus pour ramasser. Il tend le bras pour saisir ce qui se trouve à sa portée.

Ce qui est surprenant, c'est qu'aucun des produits de la gamme M-Budget, que M. Hauser aime à mettre en avant, ne se trouve dans le champ d'action direct de notre main, ou que leur présence dans les rayons ne nous sautent pas aux yeux…
Monsieur "H", toujours lui, comparait sa Migros avec un hard-discounter, Aldi en l'occurrence, et faisait remarquer que son concurrent proposait, certes, des prix bas, mais que son éventail de marchandise ne contenait qu'un millier d'articles différents.
Migros, c'est 30'000 articles! La gamme M-Budget, c'est 600 produits dans les prix Aldi!
Aldi c'est 100% bon marché. La Migros c'est 2%... de produits bon marchés; donc 98% de produits qui garantissent aux actionnaires, et aux dirigeants des revenus confortables. Pas mal pour un géant.

Je dirais que nous n'acceptons pas, du moins pas volontairement, de nous faire voler. Parce qu'avant de nous détrousser, ces voleurs de grandes surfaces, nous ont distraits, éblouis, leurrés et manipulés pour nous amener là où ils voulaient que nous soyons.
Cela peut paraître choquant pour quelques uns de lire que nos choix sont orientés guidés par la volonté de grands managers, que nos envies sont façonnées par des esprits humains qui n'ont d'autres objectifs que celui de nous piquer notre fric en nous vendant tout et n'importe quoi.
Je vous rassure: je crois dur comme fer dans l'imprévisibilité de l'être humain; je suis persuadé qu'il est difficilement possible de prédire l'action d'un seul, et unique individu.
Par contre, je crois qu'il est possible de prédire, et d'induire les mouvements et les envies d'une foule.

Pour en finir, je vais revenir chez nos amis les bêtes.
En Afrique, si j'ai bonne mémoire, une tribu avait trouvé un moyen très simple et indolore pour capturer des singes (je ne sais plus de quelle espèce).
Une cage en bois suspendue à une branche d'arbre; un fruit ou de la nourriture que le singe convoite à l'intérieur; et un trou dans le socle de la cage juste assez grand pour que le singe puisse y passer la main.
Une fois que l'animal a saisi ce qui l'intéressait, à l'intérieur de la cage, il ne peut plus ressortir sa main. Il est pris au piège, parce qu'il ne peut, ou veut pas lâcher sa prise.
Si au XXIe siècle nous utilisons autant de noms d'oiseaux et d'animaux différents pour nous définir mutuellement dans nos faits et gestes quotidiens, c'est peut-être pour oublier nos liens avec nos simiesques cousins, c'est peut-être pour oublier que nous sommes ce singe prisonnier de ce qu'il convoitait…

Donc, lâchons prise…

NEMo

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