mardi 19 août 2014

Caisse publique.

Une des promesses des défenseurs de la LAMAl, qui allait mettre fin à la liberté de contracter une assurance maladie, fut un contrôle des primes d’assurances. L’argument lié à cette ‘’promesse’’ avançait que la libéralisation du système de santé allait permettre une libre concurrence entre les assureurs maladie, 130 à l’époque, en nous permettant de changer de caisse maladie au gré de nos envies.
Depuis, les primes n’ont cessé d’augmenter et régulièrement, un porte-parole cravaté d’une compagnie d’assurances maladie quelconque vient nous répéter, via tous les supports médiatiques existants, quel est le travail d’une assurance maladie, comment ce travail est effectué et, le plus important, pourquoi il est nécessaire d’augmenter annuellement les primes des assurés.

D’un autre côté, il est vrai que chaque année, aux alentours d’octobre, chaque assuré peut résilier son contrat d’assurance-maladie et s’inscrire chez un concurrent. Librement.
Enfin, pas tout à fait, parce qu’il y a quand même quelques règles à respecter et qu’il faut montrer ‘’patte blanche’’ pour être accepté chez un ‘’concurrent’’ qui, théoriquement, ne connaît rien de notre état de santé perso, mais qui comble cette lacune par un questionnaire, un tantinet inquisiteur.
Et pour aider à ce changement, il y a les courtiers en assurances qui viennent, tout sourire, sonner à votre porte avec, dans leur porte-documents, des offres de prestations de compagnies d’assurances différentes et concurrentes qui ont décidé de toutes faire appel aux mêmes courtiers. Question de synergie probablement…

Comme nous ne vivons pas dans un monde idéal et que des personnes très intelligentes (ce qui m’évite de dire que nous sommes une bande de bobets décérébrés) sont parvenues à nous faire croire que la ‘’libéralisation’’ par la ‘’privatisation’’ était une chose saine et bénéfique pour tout un chacun (comme si les verbes ‘’Libérer’’ et ‘’Priver’’ allaient dans le même sens…).
Sur les 246 caisses maladies qui exerçaient avant la votation de 1994 il n’en restait que 130 à la fin du siècle dernier.
Aujourd’hui, ce ne sont plus que 61 caisses maladie qui sont actives. L’ouverture du marché a fait disparaître 75% des caisses maladie helvétiques, réduisant proportionnellement notre liberté de choix. Bon, ok, elles n’ont pas toutes mis la clé sous la porte…

KPT/CPT a pris son aile AGILIA Assurance maladie AG et PUBLISANA ;
Les assureurs maladie OSKA, AMASCO, CSME et PANORAMA ont fusionné, en 1992, pour créer l’assureur SWICA, qui absorbera, une bonne décennie plus tard, la caisse PROVITA.
HELVETIA, de son côté, s’est débarrassée de son portefeuille ‘’accident’’ chez SODALIS tandis qu’elle ‘’vendait’’ ses clients ‘’maladie’’ à la caisse INNOVA; INNOVA qui passera, en 2012, sous l’aile de VIVACARE, une assurance du groupe VISANA.
Des associations ont aussi été créées, comme RVK qui réuni les assureurs de santé de petite et moyenne importance : AQUILANA, INNOVANTE, RHENUSANA, SODALIS, SYMPANY, AGRISANO, FBK (du Liechtenstein) ou encore ÖKK.

Pour ne pas trop perturber l’esprit de ces bons Suisses récalcitrants aux brusques changements, bon nombre d’enseignes d’assureurs maladie n’ont pas changé.
Si vous cherchez, dans le bottin de téléphone, le numéro d’Helsana assurances, vous trouverez en prime les E-mail des assureurs Progrès, Sansan, Avanex et Maxi ; Si vous poussez la porte du bureau de l’assurance PHILOS, vous entrez dans une SA fondée en 2010 par trois bonhommes valaisans. Trois bonhommes qui dans leur élan philanthropique ont transformé deux autres caisses en SA, AVENIR et EASYSANA, le tout appartenant au Groupe MUTUEL. Le personnel PHILOS peut bien jurer, la main sur le cœur que leur bureau est indépendant, reste que la moitié de leur Conseil d’administration est tenu par le Groupe MUTUEL

Groupe VISANA, Groupe MUTUEL, Groupe HELSANA, Groupe SANITAS… les assureurs se regroupent, créent des Fondations, souvent éponymes : Fondation VISANA, Fondation SANA (ex Fondation HELVETIA) ; investissent dans des Réseaux de soins avec docteurs de ‘’famille’’, des Hot Line, des Tellmed, des Medicall et autres services médicaux d’assistance à distance.
CONCORDIA et HELSANA ont fait 50/50 dans la création de SANACARE SA, un réseau partenaire regroupant 18 enseignes de l’assurance vie.
Et pour chapeauter tout ça, il y a l’association faîtière des assureurs maladie : Santésuisse. Une association qui, en attendant le ‘’coming out’’ de CURAFUTURA, regroupait 58 assureurs maladie ; une association auprès de laquelle l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) demande l’autorisation pour s’exprimer.

Tous ces ‘’regroupements’’ reflétaient timidement le panorama du monde de l’assurance-maladie au début 2014 et me laissent un sourire en coin quand j’entends tous les défenseurs de ceux qui s’enrichissent sur nos maladies, prétendre qu’une "Caisse publique", pour ne pas dire "unique", serait une mauvaise idée qui coûterait chère à mettre en place. Pourtant ça ressemble fortement à ce qui c'est fait ces 20 dernières années. La seule chose qui changera  le 28 septembre prochain au soir sera de savoir qui s’enrichit sur notre de dos: Une institution étatique ou un cartel privé ?

Quasiment tout le Conseil d’administration de Santésuisse est composé de représentant d’assureurs maladie. RVK y étant même assez bien représenté : Le Dr Bodenmann (membre) est un RVK par le biais de SYMPANY, dans laquelle il a été nommé CEO ; Mr Schena (membre) est aussi un RVK et président du directoire d’ÖKK ; quant à Mr Boesch, vice-président du C.A. de Santésuisse, il est également le vice-président de RVK.
On continue les ‘’double casquette’’ ?
L’étonnant Mr B. Rueg, Président de RUEG SA, star de la Chambre Vaudoise de commerce et d’Economiesuisse, est un membre du Conseil d’administration du Groupe CSS (dont les sociétaires actionnaires sont présents dans 24 cantons suisses).
Aux réunions du Conseil d’administration de la COOP ( grand distributeur alimentaire et calorique national), Mr Rueg risque de croiser Madame M. Ferrari-Testa (ça ne s’invente pas…) qui est également membre du Conseil d’administration du Groupe HELSANA.
Et la COOP, par l’intermédiaire de son Service juridique Coop, est un partenaire ‘’business’’ de l’assurance maladie ATUPRI.

Il y a aussi du beau monde chez Comparis.ch, le comparateur favori de Santésuisse, l’outils préféré des assureurs qui trie les ‘’mauvais risques’’, qui mâche le boulot des démarcheurs et qui, pour une modeste facture de 9,5 millions de francs en 2012, nous a orienté vers la prime la moins cher du marché.
Comparis.ch c’est: 80 partenaires, dont les trois-quarts sont issus des assurances maladie ; un Comité consultatif de 6 membres, dont 5 sont fournis par nos politiciens (1 vert+ 1 PDC+ 1 PLR+ 2 UDC), reste Mr Leu. En plus d’être en professeur émérite, Mr Leu est partie prenante chez Medi-clinic Corp. Limited et est un membre des Conseils de Fondation et d’administration du Groupe VISANA.

Au-dessus de ce nid de vipère, comme je l’écrivais plus haut, il y a l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), censé empêcher tout dérapages, toutes surenchères. Un OFSP noyauté par les lobbies de la santé ; un OFSP qui doit avaliser toutes augmentations, en fonction des chiffres que lui présente chaque assureur ; un OFSP qui peut, sur le papier, s’opposer à une augmentation mais qui est dans l’impossibilité de réclamer une baisse des primes. Un OFSP qui sert à pas grand choses pour le commun des assurés.

Ca se mêle et s’entremêle au royaume de l’assurance, à tel point qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Dans la grande famille des Piquesous on se divorce parfois aussi vite que l’on se marie : Les Groupe SANITAS, HELSANA et MUTUEL avaient uni leurs ‘’connaissances’’ dans l’Alliance des Assureurs Maladie Suisses (AAMS), avant que les deux premiers cités ne se retire pour fonder avec le Groupe CSS et KPT/CPT l’Association CURAFUTURA.
Apparaît alors dans l’orbite de la Mutuel un satellite nommé SWISS POWER GROUPE, une SA dont le Conseil d’administration est tenu par une seule personne : Mr Lataj BESNIK.
CURAFUTURA, de son côté, a été présentée comme la dissidence dans le monde de l’assurance maladie et annonce ne plus vouloir avoir à faire avec l’autorité officieuse de Santésuisse.
Les motivations de ce divorce sont-elles éthiques, économiques, politiques ?
Nous n’aurons comme réponse que la version des communiqués de presses.

La votation qui s’annonce bientôt sur une caisse publique et unique effraie tous ces chacals qui ont mis plusieurs décennies à pérenniser leur efficace système qui pompe le fric des Suisses et Suissesses dès leur premier cri en maternité jusqu’au dernier de leur soupir. Un système qui nous est imposé par le biais de l’ « Obligation de contracter ».
Maintenant, si vous êtes une personne cupide à la tête d’une société qui fait dans l’assurance maladie, ou même dans son comité directoire, vous feriez tout pour garder votre joli salaire, vos dividendes et vos petits cadeaux généreusement offerts par tout ce qui est ‘’influent’’ dans le domaine médico-pharmaceutique.
Vous seriez près à travestir la vérité, à faire de la propagande objective et à graisser quelques mains au passage. Et qu’une partie de la population se retrouve étranglée financièrement chaque fin de mois, ne serait pas votre problème.
Une caisse publique ce n’est pas bien parce que cela « coûterait cher aux assurés. » En lisant ça vous n’avez pas l’impression qu’ils se foutent de notre gueule ?!?!
Nous pouvons aussi entendre que ce n’est pas à l’Etat de gérer la santé publique, que cela ferait un peu ‘’communiste’’. Et que seule la ‘’libéralisation’’, qui ‘’privatise’’, est garante de la libre concurrence qui maintient le montant des primes à un niveau acceptable. Acceptable pour qui ?

Nous avons moins de soixante assureurs maladie dans le pays, qui se concentrent dans une dizaine de ‘’Groupes’’ qui sont chapeautés par un organe faîtier : Santésuisse, qui ne tient pas vraiment compte des ‘’recommandations’’ de l’OFSP.
De mon point de vue, le monde de l’assurance maladie Suisse fonctionne déjà comme une caisse ‘’unique’’ avec ses Conseils d’administration qui se chevauchent et s’entrelacent pour finalement n’obéir qu’à une seule règle.
Ce qui les chicane le plus dans cette votation qui s’approche, ce n’est pas de savoir si tel ou telle gestion de l’assurance maladie apportera de meilleurs soins aux patients ou pourrait, à terme voir les primes d’assurance maladies baisser, mais bien de voir disparaître tous les bénéfices que leurs rapportait cet impitoyable mécanisme financier.

Nemo.

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