vendredi 29 août 2014

"Quelque chose à votre bonheur?"

Aigle. La Poste, le 27 août 2014.
"Pressez ici." ; N° 121 ; "Vous serez servi dans 04 minutes." Même pas vrai.
Juste le temps et plus, de jeter un œil distrait sur tous les gadgets et autres articles qui transforment la Poste en Shop : Abonnement Yallo, avec un téléphone portable en prime ; coques, étuis et autres produits pour protéger le natel ; cartes de vœux humoristiques ou philosophiques ; porte-documents « pour vos offres d’emploi » ; stylos, crayons, gommes, markers, stabilos, agrafeuses, scotch (l’adhésif) ; ampoules économiques et lampes à LED ; distributeurs de savon avec, ou sans, capteur infrarouge ; pommeaux et tuyaux de douche ; parapluies ; des bouquins de coloriages pour les mouflets et le truc qui fait des bulles à la Cars (une arnaque totale). J’en passe et j’en oublie.

Faut pousser à la consommation, rentabiliser l’espace, faire du chiffre.
La Poste enchaîne les fermetures de ses offices peu rentables, en s’en foutant des complications que cela crée chez les tis vieux du quartier ou d'un bled perdu en rase campagne, et s’arrange avec l’épicier du coin, ou le pharmacien, pour assurer le service minimum.
Ben oui, ça revient moins cher au Géant jaune de négocier ses prestations avec le pharmacien et de se servir de son infrastructure TTC, que d’entretenir bureaux et surtout des employés qui pèsent tellement sur le coût du travail.
Vive la restructuration néolibérale. Avec chaque fermeture d’office postal, ce n’est pas uniquement des employé-e-s qui perdent leur job, c’est également des sites offrant de potentielles places d’apprentissage qui disparaissent.
Quant au personnel rescapé, il doit remplir sa mission première de buraliste et devenir un marchand de guichet, une Rom bien vêtue qui essaie de te refourguer tout et n’importe quoi pour satisfaire le chef de clan.
« Vous désirez autre chose ..? », j’y ai pas réfléchi ; « Quelque chose vous ferait plaisir ..?», Ouais, que vous me rendiez mon argent avec les récépissés… Et si vous faites vos paiements avè la Postcard : « Voulez-vous retirer de l’argent..? » Non, vous m’avez tout pris. Et tout ça en une minute environ.
Chaque employé de La Poste (facteur lettres et colis, et employé de guichet) est chronométré. Les facteurs sont suivis grâce à leur scanner ; l’employée du guichet est tenue par la ‘’sonnette’’ et doit avoir passé, en fin de journée, en moyenne, une minute avec chaque client.

Le ‘’Ding-dong’’ n’est pas là pour nous faire gagner du temps, mais nous maintenir derrière une sorte de ligne invisible (ce qui rend notre surveillance plus facile) et mettre un peu plus de pression sur la tête des ouvriers buralistes.
[Il est clair que dans les petits offices ruraux qui résistent à la restructuration, l’ambiance est toute autre.]
‘’Ding.dong’’, le contrôle d’une masse de personnes par une impulsion sonore. Le truc marche du feu de dieu dans tous les établissements scolaires, à La Poste, à l’Office des impôts, à la Commune, ça marche partout. Chez Swisscom, il y a même votre ‘’conseiller’’ qui crie votre numéro. Au cas où vous seriez malvoyant J .

Dong, sonnette suivante. Et là, en parfait petit mouton bien élevé, tout le monde (bibi inclus) lève la tête. Même celui qui vient juste de tirer son numéro gagnant et qui a compté dix clients devant lui… Et là, chose étonnante, tout le monde, ou presque, jette un rapide coup d’œil à son ticket.
Eh non mon gars, ton numéro n’a pas changé, tu dois encore attendre.
Mouton et poisson rouge, ça fait peur.
Bref, c’est mon tour. Lettre recommandée : 6 francs !
(C'est le deuxième recommandé que j'envoie dans le canton de Zurich, à Dietikon. (Croyez-moi, y en a plus que ça en Suisse allemande.))
Et juste avant de conclure la transaction, la petite question transcendantale qui changera le cours de mon existence à tout jamais :
« Quelque chose à votre bonheur..? » Je la regarde… J’hésite. Non.
Elle revient à la charge :
« Vous jouez au Lotto ? »
« Non. »
« Parce qu’il y a une voiture à gagner. »
Petite, la voiture. Silence.

J'ai eu envie de lui demander comment cela allait contribuer à mon bonheur?
Mais finalement, je me suis dit que cette brave femme, plus très jeune, avait de la chance d'avoir trouvé, ou conservé, son job et que ses sourires étaient moins "commerciaux" que ceux de ses jeunes voisines de guichet.
"Ah... c'est gentil. Mais c'est pas La Poste qui va me donner du bonheur..."
Sourire entendu. Politesses d’usages.
« Au revoir et bonne journée. »

Nemo.

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