mercredi 4 septembre 2013

Ich Nestele

(Petite redif' de saison.)
Etre chocolat :
Contrairement à une légende urbaine bien encrée dans l’esprit des bipèdes humanoïdes contemporains, la Suisse n’a pas été le premier pays à produire du chocolat, un chocolat qui se buvait, avant d'être croqué.
Introduit en Espagne, Italie, France, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, Angleterre et Belgique dès la moitié du XVIIème siècle les royaumes cernant l’Helvétie parvenaient aussi à produire leur divine boisson.
Pour la Suisse, l’histoire du chocolat débute véritablement en 1722, à Zurich. Une tentative Italienne pour  développer, à Berne, la première fabrique de chocolat destiné à la boisson fut un échec commercial.
La première chocolaterie véritablement Suisse sera fondée à Vevey en 1767, et restera en fonction jusqu’en 1898.
L’attrait pour cet aliment et les récentes découvertes de l’époque qui permirent d’en diversifier la présentation, ainsi que sa consommation, encouragèrent la création de nouvelles sociétés.
Se fonderont successivement les maisons Suchard, Köhler, Sprüngli Klaus, Peter, Cailler, Tobler et Lindt.
Trois d’entre eux se distingueront : Cailler, qui parvenait à produire du chocolat fondant ; Köhler, qui était spécialiste en confiserie et Peter, qui était maître de son invention : le chocolat au lait.

François-Louis CAILLER, qui était déjà un chocolatier confirmé, créera la première chocolaterie moderne en 1819 grâce à des machines de son invention.
Daniel PETER était le descendant d’une famille d’immigrés Alsaciens. Né dans le nord vaudois, il vint chercher du taf sur les rives du lac Léman. En 1863, il se marie avec Fanny CAILLER.
Trois ans plus tard, suite à quelques fusions séminales, le petit Alexandre-Louis CAILLER voit le jour à Vevey et, en 1867, la compagnie PETER CAILLER & Cie apparaît dans le monde du chocolat.
C’est à partir de 1875 que Daniel PETER parvient à incorporer du lait au chocolat (du lait condensé produit l’Anglo-Swiss Condensed Milk Co).
L’Anglo-Swiss … est une société anonyme installée à Cham et créée par deux américains : les frères Page.
Encore sept ans avant que Daniel PETER ne trouve le moyen de faire de sa découverte un aliment solide. La plaque de choc naît en 1882 (Gala Peter), et il faudra encore moins d’un siècle pour qu’un petit dauphin en fasse la pub.

Le petit Alexandre, parti apprendre le métier en Italie du côté de Turin, revient au bercail en 1888 et s’installe aux rênes de l’entreprise familiale.
Que se passe-t-il durant la décennie suivante ? Y-a-t-il eu de l’eau dans le gaz entre les associés, des soucis économiques ou des rêves d’expansion ? No sé.
Toujours est-il que la production de la chocolaterie veveysanne cesse en 1898 (?). Monsieur CAILLER installe sa nouvelle fabrique à Broc en 1899 (pour être plus près du lait des vaches), tandis que Daniel PETER inaugure une usine de chocolat au lait à Orbe en 1901.

Pour des raisons de croissance économique (conquête de nouveaux marchés) Peter et Köhler fusionnent en 1904. Sept ans plus tard, en 1911, la nouvelle société s’appelle Peter, Cailler, Köhler, Chocolats Suisses S.A.
Il faut encore attendre dix huit ans pour que Nestlé se lance officiellement dans la course au chocolat en participant à hauteur d’un million de francs au capital de Peter & Köhler. En contrepartie, les créateurs du chocolat Suisse, s’engagent à commercialiser leurs produits sous la griffe de la puissante firme Nestlé. Nous sommes en 1929 et l’histoire du chocolat Suisse a 207 ans…

Sources :
Article de Leila Scharwath et Lauriane Mbalikada, gymnasiennes journalistes et historiennes du gymnase Provence à Lausanne /Le Régional N° 671
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chocolat_Cailler
… et pour la suite :
www.nndb.com/people/558/000165063/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_Nestl%C3%A9
www.letempsarchives.ch

En 1814, à Frankfort-sur-le-Main, Johann Ulrich Matthias et Anna-Maria Catharina donne naissance au petit Heinrich NESTLE.
L’Histoire raconte que 25 ans plus tard l’homme pète le « i-ch » et devient Henri Nestlé.
L’exil en Suisse date de 1843 et, suite à quelques déboires économiques de l’époque, il invente, en 1866, la fameuse Farine lactée Henri Nestlé, sur le modèle du lait artificiel conçu une année plus tôt par Justus von Liebig, un pharmacien resté en Allemagne.
La réussite est au rendez-vous. Les convoitises certainement aussi.

En 1875, Henri Nestlé vend son entreprise à une société veveysanne composée de Jules Monnerat (syndic de Vevey), Pierre-Samuel Roussy (meunier et fournisseur d’Henri Nestlé) et Gustave Marquis (propriétaire au Châtelard sur les hauteurs de Montreux).
[Une vente qui a fait sensation à Vevey, vient de transférer l’établissement créé par M. Nestlé, pour la fabrication de la Farine Lactée, à une société de financiers de notre contrée, moyennant le chiffre respectable d’un million de francs. (…) Cet établissement fait travailler un certain nombre d’ouvriers auxquels M. Nestlé vouait une grande sollicitude. Espérons que les successeurs marcheront sur les traces du fondateur de cette nouvelle source de richesses pour notre contrée.
Article paru dans La Gazette de Lausanne du 24 novembre 1875]
Henri Nestlé ne conserva aucun intérêt de propriétaire dans la nouvelle S.A. Une S.A. dont il ne fut jamais actionnaire. Pourquoi ?
Monsieur H. Nestlé quittera ce monde un jour d’été 1890.
 
Au début septembre 1899 l’assemblée générale de l’Anglo-Swiss Condensed Milk Co, qui fournit déjà PETER CAILLER & Cie, se prononce contre une fusion avec la société Nestlé.
Ce n’est que partie remise.
En 1905 Nestlé est absorbée lors de la fusion avec la même Anglo-Swiss Condensed Milk Co., et aura deux sièges sociaux : l’un à Vevey, l’autre à Cham, dans le canton de Zoug.
Le 21 août 1907, lors d’une séance du Grand Conseil Vaudois, Monsieur A. Gavillet pose la question de savoir si la société nouvelle paie son impôt dans le canton. Monsieur Virieux répondra que la société est imposable dans les deux cantons et qu’il convient d’engager des tractations avec Zoug pour « arriver à une répartition équitable ». En d’autres termes, on peut imaginer que Nestlé-Cham a introduit la concurrence fiscale en terre Helvétique et que ce n’est pas le taux le plus élevé qui l’a emporté.
Pourtant, quelques mois précédents la fusion, la société veveysanne niait farouchement tout flirt avec la société de Cham : « La société H. Nestlé n’a nullement l’intention d’entrer dans de pareilles combinaisons, surtout pas dans le but d’avilir le prix du lait », ont pu lire nos ancêtres veveysans en septembre 1904…
Et 9 ans plus tard, soit en 1913, la guerre du lait éclate entre la société fabrique de lait condensé Nestlé- Anglo-Swiss et l’Union centrale des producteurs de lait suisses. Nestlé, qui au début mai 1913 payait les 100 kilos de lait 20 fr 60, baissa son offre à 16 francs.
Pauvres paysans. La sueur du labeur n’a jamais eu aucune valeur dans un monde capitaliste et une vache ne demandera jamais quelconque rémunération pour produire du lait, juste de l’herbe et de l’eau.
Au début du XXe siècle la cherté du lait était la faute au fromage ; au début du XXIe, c’était la faute aux yaourts et aux chinois.
 
L’époque qui suit 1905 marque le début de ce qui deviendra la « croissance organique » et installera les infrastructures des futures délocalisations. Des fabriques Nestlé commencent à pousser en Europe et en Amérique du Sud (Brésil, cher Brésil), tandis que la société Nestlé-Cham tape l’incruste chez les actionnaires des sociétés travaillant dans l’alimentaire.
En 1911 Nestlé détient des parts dans la société issue de la fusion de PETER-KOHLER SA et des Chocolats au lait F-L CAILLER. Une participation qui mènera au rachat de Peter, Kohler, Cailler, Chocolats suisses SA de 1929.
La suite de l’histoire ne sera qu’une succession de fusions et autres rachats de compétences concurrentielles nationales ou étrangères, ce qui me laisse penser que la Nestlé actuelle n’a rien inventé hormis le café soluble. Léger pour le numéro un mondial de l’alimentation, trouvez pas ? Mais cependant tout à fait normal pour une société de financiers.
 
En 2013, aux premières lueurs de l’aube de l’inauguration du futur musée de la société qui fêtera ses 150 ans d’existence en 2016, le CEO actuel ne se gêne pas de dire, le dentier en éventail, que la société Nestlé partage les valeurs de son père fondateur.
Herr Heinrich Nestle aurait-il cautionné ces publicités faites en Amérique du Sud, encourageant les pauvres mères de familles à utiliser de l’eau dangereusement potable pour mélanger la fameuse farine lactée, parce que la pub osait prétendre qu’elle était meilleure que le lait maternel ?
Herr Heinrich Nestle aurait-il accepté que des installations amenant l’eau dans des camp de réfugiés soient laissées à l’abandon, et que ces dites installations ne soient conçues uniquement dans le but de satisfaire momentanément une entité onusienne ?
Herr Heinrich Nestle clamerait-il que l’Eau a une valeur marchande, ou que les cultures OGM sont meilleures que les cultures bios ? Se serait-il vanté que près de 4,5 millions de personnes dépendent de sa société ? Se serait-il gargarisé de nous nourrir ?
J’en doute.
 
Heinrich NESTLE, qui créa la farine lactée éponyme, le fit parce que la mortalité infantile était élevée à son époque. Je me dis que si son but n’avait été que de s’enrichir sur le malheur des autres, il serait resté actionnaire dans la nouvelle société créée en 1875. Ce qu’il ne fit pas.
Monsieur NESTLE est mort brutalement le lundi 7 juillet 1890. L’article du 9 juillet paru dans la Gazette de Lausanne nous apprend qu’une fois « sa fabrique vendue, il se retira à Glion et vécut paisiblement du fruit de son labeur » ; que « Glion lui doit une eau abondante qu’il fit amener à ses frais, et Montreux lui devra peut-être un jour son marché couvert, si l’on parvient à se mettre d’accord sur l’emploi des 80'000 francs qu’il avait généreusement donnés dans ce but ». La générosité était aussi une qualité de Monsieur Nestlé, qui savait donner sans rien attendre en retour : « Quant aux bonnes œuvres de toutes sortes auxquelles le défunt s’intéressait avec Mme Nestlé, on n’en pourrait faire la liste : jamais quêteur ne se retira les mains vides de Glion ou de Bon-Port ».
Sa dépouille fut mise en terre au cimetière de Territet/ Montreux.
 
Au fil des articles de l’époque, que l'on peut retrouver dans les archives du Temps, Monsieur Nestlé est apparu comme un personnage qui aurait eu les qualités d’un philanthrope. Du coup, n’allez pas croire que ce sentiment respectueux s’applique de facto à l’hydre alimentaire et surtout financière qui naquit en 1875!
 
NEMo.

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