mardi 15 mai 2012

Le Jour du Saigneur

L'idée de proposer pour les noctambules volontaires, les travailleurs nocturnes, la génération N.T.M et autres nyctalopes la possibilité de faire des emplettes, et des retraits d'argents, 24 heures sur 24 et 7/7 dans les shops des stations services allait forcément déborder sur la pseudo nécessité d'ouvrir les grandes surfaces le dimanche. Ne serait-ce que pour encourager les touristes, riches de préférence, à dépenser plus d'argent.
L'idée venant du bout du Léman, je me dis que si Genève n'a plus rien d'autre à faire visiter que les allées de ses centres commerciaux, c'est un peu triste… non?

La question a fait débat, il y a quelques temps, sur les ondes radio, et les arguments avancés en faveur d'une ouverture dominicale parlait, entre autre, de:
"Liberté de travailler quand on le veut"; "Pouvoir acheter quand on en a besoin", et "Vivre avec son Temps".
Celles et ceux qui ont la chance de pouvoir travailler quand elles/ils le veulent, non certainement pas les mêmes besoins financiers que la vendeuse divorcée-cheffe-de-famille-monoparentale. Sur ce coup-là, je pense beaucoup aux (jeunes) étudiants, encore à la charge de papa-maman, qui bossent histoire d'avoir plus d'argent de poche, ou pour financer un permis de conduire voire une participation à l'achat du premier véhicule. Cependant je me garderais d'en faire une généralité.
"Mac Donald" et "Aperto" emploient bon nombre d'entres eux, avec un taux de renouvellement assez élevé. Les horaires contraignant s'adaptant moyennement bien avec les obligations et les devoirs "universitaires". Sans oublier les "teufs" du week-end.
Une bonne partie d'entres eux est récupérée par "Manor", qui offrent des conditions de travail un peu plus "agréables", tout en sachant tirer profit de cette main-d'œuvre relativement bon marché.
En papotant avec un ex-gérant d'Agip, ce dernier m'a expliqué qu'il préférait engager plusieurs auxiliaires (étudiants ou autres) que d'avoir un, ou deux employés "fixes". Moins de "charges"…
Le patron d'une boutique qui fait genre bazar de luxe en haut de la Place du Marché de Vevey avait, l'été passé, engagé deux étudiants pour tenir un stand le samedi après-midi, devant la boutique. Les jeunes gens étaient rémunérés au "black" avec un salaire horaire de 4 à 5 francs supérieur à celui des vendeuses officielles et mères de famille qui, au final, ne doivent leur "Liberté de travail" qu'à la complaisance et aux faveurs de leur hiérarchie et à la santé de leur budget domestique/ familial.

J'ai un pote qui s'est lancé dans "Médecine". Comme la "Connaissance" que l'on transmet aux générations suivantes coûte chère, il s'est essayé chez "Ronald" avant de jeter l'éponge et de se trouver un autre petit job en annexe de l'intensif bourrage de crâne universitaire. Son frère a testé "Aperto" avec la même réussite, et le même constat: Si t'es pas issu d'un milieu financièrement "aisé", "Réussir" devient le treizième travail de tonton Hercule. C'était la courte parenthèse.

A l'inauguration de l' "Aperto" veveysan, le gérant du moment défendait son territoire en parlant de vendre des produits de premières nécessités.
Douze ans plus tard, la "première nécessité" se vérifie essentiellement au retour des vacances estivales, et rarement le reste de l'année. Selon le gérant actuel, il y aurait tout juste à peine 10% de la clientèle qui viendrait à l'"Aperto" pour faire de "vraies" commissions en semaine, ce chiffre doublant le dimanche et les week-ends prolongés. Même constat chez le concurrent direct "Coop Pronto". Le reste n'étant que destruction organisée et massive de ressources alimentaires qui ne répond à aucun besoin nutritionnel vital.
A l'exception des jours fériés, ces magasins d'appoints sont majoritairement "fréquentés" par une clientèle qui ne veut pas perdre son temps dans les multiples encombrements inhérents aux centres commerciaux. Tandis que le long de nos routes, les cinq centimes par litre d'essence vendu de revenu, concédés par les grands pétroliers, ont fini de convaincre les gérants des stations d'essence de s'ouvrir à "l'épicerie de quartier". Pour le plus grand plaisir des employés des voiries.

Aux heures de pointes, il est difficile de discerner le véritable besoin dans la cohue qui se presse devant le moindre présentoir de sandwiches, de pains au chocolats, de sucreries, jus de fruits dévitaminés et autres cafés à l'emportés.
C'en est à se demandé si cela est devenu compliqué de se faire bouillir de l'eau, de couper une tranche de pain et de se faire un mini-petit-déjeuner dans la quiétude de l'aube naissante? N'avons-nous plus de temps à nous consacrer dans notre intimité?
Il suffit de sortir de chez soi pour trouver ce qui nous "manque". A condition, bien sur, que ce qui nous "manque" se trouve en magasin. Un des effets "pervers", dans cette profusion de bien de consommation, est qu'une bonne partie d'entre nous, et là je m'adresse aussi aux jeunes, sont et seront incapables d'anticiper le moindre besoin.
Je souris toujours quand, à l'approche de 22 heures (heure de fermeture hebdomadaire des "Shops" dans le district veveysan), l'avant-dernier client se plaint qu'il n'y a plus de pain frais (comprenez baguette précuite-réchauffée); Combien de parents paniqués ai-je vu tambouriner contre la porte-vitrée de l'"Aperto" pour acheter un litre de lait…
"Je n'ai plus de lait pour mon fils"
?!?Et tu t'en rends compte à 22 heures?!?
Puis-je comprendre qu'après avoir tout fait pour satisfaire les volontés de son patrons, accepté l'invitation des copines pour le petit verre en début de soirée, les "afterworks", les "beforehusbands", la séance d'abdos-fessiers, le tennis ou le golf, le kino, la commande de la pizza, Bluewin TV RTP TF1 ou M6, l'on en oublie l'essentiel, que l'on ne puisse anticiper un besoin lié à autre chose que notre propre autosatisfaction…? Ben non je peux pas, quitte à passer pour un psychorigide qui ne vit pas "avec son Temps".

Mais que veulent-elles/ils bien vouloir dire par "Vivre avec son Temps"…?
Et puis d'abord dans quel "Temps" vivons-nous?
Est-ce le "Temps" des hédonistes dans une économie qui rêve de nous faire bosser sept jours sur sept et 24h/24 jusqu'à nos 70 balais? Est-ce le "Temps" des vacances, des mimosas, des oranges, des cerisiers en fleurs, des fraises d'Israël ou d'Espagne? Est-ce la période des soldes, ou de l'ovulation des vaches? Vivons-nous l'heure d'été ou d'hiver? Sur ce coup-là, même la météo n'est plus vraiment fiable.
Nous voulons la fin de nucléaire, mais pas le "Temps" des économies d'électricité, et l'ère des éoliennes; Nous voulons tout consommer et tout posséder à moindre frais, mais nous ne voulons pas que nos produits exotiques soient fabriqués par un de ces centaines de milliers d'enfants qui triment dans les pays tout aussi exotiques. Et on peut continuer ainsi un bon moment…
Alors que demande notre Epoque, notre Temps? De prendre soin de notre environnement, ou d'accélérer notre chute?

Pour en finir.
(Je zappe volontairement l'industrie du tourisme, des loisirs et des distractions qui eux n'ont pas beaucoup d'autres choix qui d'être présent pour que d'autres se détendent…)
Je n'ai rien contre les ouvertures dominicales. C'est agréable d'avoir une boulangerie, un tea-room ou une épicerie ouverte le dimanche matin. A condition que cela soit le boss ou le gérant qui est à la caisse, en compagnie d'un fils ou de son épouse.
Je serais d'accord de revoir ma position quand cette volonté de faire travailler les employés 7 jours par semaine s'appliquera à toutes les employées et tous les employés qui bossent en Suisse. C'est-à-dire quand la Poste, les banques, toutes les administrations, les agences d'assurances, les régies immobilières, les notaires et, bien entendu, les études des avocats genevois seront ouverts et "disponibles" pour TOUS leurs clients 7/7.

NEMo.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire