dimanche 17 avril 2011

Sortie de secours, par Y.Paccalet (extraits)

La société de consommation constitue non pas notre avenir ou notre fierté, mais notre plus gros probléme. C'est une longue et cruelle maladie.
Non sans logique, la société de consommation prétend à l'universalité, qu'elle baptise "libre échange", "loi du marché" ou "mondialisation". (...) Elle ne suscite que l'insatisfaction, la jalousie et la haine. La maîtrise des matières premières et la conquête des débouchés commerciaux implique la violence et la corruption. La concurrence porte le conflit. Le désir matériel finit en drame. La tragédie classique agitait les passions, la tragédie moderne brasse le pognon. La première était composée par Eschyle, Shakespeare ou Racine, la seconde est un bilan d'entreprise copié-collé sur un ordinateur.

Le Nord-Américain consomme en moyenne 500 litres d'eau par jour. L'Européen 250 et l'Africain 25. Si le Nord-Américain réduit de moitié sa part, il se met au niveau de l'EUropéen et vaut encore dix Africains. Si l'Africain divise sa ration par deux, il est mort.
1'300'000'000 d'humains (1/5) n'ont aucuns accès à l'eau potable (200'000 dans un pays aussi riche que la France). Ils seront 2'000'000'000, un sur quatre, en 2025: c'est ce qu'on appelle le progrès.

Chaque années 9'000'000 d'homo sapiens meurent de faim. Mille par heure. Un toutes les 4 secondes.
Neuf millions de cadavres par an, c'est plus que n'en laisse derrière eux les agents microbiens réunis de la pneumonie, du sida et du paludisme, les trois tueurs en série de notre époque. Neuf millions de défunts, cela signifie aussi que des centaines de millions d'individus souffrent de sous-alimentation. Huit cent-cinquante-quatre en 2006 selon la FAO. Je vous le fais à neuf cents: j'ai toujours été optimiste. Un humain sur sept a faim.

On évalue à plus de deux cents millions le nombre d'humains privés de toit. Notre époque se vante d'être la plus inventive et la plus productive de l'Histoire. Elle crée surtout de vertigineux désespoirs.
Deux à trois pour cent des hommes possèdent la moitié des richesses de la planète. Le cent plus grandes fortunes ont plus d'argent que tous les pays d'Afrique noire réunis.
De nos jours les actionnaires des sociétés majeures, les rois du pétrole, de la banque, du grand commerce de l'informatique, possèdent chacun une fortune égale au produit national brut d'un Etat de 5 ou 6 millions d'habitants.

Au XVIII et XIXème siècles, la bourgeoisie a renversé l'aristocratie au nom de la liberté et de l'égalité (la fraternité n'était sur la devise que pour faire joli). Au XXIème siècle, loin d'avoir réduit l'inégalité entre les hommes, le capitalisme l'a multipliée par dix. Le progrès vous dis-je!

On recense, sur le globe, un milliard de riches (les habitants de l'Amérique du Nord, de l'Europe, du Japon, de l'Australie et les privilégiés des pays émergents. (...) Les riches consomment:
Les deux-tiers des aliments disponibles,
Les sept-dixièmes de l'énergie,
Les trois-quarts des métaux,
Les quatre-cinquièmes du bois et des produits de la pêche,
Les cinq-sixièmes des crédits d'éducation,
Les neuf-dixièmes des budgets de recherche et développement
Ils possèdent les trois-quarts des automobiles et neuf avions sur dix.
Chaque nanti utilise dix fois plus d'acier ou de cuivre que le gueux; douze fois plus de pétrole; quinze fois plus de papier; dix-huit fois plus de produits chimiques; dix-neuf fois plus d'aluminium. Et ainsi de suite.

Les enfants de riches reçoivent de l'argent de poche. La somme de ces petits cadeaux en famille excède le revenu des cinq cents millions d'humains les plus pauvres. Vu des tropiques, le Père-Noël est vraiment une ordure.

En ce début de XXIème siècle, si tous les hommes consommaient comme les Européens, ils nous faudrait trois planètes pour satisfaire nos besoins.
S'ils avaient le niveau de vie américain, nous en aurions besoin de cinq.

Autour de quel Soleil inconnu tournent les quatre manquantes?

Si tu ne trouves pas refuge dans ta propre nature,
tu ne trouveras refuge nulle part.
Hui-Neng, poète chinois, VIIè siècle

NEMo

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