mardi 17 décembre 2013

La personne la plus importante...

« La personne la plus importante dans votre vie, c’est vous-même », paroles de senseï.
Au-delà de toutes expressions égoïstement égocentrique, c’est pas tout faux. Ne devrions-nous pas prendre soin de nous même afin d’être présent aux côtés de celles et ceux que nous aimons et apprécions ?
Le hic, c’est que cela demande un comportement respectueux, responsable voire courageux au quotidien.
Un jeune père de famille et ses potes en vadrouille. Voiture, alcool, fatigue. A quel moment va-t-il mettre le ‘’Oh là !’’, lâcher une soirée qui dégénère et (se) dire : « J’ai une famille que je veux rejoindre en un seul morceau » ?
Qu’est-ce qui sera le plus décourageant : les brimades des potes honteusement abandonnés ou les commentaires peu flatteurs de Madame sur ces potes qu’elle n’appréciera de toute manière jamais ?
Le plus drôle c’est que si l’on choisi de se confronter aux brimades de nos potes, il y a de fortes chances qu’une fois arrivé à la maison l’on réponde, si Madame s’inquiète de notre retour prématuré, que l’on est fatigué, que l’on a mangé un truc qui ne passe pas très bien ou que la soirée était naze. La juste décision n’existe plus.

Autre mise en scène :
Imaginez-vous dans une sombre ruelle en cul-de-sac. Vous faites demi-tour pour en ressortir. Passe deux gros gaillards qui, dès qu’ils vous voient, viennent à votre rencontre, l’air menaçant. Première pensée ?
« Et merde… » ; « Bon, ben c’est parti pour une petite baston… !» ; vous vous transformez en tigre, en souris, en moineau ; vous jaugez vos futurs probable adversaires, vous la jouez décontracté, ou vous demandez à Scotty de vous téléporter… Sauf que ça finit en une vulgaire bagarre de rue.
Maintenant imaginez que vous passez devant cette même ruelle et que vous voyez ces mêmes brutes épaisses s’en prendre à votre enfant ou votre femme. Première pensée ?
Il n’y a pas vraiment de première pensée, vous intervenez ! Vous intervenez, non pas en vous demandant lequel des deux est le plus costaud ou quelle technique vous allez utiliser en premier, mais simplement pour sortir cette personne qui vous tient à cœur de cette mauvaise posture. Vous intervenez avec une énergie qui vous rend quasi invulnérable, et vous mettez en fuite les deux agresseurs.

Dans la seconde situation vous mettez votre vie en jeu pour en sauver une autre, pour rejoindre cette personne que vous aimez. Dans le premier exercice, la personne que vous aimez n’existe pas, elle n’est pas là. Pourtant, les deux brutes sont un obstacle entre vous et cette personne, elles sont ceux qui vont vous empêcher de retrouver cette personne, mais à aucun moment cela ne se dévoilera à votre esprit. Vous ne mettrez pas vos agresseurs en fuite parce que vous devez rentrer à la maison.
Autre supposition : Dans la deuxième situation, il y a un témoin. La femme que vous aimez et que vous sauvez devient le témoin vivant de votre acte héroïque. Et elle en parlera autour d’elle, à ses amies, ses parents, sur Twitter ou FB faisant de vous un héros planétaire. Alors que dans le premier cas, excepté vos agresseurs, il n’y a personne.
Pourtant si vous parvenez, dans le premier exercice, à mettre de côté cet ‘’esprit’’ qui pense et analyse, vous pourriez arriver à considérer vos deux agresseurs comme une simple ‘’porte’’ qu’il faudrait ouvrir pour reprendre le chemin qui vous ramène vers ceux que vous aimez et qui attendent votre retour ; cette énergie qui vous accompagne dans la réalisation de faits ‘’incroyables’’ devient votre alliée parce que vous devez rentrer à la maison. Et pour ce faire, vous devez rester debout, vous devez rester Vivant.

Mais comment être Vivant de nos jours, dans nos contrées civilisées, quand tout un système est parvenu à nous faire accepter que : « Ma foi… il faut bien mourir de quelque chose... » ; que : « C’est ma santé et je suis libre de faire ce que je veux de mon corps » ?
Comment pourrions-nous prendre soin de nous quand tout un système nous encourage à enfreindre les règles de bonne conduite, à vivre dans les excès, à croire que le bonheur se trouve dans la surconsommation de biens ou d’expériences éphémères ?
N’y a-t-il quand frôlant la Mort que l’on peut se sentir Vivant ? J’en suis pas convaincu.
Chaque prise de risque ne finit pas en accident. Nous le savons. Est-ce une raison pour multiplier les risques ? Est-ce une raison pour donner plus de vie aux inquiétudes qui pourraient occuper l’esprit de nos proches ? Je pense que non, définitivement.
Pourtant, si vous additionnez la démocratisation des liberté individuelle, l’expansion de l’industrie des loisirs,  les rentes de veuves, les assurances vie et la creuse promesse d’une médecine moderne qui prétend nous soigner demain de nos maux et bobos quotidiens, vous transformez les humains que nous sommes en pauvres singes nus crétinisés qui expriment leur joie de vivre par des comportements d’une absurdité totale.

Entre la télé et le cinéma qui nous vendent des héros à tour de bras, ce brave J.-C. dont on ne cesse de nous dire qu’il est monté sur la croix pour racheter nos péchés et une élite manipulatrice spécialisée dans l’assujettissement des masses, je pense que nous sommes devenu, pour la plupart, des héros de série « Z », des moutons décérébrés qui courent après une gloire provisoire en parlant d’abnégation et de sacrifices. Nous voulons être le héros de cette meuf, le pilier central de la famille, la référence de la société, l’exemple pour la Société. Pour y parvenir nous sacrifions de notre temps, de notre relation avec l’être aimé, de notre lien avec nos enfants ; nous nous tuons au travail pour être un modèle pour nos descendants. Nous faisons la publicité de notre réussite, nous voulons de la gratitude et de la reconnaissance pour notre abnégation et nos sacrifices. Sauf que du coup cela ne revient à rien d’autre qu’une banale survalorisation de notre ego.
C’est là que nous en sommes aujourd’hui.
Ma santé ? J’m’en tape, et je meurs pour ta survie !
Le petit pactole au-x survivant-s en cas de décès est le petit plus qui nous convainc de signer pour une assurance-vie. Pour le reste : « On se fout de nous ».

Prenez la route, cette éternelle zone de conflit sur laquelle nous nous croyons plus fort que le Destin. Les flics et pouvoirs publics connaissent très bien notre désintéressement à notre propre sort.
La ceinture de sécurité, qui est toujours bien pour attacher enfants et passagers, nous a été vendue à l’aide de vidéos de crash-tests très impressionnantes, d’accidents de la route assez spectaculaire et de passagères défigurées.
On a ralenti le trafic, sécurisé les véhicules, posé des airbags partout et comme « Je suis libre de faire ce que je veux... », les conducteurs omettaient de s’attacher « à la vie ».
Les keufs modernes, dans leur argumentation justifiant le petit ‘’clic’’, ne font que très rarement appel à notre instinct de conservation. Et si finalement nous attachons notre ceinture de sécurité, c’est plus pour ne pas avoir à renflouer les caisses communales, et pour éviter aux éventuels secouristes, ainsi qu’aux passagers de notre véhicule, le spectacle de notre cervelle étalée sur le tableau de bord, que pour prendre soin de notre petite santé.
(La SUVA tape dans le même registre dans sa campagne de sensibilisation aux accidents professionnels : Le mannequin qui tombe du toit d’un bâtiment en construction, s’écrase sur la table du jardin familial, sous le regard horrifié de sa femme.)
La prévention routière ‘’Made in France’’ est plus directe, plus percutante et implique plus le conducteur dans sa responsabilité vis-à-vis des gens qu’il transporte, des tiers qu’il croise sur sa route ; A rouler trop vite, ou bourré, il tue des gens qu’il aime.

Chez nous, sur la route et au travail, nous devons faire attention à nos comportements pour préserver nos proches de la vision de nos corps accidentés, ou de nos cadavres, mais nous serions d’accord de modifier nos comportements seulement à condition que nous touchions une petite récompense financière : AXA, une compagnie d’assurance, propose de payer un certain montant pour des trajets en taxi à celles et ceux qui ne franchiraient pas la ‘’ligne rouge’’ après une soirée/ nuit festivement arrosée ; certaines assurances auto proposeraient une remise de primes aux conducteurs qui installeraient une ‘’boîte noire’’ dans leur voiture.

Quand ça touche à nos loisirs le message se personnifie un peu : Dans sa campagne de pub pour la vaccination contre la rougeole, la maladie nous fait rater des événements liés majoritairement au divertissement ; les amazones, de je ne sais plus quelle assurance maladie, protègent la famille non pas dans son quotidien, mais sur une plage légèrement paradisiaque.
Pour pouvoir profiter de nos loisirs, que nous estimons amplement mérités, et parce que les courtiers en assurances sont d’excellents vendeurs, il semblerait que nous acceptions de nous protéger, nous même, contre les autres et leurs maladies.
Si je suis malade, mais pas cloué au lit, je sors avec mes microbes et je les distribue sans grand remord parce que je vis dans un monde où ‘’Moi’’ passe avant ‘’toi’’, où Moi se sacrifie pour une cause rendue ‘’noble’’. Donc c’est aux autres à se protéger de moi.
Si j’étais malade, au Japon par exemple, ou ailleurs en Asie, je porterai un de ces fameux masque blanc (qui ne servent pas uniquement en cas de forte pollution…) sur le visage pour protéger les autres de mes microbes. Parce que l’autre est respecté en tant qu’ami, collègue ou simplement en tant que personne vivante. Question d’éducation.

NEMo.

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