dimanche 3 avril 2016

Le vivant à notre mesure.

Depuis que la pensée intelligente a renvoyé l’instinct dans sa boue originelle l’homo, devenu ainsi sapiens, a laissé la folie conquérir son esprit.
D'abord par sa curiosité, l’observation des événements et sa volonté à les reproduire.
Puis l'étincelle dans son esprit qui le pousse à améliorer ses inventions.
De nos jours, il n’a plus besoin de taper sur des cailloux pour faire du feu, il contrôle le feu nucléaire.
L’homme, qui a pris le pouvoir sur cette terre, rêve de grandeur, de conquête et malheureusement de domination.
Le gibier est sorti de sa caverne et a découvert le monde qui l’entoure.

En fémur, en coudées, en pouces, en foulées, à dos de chameau, en méridien, en lieues, en lunes ou par satellites ; en fonctions trigonométriques, mathématiques ou autres, il a mesuré son monde.
Il l'a dessiné, cartographié, avant de se le réapproprier.

La superficie de notre planète dépasse les 510 millions de kilomètres carrés, dont 70% est recouverte par de l’eau. Une eau dont le volume est approximativement quantifiée.
Comme les océans distinguent les continents l’homme, qui veut être le vitruvianos, érige des lignes de fronts – l’origine de nos frontières, morcelle la terre en contrées, en régions, en territoires, en pays.

Les 30% de terres émergées à notre disposition sont devenues un vaste enchevêtrement de propriétés "privées." Des Etats nations qui comparent leurs possessions en kilomètres carrés, et qui les divisent en hectares au gré de leurs plans d’affectations.
Selon la base de données de la FAO, l’affectation des terres agricoles mondiales en 2012 ressemblait un peu à cela :
Sur les 4,81 milliards d’hectares disponibles sur la surface de notre globe, 3,4 servent aux pâturage, dont 0,85 sont des sols dégradés.
Les 1.41 milliards d’hectares restants, définis en terres arables, sont à partager entre les sols à fourrage (0.5) et ce qui reste de disponible pour l’alimentation humaine (0.91). Une part que l’humain concède à l’horticulture, aux agrocarburants, etc. Des chiffres qui, pour moi, ne signifient pas grand-chose.
Cependant il reste encore beaucoup de surfaces à utiliser. Une partie de ce solde étant à disposition des génies civils, des architectes, des immoculteurs et leurs bétonnières.
La caverne en loft et devenue un apparte trois pièces qui se mesurent en mètres carrés*. Comme nos balcons, nos terrasses, nos maisons et nos villas.

Tout en dominant la Terre, l’homme lève les yeux vers le ciel.
La peau d’orange qui nous sert d’atmosphère est répartie en diverses couches superposées dont les différentes altitudes sont connues. Les gaz qui constituent notre biosphère ont chacun leur dénomination particulière, et leur densité dans notre atmosphère est également calculée.
Nous savons que la circonférence de notre planète est supérieure à 40'000 kilomètres, et qu’au-delà de 10 kilomètres d’altitude, sans assistance respiratoire, nous mourrons. 10 kil, c’est rien !

L’homme qui a levé les yeux vers le ciel et l’espace se rend compte qu’à mesure que les puissants télescopes scrutent l’espace, plus les limites de celui-ci s’éloignent.
Les 40'000 kilomètres à parcourir pour faire le tour du globe deviennent humble face au 384'000 kilomètres qui nous séparent de notre satellite lunaire, et insignifiant depuis que la distance entre notre étoile solaire et la Terre est connue : Plus de 8,6 milliards de kilomètres, pour un astre 100 fois plus volumineux que notre planète.
Dans le vide de l’espace les distances se mesurent en année-lumière, puis en parsec.
Mais pour ramener  notre environnement stellaire à notre mesure, la lumière du soleil nous parvient en un peu plus de huit minutes.

La Vie se quantifie aussi.
Dès notre naissance nous sommes mesurés, pesés et notre espérance de vie ‘’à la naissance’’ est déjà estimée. Notre croissance est surveillée par un pédiatre qui doit faire en sorte que l’on reste sur ‘’la courbe de croissance’’ idéale. Notre taille se mesure d’abord en centimètres, et les deux premières années de notre existence se comptent en mois. Le nouveau-né devient enfant qui s’efface devant l’adolescent pour finir homme et vivre quelques décennies en découvrant qu’avant lui, il y a des siècles, d’autres hommes ont vécu.

Son espérance de vie se retrouve confrontée aux millénaires d’évolutions de son espèce, aux millions d’années passées depuis la formation de sa biosphère. Des millions qui deviennent  des milliards d’années quand il tente de situer la naissance de l’univers.
A cette échelle, notre temps de vie n’excède pas celui d’une bactérie.
Pourtant, les 365 jours calendaires, répartis en douze mois, qui garnissent nos agendas – aux 52 semaines numérotées, sont là pour nous montrer qu’une année peut être longue, le premier jour de l’an.
Une année qui se divise en saisons**, en mois, en semaines et en jours.

La vie c’est du temps et le temps se mesure également. Grâce à l’horloge qui est surtout là pour s’assurer que nous sommes tous synchronisés sur les événements qui nous sont imposés.
L’apprentissage scolaire se subdivise en périodes de X minutes.
Le milieu professionnel nous impose de mettre notre temps de vie en location selon un temps de travail hebdomadaire – divisé en cinq périodes égales – qui donnent un taux de travail en pourcent, pour une rémunération mensuelle, présentée et déclarée, en revenu annuel.
Un environnement professionnel qui veut de la croissance, de la rentabilité et améliorer un PIB quelconque. Des données capitales qui ne peuvent que s’exprimer par des chiffres. Contrairement au progrès.

Nos jours sont divisés en heures, en minutes et en secondes.
S’il en faut soixante pour faire une minute, la seconde se subdivise en dixièmes, en centièmes, voire en millièmes, lors de compétitions sportives durant lesquelles la vitesse de déplacement du sportif est primordiale.
La seconde a d’abord été définie selon un temps universel, puis par le temps de l’éphéméride de l’année tropique 1900. Elle correspondait aussi, un temps, à la période moyenne du battement du cœur d’un homme au repos. La seconde moderne se défini maintenant par rapport à une propriété de la matière (1).
Une ‘’propriété’’ qui a permis de construire une horloge atomique dont la précision ne la fera dériver que d’une seconde en 16 milliards d’années. Cette horloge atomique continuera d'être précise quand notre soleil aura englouti la Terre...

Notre espace de vie est mesuré. Notre travail, notre repos et nos loisirs sont chronométrés. Tout comme nos déplacements.
Nos achats sont pesés. Nous mangeons en grammes et buvons en décilitres – pour les plus modestes, la mesurette du sirop anti-tussif du petit est graduée en millilitres. Indice de masse corporel, apport journalier, taux de cholestérol - bon ou mauvais, pour bien se nourrir; les pour mille de l'éthylomètre, pour ne pas trop boire au volant et les litres/100 km de nos voitures, pour ne pas trop polluer.
Le bonus/malus de l'assurance, pour le fair-play urbain et les décibels pour ne pas déranger ses voisins.

Après avoir ramené à son échelle la démesure de son environnement et s’être autoproclamé créature supérieure sur la surface du globe, l’homme se mesure à lui-même et aux autres organismes vivants.
Michael Johnson a couru le 400 mètres en 43s18; Usain Bolt le 100 mètres en 9''58 et le 200 en 19''19.
Ce qui fait une pointe de vitesse de 33 km/h pour le premier et 37 km/h pour le second.
Juste assez rapide pour rattraper son chien, son chameau dans le désert, pour choper un mouton, un cochon ou encore un gardon.
Un loup peut courir à 40 km/h (mauvais pour nous) et tenir le rythme sur un marathon. Un lion peut atteindre les 80 km/h. Le Guépard dépasse les 100 km/h, et son accélération le propulse à 90 km/h en 3 secondes!
Pour ressentir cette sensation un bolide de 150'000 francs, avec 450 chevaux minimum, est nécessaire.
Et Michael Phelps n’échappera pas au requin.

Des supers-costauds de balaises s'affrontent dans tous pleins de disciplines sportives (officielles ou pas).
Leonid Taranenko, champion du monde poids lourds en haltérophilie, a soulevé 266 kg. Le gaillard, qui doit facilement peser 100 à 120 kilos, a soulever dans un effort, à se faire péter tous les vaisseaux capillaires, deux fois et demi son poids.
D’autres, au terme d’entraînements intensifs, balancent des pneus de tracteurs, tirent des camions à mains nues, etc.
Un gorille de 300 kilos soulève aisément une tonne, et une fourmi peut porter jusqu’à 50 x son poids.
Le scarabée rhinocéros pèse 0,25 grammes, ce qui ne l’empêche pas de soulever 212,5 gr de matière. 850 fois son poids ! Pour moi, cela ferait 85 tonnes. Captain America peut aller poser son costume.

La femme du coiffeur m'a dit un jour, l’œil humide: "Un bon taureau n'est jamais gros...". Coquine.
Un autre jour, une femme voulait échanger « des œufs contre une nuit d’amour. »
Soit. Ca dure combien de temps une nuit d’amour ?
Un lion peut s'accoupler jusqu'à 50 x en une journée; une simple odeur permet au taureau ou à un étalon de s'acquitter de leurs devoirs, et j'omettrais volontairement les singes Bonobos.
L'orgasme d'un cochon peut durer 30 minutes, et la baleine se soulage de 1'800 litres de spermes pendant l'acte sexuel. Ce qui fait, par une banale règle de trois, un petit peu plus d'un litre de petits têtards, poussés à l’exil par un accro (100 kilos) du fitness...
On est très loin du compte...
Certaines espèces produisent de la lumière, d'autres de l'électricité. L'homme brille par sa médiocrité, et  conscient de son impuissance il passe son temps à faire chier son voisin. Tandis qu’aucun fitness n'a encore branché ses appareils de muscus sur des accumulateurs d'énergie. Quel GÂCHIS...!

Plus terre-à-terre…
Tous nos actes sont chiffrés. Notre consommation d’électricité se mesure en kW ; la qualité de nos appareils de photos se compare en millions de pixels et la capacité de nos ordis en méga octets.
Le commun des mortel n’est pas ‘’conçu’’ pour gérer des informations, des données qui présentent des valeurs s’exprimant en millions de milliards.
Déjà, c’est quoi un milliard ? Un chiffre avec neuf zéros derrière.
Super. Mais qu’est-ce que cela représente pour nous, comment imaginer ce nombre ?

Un milliard pourrait être 1 franc, ou 1 euro, mis dans une boîte chaque seconde, 24/7, pendant 32 ans ; ou un salaire mensuel de 5'000 francs pendant 16'666 ans et 8 mois. En SMIC ? Je vous laisse calculer.
Les 12'095 milliards d’euros de dettes de l’UE ? Une ardoise répartie sur le dos des Européens s’élevant à 28'836.5 euros par tête. Deux Dacia Duster, sauf erreur.

Où nous renvoie la dette américaine de bientôt 20'000 milliards de dollars ?
En dollar/ seconde – à 31'557'000 sec/an, ce n’est pas loin de 640'000 ans. Un voyage qui nous dépose vers la fin du Pléistocène, à l’extinction des grands mammifères dans l’hémisphère nord. Nous serions les heureux témoins de l’éruption de Yellowstone. Impossible voyage.
Pour éponger la dette de leur pays, chaque citoyen américain devrait verser une fois 62'155.5 dollars. Ou 170 dollars par mois pendant une année.

Tous ces chiffres, ces montants, restent dans l’imaginaire, demeurent virtuels et finissent par nous donner le tournis. Alors je propose au Vaudois de la Riviera et du Chablais de visualiser une ‘’consommation.’’
En 2013, selon les chiffres de BP donnés en 2015, la consommation journalière de pétrole était à 91,243 millions de barils/jour.
Un baril contenant 159 litres (arrondi) de pétrole, la conso quotidienne d’or noir est donc de 14'507'637'000 litres – 14.5 milliards de litres !
Je pourrais vous faire le calcul annuel en multipliant par 365. Mais stop ! aux grands chiffres qui de toutes façons ne nous parlent pas. Cette consommation quotidienne de pétrole, ramenée à une dimension plus humaine, équivaut à un débit de liquide de 168 mètres cubes par seconde.

Le débit moyen du Rhône, quand il arrive dans le lac Léman – vers Villeneuve, étant de 165 m3/s, une promenade le long du fleuve, dans le Chablais vaudois, permet d’apprécier ce que cette mesure représente.

Nous pouvons sincèrement remercier ces hommes de sciences qui ont marqué de leur empreinte, et de leurs savoirs, les millénaires de notre développement en nous léguant les étalons nécessaires,  ampère ; volt ; pascal ; kelvin ; Celsius ; mole ; candela ; newton ; joule ; coulomb ; tesla ; becquerel ; sievert et j’en passe, des connaissances cumulées qui nous ont permis de comprendre, en partie, ‘’comment’’ les événements invisibles se produisent autour de nous , ‘’comment’’ notre monde est monde.

L’homme est devenu le ‘’maître’’ de la terre en ramenant la Réalité à une dimension humaine, sa dimension. Un réel que nous pourrions ‘’percevoir.’’
Le dommage pour nous est qu’à force de tout expliquer, notre esprit se ferme à l’impossible, à l’événement qui n’a pas d’explications scientifiques, ni logique.
Pourtant si nous ouvrons notre esprit à cet impossible, ne risquerions-nous pas de découvrir la vérité, ou une partie de celle-ci ?

Pour parler scientifiquement, cette vérité pourrait se trouver derrière le mur de Planck. Un mur infranchissable, érigé une infinitésimale fraction de seconde après la naissance de notre univers.
Une limite au-delà de laquelle toutes les lois universelles qui s’appliquent d’un bout à l’autre de notre immense univers ne fonctionnent plus ; une limite au-delà de laquelle notre science n’a plus cours.

Pour nous, humbles citoyens, c’est encore une information qui, soit ne nous sert à rien, soit nous permet de penser à une puissance supérieure. Une force inaccessible à toutes pensées rationnelles qui réunit toutes les dichotomies. Une Force qui a sorti du néant tout ce qui nous permet d’exister.
Pour les athées, au-delà du mur de Planck, c’est le sac de Mary Poppins.

L’homme peut tout faire pousser, tout transformer, tout construire ; il peut détourner des fleuves ou creuser au travers des montagnes, mais il ne peut que le faire qu’avec, ou à partir, de matériaux déjà à sa disposition.
Son arrogance nourrit son complexe prométhéen qui le rend incapable de créer ce qui n’existe pas et, pour le plus grand malheur de la femme, incapable de donner la vie.

Qu’à cela ne tienne. Ne pouvant matérialiser physiquement à partir du néant, l’homme créera des valeurs subjectives à partir du vide.
L’apparition du chiffre auquel s’ajoute un autre chiffre lui a permis, grâce au concept de nombre ainsi créé, de tout dénombrer, de tout mesurer, de tout quantifier avant d’expliquer, le monde observé, par des formules complexes composées de chiffres, puis de lettres.

Le ‘’chiffre’’, est mot d’origine arabe, qui avait comme définition : le vide.
Le ‘’chiffre’’ Sifr, devient sefero puis un zéfiro que les Italiens nous transmettrons comme : Zéro (2).
« Etre un chifre » au Moyen-âge, présentait une personne inutile et ignorante.
Le vide auquel s’ajoute un autre vide, devient une formule complexe qui veut expliquer la réalité.

Sauf qu’en ramenant tout à une échelle perceptible et compréhensible par une logique, en quelque sorte imposée à notre esprit, nous amputons la Réalité de sa source Divine, de sa ‘’magie’’, pour en faire un réel souvent tristounet.

F.V.

* 70 m2. C’est la surface habitable qu’avait chaque ouvrier égyptien pour y vivre avec sa famille à l’époque des grands chantiers de l’antiquité.

** Il y a trois cycles saisonniers différents : Les saisons calendaires, les saisons astronomiques et les saisons météorologiques. Les deux premiers cycles sont définis selon la date des équinoxes. Les saisons varient également selon notre emplacement sur l’hémisphère terrestre.

(1) La seconde est la durée de 9'192'631'770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l’état fondamental de l’atome de césium 133.

(2) Définition du zéro sur wikipédia.
Pour Alain Rey, dans son ouvrage : Le Voyage des mots, De l’Orient arabe et persan vers la langue française, le ‘Sifr’ arabe devient cifra en langue latine puis le chiffre français. La définition de ce « zéro qui sert à tout compter » sera complétée, ou contredite, par Robert Estienne qui fera venir, au XVIe siècle, le latin cifra de l’hébreu sefer, pour ‘’compter’’.

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