lundi 22 septembre 2014

Mettre une ''croix''...

… dernière expression de notre liberté démocratique?

Nous élisons tout ce qui peut siéger, du conseil communal au conseil des états. Nous donnons notre ‘’voix’’ à ces personnes parce qu’elles partagent nos idéaux ou qu’elles défendent nos intérêts économiques ; nous les choisissons aussi pour leur charisme, leur envolées lyriques, leur air intelligent ou, au pire, parce qu’ils ont une bonne bouille.
Par contre, il ne nous est pas permis de choisir les têtes qui squattent le sommet de la pyramide politique Suisse. Nous faisons donc confiance aux personnes, que nous avons plébiscitées, dans leur choix des Conseillers fédéraux. Des personnalités qui doivent quand même être ‘’sélectionnées’’ en fonction de leur carrière professionnelle, de leur parcours politique et leur amour de la collégialité.
Tout ce beau monde prête naturellement serment et se retrouve dans de grandes et belles salles riches de symboles pour prendre des décisions, pour approuver ou rejeter des projets et des textes de loi en notre nom, sans que le citoyen lambda ne soit vraiment consulté. C’est le contrat de confiance, comme chez Darty.

Quand une ‘’idée’’ ne fait pas l’unanimité parlementaire, que ça ripe dans l’hémicycle ou que ça coince dans l’allée des pas perdus, le brave peuple Suisse est appelé à la rescousse.
Commence alors le grand déballage des ‘’vérités’’ contradictoires, justifiées par de grande études statisticienne qui ‘’confirment’’ les théories de ceux qui les finances, lors de joutes verbales qui animent les débats télévisuels. Discussions orientées qui ne répondent que rarement aux questions que chaque citoyen se pose et je ne parle pas des campagnes d’affichages sournoises qui propagent de malhonnêtes ‘’clichés’’ dont le but est d’effrayer au lieu d’informer.
Ainsi chaque citoyen pourra dire ‘’Oui’’ ou ‘’Non’’ ou ne pas avoir d’avis quand il recevra son matériel de vote. Un choix fait en toute connaissance de cause (lol).
Fièrement, nous appelons cela : La « Démocratie directe.»

Je vois le Suisse comme un fidèle mouton qui ne se trompe jamais. J’aurais envie de dire que son élan partisan est souvent dicté par l’endroit où il aime fourrer ses mains : Dans la terre, sur son cœur ou son porte-monnaie, dans l’arsenal militaire ou domestique ou les culottes des petites filles.
Quand le Suisse a choisit son Parti politique ainsi que l’édile qu’il va soutenir, il n’en change plus, ou très rarement. Quoi que ce dernier dise ou fasse.
A partir de là je laisse mon favori, dont je ne connais que ce qu’il veut bien dévoiler, débattre en mon nom, défendre mon idée et pourquoi pas ma vision du monde, et je suis les consignes de vote. Sans me poser trop de questions, vu que je ne suis pas un ‘’spécialiste’’ du ‘’dossier’’ et que même si je n’approuve pas entièrement le choix de mon ’’poulain’’, sa proposition sera de toute manière meilleure que celle de mes ‘’opposants’’ politiques.
Pour les simples dossiers, il n’y a pas trop de problèmes. Par contre pour les affaires un peu plus ‘’techniques’’, cela se corse. Cela devient compliqué quand celles et ceux qui sont censés défendre la loi et l’intérêt public multiplient les intermédiaires (haut fonctionnaire, groupe de négociation, Task force, groupe d’experts qui recourent à l’avis d’un consultant spécialisé) qui séparent le citoyen de l’autorité qui négocie et décide en son nom.
Le résultat lié à tous ces intermédiaires est que le consultant donne son avis au groupe d’experts, qui rend son expertise au groupe de négociation, qui fait passer le message à l’échelon en dessous, qui transforme cela en ‘’consigne de vote’’ qu’une forte partie des électeurs vont suivre.
Serait-ce faux, dès lors de penser, que ceux que nous désignons pour nous gouverner prennent leurs décisions non pas en fonction d’une volonté issue du Peuple, présenté comme ‘’Souverain’’, mais en tenant compte de ‘’conseils’’ avisés prodigués par des personnes bardées de diplômes en tous genres, que nous ne connaissons pas et qui n’ont pas ‘’besoin’’ du soutien populaire pour se faire de beaux salaires ?
Nous pourrions nous étaler sur les groupes de pressions qui font le forcing pour mener une économie nationale ou transnationale vers les objectifs que se sont fixés des sociétés multinationales apolitiques.
Nous pourrions tout aussi condamner celles et ceux qui sont élus pour nous gouverner et utiliser de grands mots pour parler de ‘’trahison’’.
D’un autre côté, ne devrions-nous pas également nous demander si, au moment précis où nous avons introduit le bulletin électoral dans l’urne, nous n’avons pas abandonné la parcelle de pouvoir politique que nous possédions à d’autres mains, sans autre contrepartie que des promesses entendues pendant une campagne électorale ?
Certains penseront qu’une ‘’consigne’’ n’oblige personne à suivre et que l’électeur est libre de son choix dans la solitude de l’isoloir.
Soit. Mais si nous associons le fait que nous avons renoncé à notre volonté d’expression politique, en la déléguant à un candidat, à la solitude de l’isoloir qui rend notre vote secret, cela ressemble-t-il encore à la démocratie telle que l’ont conçue les penseurs grecs d’antan ?

Dernièrement Monsieur Alain Berset, Conseiller fédéral au département de l’Intérieur qui est en ‘’charge’’, entre autres, de l’Office fédéral de la Santé Publique (OFSP), disait dans débat télévisé que : « (…) Pour qu’une loi soit acceptée, il faut la majorité. » Le principe même de la Démocratie. Sauf que chez nous, la Démocratie ne doit pas faire trop d’ombre à la sainte collégialité.
Les grands partis en place depuis des lustres n’ont pas trop de peine pour faire passer des lois dans les hémicycles. Pour les petites formations, en manque de visibilité et d’écoute, c’est plus compliqué. Elles doivent trop souvent passer par les ‘’grands soeurs’’ pour être entendues. Même si les ‘’idées’’ sont bonnes. Comme les bonnes idées de référendum, ou initiatives, doivent avoir le soutien d’un parti politique pour augmenter leurs chances d’aboutir. La démocratie des Lumières…
Ce qui fait qu’au final si un texte de loi veut ‘’obliger’’ certains représentants de l’économie nationale ou de la santé privée publique  à (…) , il ne sera pas accepter.
Par contre si le texte devient moins ‘’contraignant’’ et laisse la possibilité aux mêmes acteurs de (…), le texte voit augmenter ses chances d’être voté.
L’obligation devient une ‘’probabilité’’ (excepté en circulation routière) ; une ‘’volonté’’ un ‘’pourquoi pas’’ et une opposition un ‘’peut-être’’.
La politique deviendrait-elle une libre entreprise qui organise ses scrutins comme des transactions commerciales durant lesquels les électeurs ‘’achètent’’ l’article susceptible de préserver au mieux l’ordre social, la compétitivité régionale ou national, de punir les ‘’criminels’’, etc ?
Cette interrogation peut paraître exagérée mais souvent l’harmonie collégiale du Palais fédéral semble renvoyer, après marchandages, à la communauté de citoyens sa ‘’volonté’’ transformée de telle manière que cette dernière ne doive plus se prononcer sur sa volonté initiale, mais se retrouve à choisir la proposition qui la dérangera le moins.

Le Peuple souverain, qui est pris en otage dans la justification de ce qu’est la démocratie occidentale, ne prend plus part plus aux débats, il en est le témoin passif qui remplit les siéges des ‘’studio’’ des chaînes télé nationales. Le Peuple devenu spectateur de sa liberté démocratique peut applaudir les discours de ses élus et rire des pitreries sarcastiques de ces mêmes acteurs, mais il ne peut prendre la parole pour intervenir dans le débat.
En contrepartie le vrai pouvoir met à disposition de la population citoyenne, pour qu’elle puisse exprimer son soutien ou son opposition à tel ou tel projet, des réseaux, dit sociaux, dans lesquels l’homme du peuple se contente de participer à des forums ou de s’inscrire dans la multitude florissante des ‘’groupes’’ de soutien ;  ou alors il peut exprimer son opinion en intervenant dans la rubrique ‘’Courrier du lecteur’’ que les quotidiens mettent encore à disposition de la communauté citoyenne.
Cette liberté d’expression qui nous est consentie nous donne l’illusion de participer à un quelconque débat démocratique. Pourtant, les ‘’groupes’’ qui se forment sur les réseaux virtuels partagent majoritairement les mêmes opinions politiques et les mêmes idéaux socio-économiques. Je ne vais pas m’inscrire, ou faire une demande ‘‘d’ami’’ FB à un extrémiste si mes convictions sont communistes. Au pire posterai-je un message insultant sur son ‘‘mur’’, au mieux l’ignorerai-je.
On nous le répète assez : « Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre » ; « Les chats ne font pas des chiens. » Chez le musulman, les océans ne se mélangent pas.
Ensuite, la virtualité d’un débat ne permet pas vraiment à chaque intervenant de s’exprimer librement et d’aller au bout de sa pensée, de son idée, de la critique constructive. Sauf si une personne parvient à capter l’intérêt du lanceur de discussion par la pertinence de ses remarques. Remarques qui seront toujours, ou presque, agrémentées de références reconnues, incontournables et avérées.
La démocratie des Lumières, disais-je plus haut.

Même si cela permet de créer une multitude de groupuscules aussi variés que différents les uns des autres, dans lesquels chaque individu aurait la chance de se retrouver à la place de ‘’leader’’, cela ne forme pas une agora qui discute, qui délibère, qui prend ce qu’il y a de mieux de chaque côté pour créer une idée re-formatrice.
Il est possible d’avancer l’idée, par cette ouverture virtuelle, d’une volonté multiculturelle d’un pays, d’une région ou d’une ville, sauf que cette multiculturalité ne dépassera presque jamais les limites géographiques et territoriales dans laquelle elle est contenue.

Pour finir, parce qu’il faudra bien un jour mettre un terme à la démocratie moderne, il nous faut mettre un terme à la seule crise qui détruit l’humanité et son environnement. Et cette crise, que j’ai envie de qualifier de mondiale, n’est autre que politique.
Qui a permis, à coup de dizaines de milliers de milliards le sauvetage des différentes grandes banques mondiales en endettant les générations futures ?
Qui autorise la construction et l’utilisation des centrales nucléaires, l’épuisement de nos ressources énergétiques et la destruction de notre biosphère ?
Qui permet le cloisonnement des populations et met en place leur surveillance ?
Qui nous fait du ‘’chantage’’ au chômage, à la sécurité nationale et met nos retraites futures en danger ?

Quoi que nous répondions (le Politique ou l’ultralibéraliste) nous avons un problème démocratique. Parce que je doute que nous ayons été assez ‘’con’’ pour choisir la solution ‘’chômage’’, l’austérité, la destruction de notre environnement et le surendettement de nos enfants dans un monde en guerre.
Il y a bien quelques corpuscules d’extrémistes qui veulent éradiquer leurs voisins ; il y a bien quelques sociétés financières qui veulent absolument faire du profit à n’importe quel prix ; il y a bien quelques personnalités super riches qui en veulent toujours plus ; mais en quoi sont-ils supérieurs au reste du monde ?
En nombre ? Certainement pas.
Une observation qui a mené José Saramago, écrivain portugais (1922-2010) a écrire :« Le système appelé démocratique ressemble de plus en plus à un gouvernement des riches et de moins en moins à un gouvernement du peuple. Impossible de nier l’évidence : la masse des pauvres appelée à voter n’est jamais appelée à gouverner. »
Ce qui pourrait aussi signifier que ces hommes et ces femmes qui s’affichent tout sourire au dessus de beaux slogans et qui descendent dans la rue pour nous demander notre soutien sont au pire : des menteurs ; au mieux : faibles et corruptibles. Des qualités, sommes toutes humaines, à en écouter l’ensemble de nos congénères.

Alors je ne sais pas où situer ma pensée qui me répète que celui qui est choisi pour nous diriger doit être meilleur que celui qui l’a élu. Je ne dirais pas : infaillible, mais il doit mériter ma confiance, la confiance des citoyens qui l’ont soutenu et œuvrer pour eux.
Si nous voulons continuer à parler de la Démocratie, le politicien doit se rappeler que la voix des citoyens vaut plus que n’importe quel financement d’un groupe d’influence, quel qu’il soit.
Qu’il n’y a pas deux applications distinctes de la volonté du Peuple ; que les décisions du gouvernement ne doivent pas s’imposer à la population, mais bien refléter la Volonté du Peuple.
Pour y arriver, le Politique doit rendre aux peuples la Démocratie qu’il lui a réclamé lorsqu’il est descendu dans la rue et le citoyen ne doit plus sa satisfaire d’une petite croix sur un bulletin de vote. Il doit participer volontairement, activement, démocratiquement aux projets, à la mise en application des lois, qui devront être Humaines, et qui accompagneront les générations futures.

Ramener la Démocratie à une ‘’lutte des classes’’ est une erreur, un gâchis de temps, dont profite la minorité, qui régit l’aspect économique de notre monde, pour étendre son emprise sur le politique.
Je ne crois pas trop à la lutte des classes, mais je vois deux extrêmes qui s’affrontent et qui veulent nous entraîner, coûte que coûte, dans le sillage de leur conflit.
Les ‘’bons’’ patrons sont plus nombreux que les mauvais et ils savent qu’ils ont besoin d’employés, d’ouvriers. Le ‘’pauvre’’ a besoin du ‘’riche’’ tout comme le ‘’riche’’ a besoin du ‘’pauvre’’.
Il ne peut y avoir que des ‘’chefs’’, que des ‘’investisseurs’’, que des ‘’banquiers’’, que des ‘’ouvriers’’ ou des ‘’caissières’’ Denner.
Quand l’ordre naturel des choses, des relations, est respecté dans la dignité, il n’y a pas de conflits. L’humain serait respecté pour ce qu’il est, et non pas condamné pour ce qu’il représente.

Pour conclure je reprendrais Saramago qui lui-même cite Aristote : « Dans l’hypothèse d’un gouvernement formé par les pauvres, où ceux-ci représenteraient la majorité, comme Aristote l’a imaginé dans sa Politique, ils ne disposeraient pas des moyens pour modifier l’organisation de l’univers des riches qui les dominent, les surveillent et les étouffent. »

Alors, rendez-nous notre Démocratie.

Nemo.

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