jeudi 5 septembre 2013

Parler flouté

Il y a bon nombre de pays, proches ou lointains, qui nous envie notre démocratie directe. Une démocratie qui nous envoie aux urnes plusieurs fois l’an lors les votations populaires.
On y retourne bientôt, d'ailleurs.
A la toute fin des vacances, les différents partis politique qui fleurissent la Berne fédérale sont parti en campagne pour tenter de nous influencer, ou nous conforter, dans les choix que nous ferons le 22 septembre prochain. Dans le lot, une initiative qui demande la suppression du service militaire obligatoire ; une loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémie) ; et une modification de la loi sur le travail.

C’est le dernier objet qui m’a fait sourire.
Les écoles romandes venaient d’accueillir leurs élèves pour une nouvelle année scolaire quand j’aperçus, au coin d’une rue, une grosse affiche représentant une fourchette plantée dans un morceau de saucisse à rôtir. Avec la date du 22 septembre et quelques détails inscrits en dessous. Comme j’étais au volant et un peu pressé, j’ai pas eu le temps d’en faire une photo souvenir.
Je me suis demandé qu’elle lien pouvait avoir une saucisse à rôtir avec une loi sur le travail, et j’ai aussi pensé aux rares touristes traînant dans nos rues :
« Ach… ! Wunderbar la Schweiz, ils fotent une loi pour vabriker de la zôssisse… »
Ca c’était avant que je lise le texte s’y rapportant. J’ai donc lu le texte et je reste perplexe.

Dans le petit livret rouge, expliquant les textes soumis au vote, qui nous est distribué avant chaque votation il est écrit, en « aperçu », que « le personnel des stations-service situées sur les aires d’autoroutes ou le long d’axes de circulation importants fortement fréquentés par les voyageurs peut aujourd’hui vendre du carburant ainsi que du café et de la petite restauration 24h sur 24. Mais il doit bloquer l’accès aux rayons du magasin de la station-service entre 1h et 5h du matin, car la vente des marchandise est interdite pendant cette tranche horaire ».
Perso, pour les rares fois où je me suis retrouvé en station-service tard le soir, le fait que le magaze soit fermé ne m’a pas dérangé plus que cela, et j’arrive, avec plus ou moins de réussite, à anticiper les vides de mon frigo. Ou il y a Lolo, qui aime tant marcher.

Les pros ‘’ouverture’’ avancent que les habitudes de consommations ont changé. Le Conseil fédéral va dans ce sens également, en essayant toutefois de rassurer les perpétuellabeurophobe : « Le travail de nuit et le travail dominical ne seront autorisés que dans les magasins de stations-service qui proposent des marchandises ou des prestations répondant principalement aux besoins des voyageurs.»
Sauf que ces gens savent très bien que le sapiens gaster-crétinus ne manque de rien tant qu’on ne lui a pas proposé quelque chose ; comme ils savent très bien qu’une fois le client attiré par la lumière il finira par acheter n’importe quoi, même s’il ne trouve pas ce qui répondait principalement à son besoin.
Parce qu’il nous est impossible, à nous autre humain cloisonné dans notre psychorigidité de pressentir les besoins de nos congénères. Du coup, pour être sûr de tomber juste, il faudrait ouvrir un centre commercial 24/24. Mais ça, ça été refusé.
En fait la prolongation des ouvertures dans les stations-service ne répond qu’à un seul besoin : celui des grands groupes pétrolier et de leurs associés dans la grande distribution, comme la récente association Sokar-Migros par exemple.

Le petit livret rouge veut aussi rassurer ceux qui sont contre la surconsommation à outrance en nous laissant croire que la future consommation des nyctalopes sera sous contrôle : « Les marchandises ne pourront être vendues que dans des quantités pouvant être portées par une seule personne». C’est oublier que grâce aux sacs Ikéa ou Toys’r’Us, une personne seule peut emporter grosso modo 400 balles de marchandise, et je vois mal un policier devant la porte de chaque station pour contrôler les sacs des clients.

La question qui me vient ensuite à l’esprit, est : qu’est-ce qu’un axe de circulation important fortement fréquenté ?
Pour la confédération les axes en question sont ceux « qui relient des grandes localités, des cantons ou des pays, et sur lesquels se déploie l’essentiel du trafic de voyageurs. Ne sont pas concernés les axes qui supportent le trafic quotidien des pendulaires entre les localités proches ou le trafic au sein des agglomérations ou des localités ».
A l’heure actuelle et au vu de l’intensité du trafic quotidien sur nos routes, si vous enlevez les pendulaires (nous sommes tous des pendulaires dès que nous changeons de ville pour travailler...)ainsi que tous les professionnels utilisant le réseau routier et autoroutier helvétique, il ne reste plus grand monde sur les routes. Donc pas de quoi justifier des permissions de vente prolongées…
Il ne faut pas se leurrer, ce sont bien les pendulaires, et leur porte-monnaie, qui sont visés par cette modification en nous faisant croire que, lors de notre prochain départ en vacance, nous aurons envie d’acheter de la saucisse à rôtir à suçoter pendant le voyage.
Le terme « voyageur » peut aussi prêter à confusion. Lorsque votre boss vous expédie à Perpette-les-Ouailles pour voir un client, vous êtes en déplacement ; lorsque que vous partez avec armes et bagages à Pétaouchnok, vous partez en voyage. « Voyager » dans l’inconscient collectif se rapporte aux vacances. Pour nos élus évangélisateurs de l’hyper surconsommation, tout individu qui se déplace d’un point « A » au point « B » est un voyageur. Donc, quand vous vous rendez sur votre lieu de travail, vous voyagez, c’est académique.

Le bon côté de la chose… ? On pourra acheter du P.Q. à trois heures du mat’.
Non. Je pensais aux sorties de club. Dans un temps lointain, la jeunesse fêtarde se réunissait devant la porte du laboratoire du boulanger qui ouvrait le dimanche et attendait sagement que les croissants et les pains au chocolat sortent du four. C’était interdit, mais comme le boulanger était pote avec les keufs, tout le monde y trouvait son compte. Les vrais boulangers ont quasiment disparus des grandes villes, remplacer par des artisans industriels et leurs bouffes préchauffées.
Donc, les générations d’après se sont orientées vers les sphagouzes bolo, al dente avec une boîte de whyskas et pas mal de ketchup.
Maintenant le prochain truc tendance sera peut-être l’« after saucisse à rôtir ».
Trois heures du mat’, au Mad. Deux mecs trois meufs, totalement cuit.
"Eh les filles, on passe chez Agip se chercher de belles saucisses à rôtir et on va chez moi cuisiner tout ça ? "
Les brunettes :
"Tu nous prends pour qui ?!? On couche pas le premier soir et je suis contre les trucs en groupe… "
La blondasse hyper-bombasse :
"Ouaich, trop top… ! Mon four est hyper chaud ! Et j’fournis la crème………… "
Le futur cuistot :
"Faut une sauce brune pour la saucisse à rôtir… (lol, mdr, ptdr)"
La bhb :
"Mmmmh…. Ouaich. Mais doucement, c’est la première fois (depuis samedi dernier)."

Malgré tout, la blondasse hyper bombasse a tout compris. La droite néolibérale tente depuis des années de nous faire travailler non-stop, et à chaque fois le peuple a dit : "Niet". Cette fois les PLR&Co nous la font à rebours en essayant de créer l’exception qui justifiera la règle.
Et si les politiciens veulent absolument nous voir consommer encore et encore, c'est qu'il n'y a plus que ça (ou presque) qui maintienne le PIB dans des valeurs positives.
Alors même si le staff des stations Agip, BP, Sokar, plus les autres est sympa, je voterais  "Non" dans quelques jours.

NEMo.

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