lundi 30 janvier 2012

Libéralisez...

...Bon sang!

Pour sortir l'Italie de la crise actuelle et en finir avec la morosité économique, Monti doigt me dit que le gouvernement transalpin va relancer la machine à croissance en libéralisant quelques services qui, jusqu'à présent, étaient supervisés par l'Etat.
Taxis, pharmacies, transports publics locaux, distributions d'essence, gaz, professions libérales, assurances, banques, etc… Un vaste plan qui devrait lever "les obstacles freinant la croissance" dont "l'insuffisance de la concurrence".

Là je parle des Italiens, mais tous les dirigeants européens, les actionnaires, les politiciens du centre vers la droite, les PDG, les CEO, BCE, FMI et tutti quanti ont le même mot d'ordre accrochez à leurs lèvres.
Comme si de mettre sur le marché des prestataires de services supplémentaires et leur permettre de se concurrencer violement, allait changer quelque chose à la situation actuelle.
Les seuls à qui profitera cette manœuvre sont les banquiers, les actionnaires, les publicitaires, les assureurs, et les politiciens par l'entremise de petits cadeaux.
La libéralisation de n'importe quel service, n'a jamais vraiment servi à TOUS les acteurs d'une même profession. Nous avons peut-être de la peine à nous en rendre compte parce que le système tourne à plein régime depuis des dizaines de décennies, que le multitude noie tous les problèmes, que le rythme effréné que nous imposent les suppôts du capitalisme nous laisse peut de temps pour des remises en question, et que la surenchère des biens matériels que l'on met à notre disposition nous égare, à défaut de nous endormir…

Prenons bêtement les licences de taxis. L'Etat surveillait jusqu'à présent, le nombre de licences disponibles en fonction d'un nombre potentiel de clients pouvant faire appel à ce genre de transport. Appelez ceci du "protectionnisme", j'y vois un pouvoir politique qui veille à un certain équilibre économique en permettant, à chaque détenteur de licence, de se garantir un revenu décent et proportionnel à la quantité de travail fourni.

Ouvrir le marché à la libre-concurrence ne fait que mettre un flingue entre les mains des banquiers, et entraîne la déchéance de la profession.

N'importe qui peut devenir chauffeur de taxi indépendant, après s'être acquitté de quelques formalités administratives et fendu de quelques "examens" ridiculement facile. Sans oublier de rendre visite à son banquier pour acheter, emprunt ou leasing, une voiture digne de la profession.
Le nombre de concessionnaires explose alors que le volume de la clientèle ne varie pas dans les mêmes proportions. Aucun nouvel exploitant ne crée sa clientèle ex-nihilo. Donc à moins de proposer une prestation ou un produit qui n'existe pas à 50 kilomètres à la ronde, sa clientèle il l'a prend aux autres.
Il a certes de nombreuses connaissances et amis, mais les connaissances ont parfois des habitudes pas commodes à changer, et les bons amis font généralement de "mauvais" clients…

Les chiffres sont complètements loufoques, le principe pas du tout:
Si vous avez 3'000 clients mensuels pour 20 compagnies de taxi, chaque entreprise peut compter sur une moyenne de 150 clients par mois. Augmentez de moitié le nombre de société proposant un service de taxi, et chaque patron se retrouvera avec une moyenne de clients mensuels de 100.
En fait la libéralisation, là je me répète sorry, ne profitera qu'aux banquiers, aux assureurs, aux agents d'assurances et aux nouveaux arrivants (qui eux débuteront l'exploitation de leur entreprise avec une moyenne potentielle de client identique à celle des autres, les "anciens"…)
Bref, trop de liberté du travail, tue le travail.

Dès lors, l'homme entre en concurrence avec l'homme. La subsistance humaine et les obligations contractuelles de chaque fin de mois obligent à ramener de la thune au domicile. Donc à trouver des solutions pour combler le manque créé par la concurrence.
Le nombre d'heures de présence augmente ou les prix baissent. Ou les deux.
Les pouvoirs publics tentent bien de contrôler les différents acteurs économiques et d'équilibrer les chances en édictant des lois et des tarifs maximums pour réguler les marchés, la seule loi à laquelle les tarifs obéissent réellement est celle de la concurrence.

Un ami, qui a monté sa boîte de plâtriers-peintres il y a une quinzaine d'années, m'avouait que pour le même travail il pouvait le facturer selon différents barèmes en fonction:
1°: Du canton dans lequel il se trouvait;
2°: De qui s'acquittait de la facture (particulier, assurance ou régie immobilière).
Mais que depuis quelques années, avec la multiplication des petites entreprises individuelles en peinture, il devait revoir les tarifs d'une bonne majorité de ses contrats à la baisse.
Ce faisant il a limité le nombre de ses employés fixes, et fait appel à des temporaires en fonction des besoins…

Dans l'exemple du chauffeur de taxi indépendant (et c'est certainement valable pour tous les indépendants et les artisans), la seule marge sur laquelle ils peuvent agir, c'est leur revenu mensuel, la rétribution de leur travail.
Les frais qu'engendrent les assurances, les taxes administratives, les frais d'entretien ou encore l'essence, sont des frais "fixes". Dans le sens non négociables.
De même qu'il est difficile pour une petite entreprise, de taille familiale, de négocier avec les gros distributeurs ou autres fournisseurs, sans oublier les incontournables banquiers qui deviennent, crise après crises, de plus en plus intransigeants…
Difficile de voir et de croire que de nouveaux programmes de Libéralisation pourront nous sortir du marasme ambiant et nous sauver de la chute finale. Au mieux aurons-nous un délai supplémentaire avant de choir de nos perchoirs. Au pire aurons-nous allongé notre agonie.
Et dire que de nombreuses personnes sont contre l'acharnement thérapeutique…

Les employés sont quant à eux d'autres innocentes victimes des magouilles des prospecteurs de croissance, et subissent les contres-coups des fluctuations économiques, des baisses de chiffre d'affaire.
Les salariés seront toujours les premiers sacrifiés sur l'autel de la libéralisation, malgré les timides luttes contre le dumping salarial, les C.C.T.,  et autres dispositions devant les protéger des abus de plus en plus fréquents de l'idéologie PéLèRienne.

En attendant que s'effondre le dernier rempart nous protégeant de l'enfer Bleu, ce sont les peuples des pays émergents et non-développés qui subissent les plus vils outrages de cette bande d'extrémistes de la libéralisation.

Nous avons exportés nos usines, nos industries, nos sociétés dans des Etats moins regardant sur les conditions de travail et l'âge des ouvriers, sur l'utilisation de procédés et de produits toxiques que nous voulions absolument ne pas voir dans nos nappes phréatiques ou dans notre atmosphère… Comme si l'oxygène se souciait de nos frontières.
Le tout moyennant des salaires mensuels comparables à l'argent de poches hebdomadaire d'un gosse de nos contrées, vivant dans une famille de working-poor (pour ne pas dire pauvre, parce qu'il n'y a pas de pauvre en Suisse…).

Nous avons exportés nos usines, nos industries, nos sociétés sous des latitudes moins contraignantes parce qu'un peuple qui se tait rend un PLR heureux. Et pour faire taire le peuple, il faut lui donner à manger et de quoi se distraire; il faut préserver son pouvoir d'achat afin qu'il consomme des bien matériels aussi futiles qu'inutiles.
Alors pour que cette libéralisation marche et qu'elle fasse baisser les prix, ("une association de consommateurs a calculé que la baisse des prix qu'entraînerait l'ouverture à la concurrence, ferait économiser aux familles italiennes plus de 1'000 euros par année"), les promoteurs de cette libéralisation ont besoin de ces usines qui nous offusquent. Ils ont besoin que nous évitions de penser à cette vérité qui veut que si nous devions payer nos achats en tenant compte du prix réel de production, de transformation, de transport, et d'entreposage, et en maintenant les marges bénéficiaires des racketteurs intermédiaires, les bonus des traders, les salaires des présidents des comités administratifs et les dividendes des actionnaires, nous ne pourrions plus nous offrit grand-chose!

Malheureusement pour nous, le "capitalisme" est inscrit dans nos mémoires. Je veux dire par là que grâce à notre intelligence nous avons accédé à la vie de nos ancêtres, proches et lointains. La connaissance de notre passé, n'a fait que porter à notre conscience ce que notre corps savait déjà.
Notre biologie savait que nous devions traverser des périodes de manque en ressources alimentaires, nos gènes savent que des périodes de famine ont marqué notre développement tout au long de l'Histoire humaine. Alors, et ce dans un souci de survie, nous avons créé des réserves alimentaires.
Aujourd'hui que notre monde semble stabilisé, nous détruisons les ressources qui garantissaient ces réserves alimentaires dans le seul but de nous gaver, pour quelques uns, et de s'enrichir pour les autres.

Dans ce "cannonball" de la libéralisation, qui oppose l'homme à ses pairs, il ne peut y avoir de véritable vainqueur. Les gagnants y perdent leur Humanité, les perdants leur Honneur.
Mais le plus triste est sans doute que, dans ce marché de la libre concurrence, nous avons fini par y solder nos âmes.

NEMo

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