mardi 26 novembre 2013

La paix du travail.

[Si vous n’êtes pas « contente de vos conditions de travail, il y a 3 % de chômeurs qui attendent pour prendre votre place. »
Réponse made in Denner (récemment repris par la Migros) à une employée qui parlait de la pénibilité de son travail... ¨]

J’ai beaucoup aimé le laïus de Mister Darbellay, au soir du rejet de l’initiative 1 :12, quand il parlait de Paix du Travail et flexibilité des employés ; j’aime beaucoup ces politiciens qui défendent le modèle économique du moment (notez qu’ils sont soudoyés pour ça).
La Suisse a de hautes écoles spécialisées performantes et l’économie doit importer l’ingénieur qui lui manque de l’étranger.
La Suisse est le modèle que le monde entier voudrait suivre ; les employés y sont heureux grâce au partenariat social qui garanti la Paix du travail et les cervelas aux ouvriers les plus démunis.
Mais ne croyez pas tout ce que l’on vous raconte.

La semaine 47 aura certainement été la pire semaine du personnel d’un magasin Denner en plein déménagement.
Nous avons tous déménagé un fois ou l’autre. Certains d’entres nous ont même eu la chance d’investir un appartement alors que le bâtiment et les alentours étaient encore en chantier. Le pied géant, n’est-ce pas...
Le personnel du magasin en question a du faire toute une mise en place au milieu des ouvriers qui étaient stressés par la date d’ouverture approchant au grand galop. Ben oui, un chantier cela se passe très rarement comme prévu sur les plans et sans contretemps, donc le chef de chantier s’est tapé des semaines de huitante heures pour livrer le magase en état de marche (ou presque).

J’étais de passage dans les parages un après-midi de cette fumeuse semaine. Et je n’ai jamais entendu un chef de vente être aussi grossier et proférer autant de d’injures et d’insultes envers son personnel féminin en si peu de temps, et selon une connaissance bossant en vis-à-vis les humiliations étaient quasi permanentes quand le chef en question était présent.
« Personnel de merde » ; « travail de merde » ; « une équipe d’incapable » avec menace d’en référer au supérieur pour qu’il vienne voir « ce chantier de merde ». Désolé pour le vocabulaire, mais ce sont les termes qui ont été utilisés devant tout le monde, des paroles qu’ont pu entendre une bonne partie des personnes présente dans ce nouveau mini centre de Clarens. Et je n’ai aucune idée de ce qui a bien pu se dire en coulisse.
Des femmes humiliées se cachant pour pleurer ; une autre très légèrement blessée au visage par l’objet que l’hystérique grisonnant lui a violemment arraché des mains, et pas un mot d’excuse, rien, nada, zéro. Même une semaine plus tard.
Voilà une manière efficace d’obtenir la Paix du travail en Suisse.

Un doute? Je vous ai déjà parlé de ce scientifique nazi qui avait abattu froidement une enfant devant ses camarades pour obtenir amour et soumission de tous les autres ? Ca a marché et ça fonctionne toujours. Ok, on ne tue plus de sang-froid, mais on humilie en public. Pour certain, c’est pire.
Quant à poser plainte ou en en référé au syndicat, vous ni songez pas. Vous ni songez pas parce que chacune des femmes présentes dans cette enseigne a quelque chose à perdre, chacune des femmes ne peut se permettre de perdre son taf parce que le ménage qu’elle entretien ne peut se passer de ce salaire de la peur.
Et, kleine kirsch sur la forêt noire, les syndicats ont accepté, lors de l’élaboration de certaines conventions collectives qu’une partie du personnel offrent quelques heures de travail hebdomadaire à leur boss (par exemple vous commenceriez officieusement vers 0630 et votre rémunération débuterait une heure plus tard). Imaginez alors si une de ces personnes offrent 5 heures à (au bol) 22 francs par semaine, que vous multipliez ce chiffre par 47 (ça équivaudrait au 13ème salaire), puis par le nombre de magasin Denner ouverts en Suisse. On doit pas être loin des 5'000'000 de francs économies. Une certaine vision syndicale de l’égalité.

A la fin du siècle passé, les transports publics de la Riviera (VMCV) engageaient des pères divorcés ayant une ou des pensions alimentaires et d’entretiens à honorer. Aujourd’hui avec la fuite et la démission des pères ce sont les femmes qui doivent se débrouiller pour compenser la lâcheté masculine. Et dans certaines boîtes, les directoires savent pertinemment en abuser.

La Paix du travail n’existe que par la peur qu’ont les employés de perdre leur travail, la peur de se retrouver au chômage, la peur de ne plus être socialement intégré via leur chèque de paye. Des peurs que le système néolibéral a bien su ancrer dans le conscient collectif des travailleurs.

NEMo.

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