dimanche 7 juillet 2013

La valeur de nos vies

La chute du communisme a pavé de pétales de roses les boulevards sur lesquels les soldats du néolibéralisme défileront.
Sans entrer dans les détails la réunification allemande a coûté, une année plus tard, à l’ex-RDA, une chute de 40% de son PIB, une perte de 70% de sa production industrielle et de 40% de son nombre d’actif, à cause de l’accaparement, à bas prix par les capitalistes ouest-allemands, de 85% de l’outil productif de leurs nouveaux concitoyens.
« Les profits des entreprises allemandes ont presque doublé dans les cinq ans qui ont suivi l’unification, passant de 176 milliards d’euros en moyenne entre 1980 et 1989 à 333 milliards en 1995. »
La crise frappera ; l’austérité, le peuple allemand connaîtra et à ses nouveaux colocataires il s’en prendra.
Un peu comme chez nous aujourd’hui : On s’en prend à ces étrangers que nos patrons sont allés chercher.
Mais ce sont bien tous les salariés allemands, de l’Est comme de l’Ouest, qui ont fait les frais de cette unification. La facture la plus lourde fut acquittée par les chômeurs et ceux qui dépendaient de l’assistance publique.
La Bundesbank persistera à considérer, dans un rapport datant de 1995, que « les salaires trop élevés et insuffisamment différenciés » sont le facteur principal de la dégradation de la compétitivité. Et de passer sous silence le faible taux d’investissement, les taux d’intérêts prohibitifs et la surévaluation de la monnaie nationale de l’époque qui pénalisent une économie dépendant des exportations.
[Jay Rowell, « Qui a profité de l’unification allemande ? », avril 1997]
Cela n’est pas sans rappeler certains discours récents encourageant l’austérité au sein de l’UE ou des propos tenus par les têtes pensantes d’ EconomieSuisse.
Les larmes et la sueur des pauvres sont les ingrédients principaux du désaltérant officiel des riches. Rajoutez un peu de sang et vous transformerez ce cocktail en un divin nectar, qui se consomme sans modération depuis bien, bien longtemps...

Alors que d’un côté une droite capitaliste et libérale se voue au culte de l’excellence, met en avant l’expérience, les diplômes et les (re)qualifications, traduisant ceci par une ‘’valeur ajoutée’’ sur les marchandises, elle justifie une certaine hausse des prix ; tandis qu’à l’autre bout de la chaîne de production elle se lamente, devant le grand public, de la cherté des coûts liés au travail (comprenez : salaires et tout ce qui ressemble à une cotisation sociale), et implore l’Etat de lui accorder des subventions, des ‘’cotisations sociales’’ patronales.
Ca faisait longtemps que je ne l’avais pas redit :
"Tout est gratuit sur Terre !"

La seule chose qui se monnaie c’est le travail de l’homme, ou de la femme. Cette fameuse ‘’valeur ajoutée’’ qu’il faut récompenser à coup de millions pour les directoires des conseils d’administration ou tendre vers zéro pour celles et ceux qui font tout le boulot.
Du coup, quelle valeur a la vie du petit employé, de l’ouvrier ? Quelle valeur à la Vie tout court ?
Nos accidentés/ malades coûtent cher ? La SUVA, un organisme officiel assurant les accidents professionnels, fait régulièrement une campagne de pub pour motiver les accidentés à retourner au plus vite auprès de leur employeur, tandis que les assureurs maladies ont leurs petits barèmes cataloguant la durée et le coût de chaque traitement, ou presque;
Nos vieux qui peuvent encore se déplacer sans déambulateur coûtent cher à la société? On les encourage à venir faire profiter de leurs longues années d’expériences à la jeunesse en formation et pour ceux qui auraient des trous de mémoires, Nestlé prépare le Kit Kat anti-Alzheimer, sans huile de palme, juste pour positiver la rentabilité négative de ces inutiles humains ;
Nos vieux malades coûtent cher ? On plébiscite, on accepte et on encourage l’assistance au suicide et nous disons que c’est de la dignité humaine. Dans le carré de chocolat, la dignité.

Un tremblement de terre, c’est bon pour le PIB ; une catastrophe naturelle, une inondation, un incendie : idem. Un arbre c’est beau. C’est à la fois un capteur de CO2, un réservoir d’eau naturel et une source de vie pour son environnement proche. Sauf que le respect que pourrait inspirer un géant séculaire est beaucoup moins rentable que des chaises, des tables, des étagères, des meubles TV, des lits, du carton, du papier, etc...
Un arbre mort, ça rapporte… Comme absolument tout ce qui agonise sur la surface de notre planète.
Nos pauvres vaches sont surexploitées pour une espérance de vie réduite d’un petit tiers. Ce n’est pas pour rien que le bétail est défini comme ‘’bête de rente’’ ; les fermiers jouent avec les hormones et le cycle naturelle des vaches laitières : elles vêlent à répétition et leurs petits finissent en viande à grillade (La Coop fait fort en pub pour les grillades ces jours). Une fois morte, son cadavre est vendu à 5 francs 40 le kilo, soit environ 1'710 francs suisses et peut facilement devenir de la viande de bœuf revendue, à la Coop par exemple, jusqu’à 112 francs le kilo (suivant le morceau choisi).
Autre utilisation d’une carcasse bovine, selon un article de Pierre Le Hir, trouvé dans Le bilan du monde édition 2013 :
De la graisse animale dans le moteur.
« A la fin 2013, les français pourront rouler au diesel enrichi en graisses animales. Le groupe de grande distribution Les Mousquetaires, associé à l’entreprise Saria, a annoncé la construction, au Havre, de la première usine française de production de biocarburant à partir de sous-produits de la filière animale. Employant 25 personnes pour un chiffre d’affaire de 80 millions d’euros, cette unité de 4'000 m2, dont le coût est de 40 millions d’euros, devrait livrer 75'000 tonnes par an de biodiesel.
De telles usines existent déjà aux Etats-Unis, en Finlande ou en Allemagne. Les graisses animales et huiles usagées, actuellement brûlées dans des chaudières, seront collectées auprès des équarrisseurs, bouchers ou restaurants, puis transformées en huile sur des sites décentralisés, avant d’être acheminées jusqu’au Havre où elles seront converties en biodiesel. Celui-ci sera alors expédié vers des dépôts pétroliers, pour être incorporé, à hauteur de 7%, au gazole vendu dans les enseignes du groupe (Intermarché, Netto et Roady).
"L’intérêt de cette filière est de ne pas entrer en compétition avec les cultures alimentaires", explique Michel Ortega, président du pôle industriel du groupement. Ce n’est pas le seul atout. La directive européenne de 2009 sur les énergies renouvelables attribue au "biogazole d’huile végétale usagée ou d’huile animale" un taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 83% par rapport aux carburants d’origine fossile. Un score bien meilleur que celui obtenu par les dérivés du colza, du soja, du tournesol ou de la palme. Néanmoins, les huiles animales ne sont pas une panacée.
Le "gisement" français est évalué à 130'000 tonnes par an, soit un peu plus de 5% des ressources nécessaires aux plus de 2 millions de tonnes de biodiesel consommées chaque année en France. »
 
Alors, à quand notre tour ?
Parce qu’au rythme auquel nous détruisons notre environnement, tout ce qui nous était offert risque de disparaître. Nous nous sommes adaptés aux services gratuits que nous rendaient notre biosphère et la biodiversité qu’elle renferme. Maintenant que tout part en couille, c’est à elle-même que l’Humanité doit envisager de s’adapter. Elle devra peut-être trouver le moyen de créer une atmosphère viable ou de s’enfermer sous de gigantesques dômes transparents ; Quand toute la biodiversité aura disparu, elle devra  cloner des espèces de rentes, et quand la démographie deviendra LE problème incontournable, l’Humanité recyclera ses enfants en nourritures et en carburant dès la quarantaine atteinte.
Et ça c’est loin d’être un scénario de rêve pour nos arrières-petits descendants !
 
Une sombre affabulation héritée d’une addiction télévisuelle ou cinématographique se référant à ‘’Soleil Vert’’, ‘’L’Age de Crital’’, ‘’The Road’’, ‘’Matrix’’ dans une moindre mesure, ‘’Repo Men’’ ou encore le récent ‘’Cloud Atlas’’ ?
Cela serait plus rassurant que de voir ce future au travers d’une campagne de dons d’organes, de nos comportements quotidiens lorsque nous nous détournons de ceux qui demandent notre aide, mais qui n’ont rien à donner en échange ; lorsque nous zappons, insensibles, d’une guerre civile à l’autre avec en interlude des images de catastrophes naturelles, de camps de réfugiés ou en visionnant, sur écran plat, l’explosion d’un missile largué par un drone, en puisant dans les Chips. Les enfants qui meurent de faim nous ouvrent l’appétit, quelle honte !
Nous avons tellement de respect pour ceux que nous ne voyons pas que nous pouvons donner un peu d’argent pour ‘’Solidar’’ en buvant un café sur une terrasse, le smartphone posé sur la table devant nous ; avec ce même respect nous excusons une multinationale, qui se vante de nous nourrir, pour ses exactions commises sur d’autres continents simplement parce qu’elle porte les couleurs locales, comme nous oublions la provenance de tous ces objets/ gadgets qui encombrent notre quotidien.
Le fait de savoir que Monsieur Terry Gou, directeur de Foxconn, le fabricant taïwanais des tablettes et des smartphones d’Apple, annonçait son intention d’acquérir un million de robots pour ses usines chinoises au motif que « les êtres humains étant aussi des animaux, gérer un million d’animaux me donne mal à la tête », a-t-il fait baisser les ventes des produits Apple ? Bien sûr que non.
[Le Monde diplomatique de juin 2013 /  John Markoff, « Skilled work, without the worker », The New-York Times, 18 août 2012.]
 
Si nous, civilisation avancée, n’avons plus aucun respect pour ceux qui nous sont étranger, chez ceux qui sont les barbares, de l’autre côté des océans, ce n’est guère mieux : on égorge à tour de bras, on génocide ethniquement, on pend on décapite ou au mieux on explose ceux qui pensent différemment, on viole à midi et on assassine le soir. Et l’année suivante les victimes deviennent les bourreaux.
Vaste programme humanitaire mondial qui n’augure rien de bon pour les années à venir…
Donc la question finale reste quand même : que valent nos cadavres ?
 
NEMo.

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