mardi 16 février 2016

L'enrichissement par la vie...

... ou par la mort.

[L’once d’or vaut à peu près 1'253,2 dollars. Ce qui met le kilo du précieux métal jaune à 38'849,2 dollars.]

Eléphants et rhinos sont traqués par des braconniers. Juste pour leurs cornes. Une fois réduit en poudre, l’ivoire se vend 50'000 euros le kilo. Plus cher que l’or.
Plus je tue, plus mes proies deviennent rares ou difficiles d’accès : plus je gagne de l’argent. Je spécule sur la vie.
Pour le plaisir de tuer ceux qui nous sont supérieurs, des fauves sont élevés en captivité avant d’être relâchés, sans aucuns repères, dans la savane.
Ils vivront en liberté juste le temps de se faire abattre par les ‘’clients’’ d’un ‘’Tour operator’’ qui propose et organise des safaris qui n’ont, comme seul et unique but, de faire croire à une bande d’humains sans couilles qu’ils sont le prédateur ultime.

Pour le plaisir de tuer dans les montagnes de la région afghanes de la Suisse – le Valais, il faut patienter trois ans et débourser 20'000 francs suisses, pour obtenir le précieux permis qui permettra de flinguer un bouquetin.
Pour les étrangers, c’est 20'000 francs. Pour les autochtones des tribus locales, ce privilège ne vaut guère plus de 400 francs.
Maintenant le tireur débutant, moyennant une rallonge, a le droit de s’y reprendre à plusieurs fois, si l'animal ne meurt pas tout de suite.
Si, si...: "S'il se révèle incapable de bien tirer et qu'il faut revenir trois ou quatre fois, on facture un montant complémentaire." [Peter Scheibler, chef du service de la chasse...]
Ca rapporte, le contrôle démographique des populations animales sauvages…

Dans un registre plus alimentaire la vie animale se vend aux enchères.
Le thon rouge, le poisson le plus surexploité : 1,38 million d’euros un le cadavre pesant 222 kilos en 2013.
1,31 million en 2014. Soit 5'695 euros le kilo.
Baleines, requins, dauphins et tant d’autres, vivent sous la menace constante de l’humain.
Le prix de la mort fluctue au gré de l’offre et de la demande. 1 dollar la livre de poulet ; plus de 300 francs la carcasse d’une vache suisse; 100 francs le kilo de steak de bœuf parce qu’il vient d’argentine et 60 milliards d’animaux assassinés annuellement pour notre consommation.

Plus je tue, plus je gagne de l’argent. Cette vérité ne s’applique pas, ou plus, aux paysans, aux agriculteurs.
Nos paysans, et quand je dis : Nos paysans, je parle des 1'350'000'000 d’exploitations qui travaillent avec la Terre, avec la vie – et dont les ¾ pratiquent toujours une agriculture manuelle de petites parcelles.
Tous ceux là sont incomparablement plus utiles à notre survie que les sociétés de négoces et leurs spéculateurs ; ils sont incontestablement plus honorables qu’une bande de nescafards qui se voient, emmanchés sur leur arrogance prétentieuse, faire vivre et nourrir le monde.
Pourtant ce sont eux, les paysans, leurs animaux et leur labeur, qui sont honteusement sacrifiés sur l’autel de la rentabilité.
« Heureux pays où les gens n’ont pas faim et où l’agriculture est presque de trop ! »
Disait André Bugnon, conseiller national UDC/ Vaud, dans un article du 24 Heures, le 20 septembre 2012.
Je sais, ça date. Mais celle-là, je ne suis pas prêt de l’effacer. Et à l’heure où les accords du GMT (Grand Marché Transatlantique) se font de plus en plus pressant, cette phrase prend de plus en plus de sens. Elle veut nous préparer aux poulets au chlore – KFC fait déjà sa pub, à la viande de porc aux antibiotiques, aux OGMs et autres saloperies Made in USA.
Mais ne croyez pas que les Américains sont à l’origine du GMT, du TAFTA ou autres.
Ils n’ont fait que saisir la perche que leur tendait l’Union européenne. Eh oui ! Cette belle Union européenne qui rêve de libéralisation à tout va.
Par contre quand celui qui a la face en ‘’peau de cul’’, le candidat Donald Trump, dit qu’il faut retirer les politiciens des affaires économiques du pays, pour laisser la places à « des hommes d’affaires expérimentés », il y a de quoi s’inquiéter.
Parce qu’en plus de vouloir faire tomber toutes les barrières sanitaires et d’hygiènes alimentaire, faire disparaître l’étiquetage obligatoire des aliments et leur ‘’traçabilité’’ le futur GMT vise une libéralisation absolue des règles de concurrences.
C’est bien la dérégularisation massive des conditions de travail, qui bouleversera la vie professionnelle et économique de plus d’un milliard de travailleurs autour de l’Atlantique, qui est en jeu. Et que valent nos vies, dans ce grand marchandage ?

Le paysan a conscience du lien terre-animal-homme qui nous permet, qui nous a permis d’arriver jusqu’en 2016 après JC. Pour quel enrichissement, pour quelle gratitude de notre part ?
Le chasseur lui s’enrichit à mesure que ses proies disparaissent. Tout comme le braconnier. Et j’aurais envie de rajouter : Tout comme les spéculateurs qui garnissent les rangs de ces sociétés de négoces.
Sauf que pour ces derniers, leur terrain de chasse est planétaire. Ils ne se contentent pas de monnayer les vies qu’ils prennent – par leur vénale complicité. Ils participent activement au plus honteux des rackets que l’homme ait mis en œuvre : Payer pour sa survie, payer pour de la nourriture, payer pour de l’eau. Donc, que valent nos vies, là-dedans !?

Je me permet ce sophisme : Le temps c’est de la Vie, le temps c’est de l’argent ; notre vie c’est de l’argent.
Alors, et parce qu’il est communément accepter que nous ne pouvons pas vivre sans argent, qu’il faut « gagner sa vie » - après l’avoir perdue je ne sais comment, parce qu’il faut bien « payer ses factures » - et remplir le frigo ; parce que nous devons être ‘’honorables’’ face à nos pairs pour être assimilé dans l’échelle sociale, nous travaillons pour des sociétés, pour des entreprises, qui, par soucis de rentabilité, doivent économiser sur les coûts du travail et alléger leurs ‘’charges’’ sociales.

Une rentabilité qui se calcule au détriment de notre salaire et des cotisations qui nous permettent de subsister quand nous avons un accident, quand nous sommes malades, quand nous sommes victimes des restructurations motivées par l’avarice des actionnaires ou que nous profitons enfin de journées entières de repos après des décennies de travail.
Que des situations que le PLR, pour rester local, n’aime pas, parce que payer des gens à rien foutre ce n’est pas rentable. Ca coûte des sous, sans générer de richesses.

Les vrais patrons, soucieux de leurs employés, sont eux aussi en voie de disparition, laissant leur place aux ‘’hommes d’affaires.’’ Des businessmen qui ne rencontrent plus les chercheurs d’emplois, qui ne participent plus aux discussions d’embauche, mais qui délèguent ces tâches au responsable des ‘’ressources humaines.’’
L’embauche faisant trop prolétaire ; le recruteur, trop militaire ; et le ‘’chasseur de têtes’’ trop pygmée, le patronat a décidé de comparer son personnel aux autres produits, marchandises, objets… lui permettant de s’enrichir. L’homme devient ainsi une ressource.
Si « ressources humaines » renvoie bien dans sa définition, pour des raisons de politiquement correct, à « l’ensemble du personnel d’une entreprise » c’est quand même la première définition de ‘’ressource’’ sur laquelle il faut retenir :
« Ce qu’on emploie dans une situation fâcheuse pour se tirer d’embarras. »

Les engagements pour une durée indéterminée se font de plus en plus rares. Prenez le Valais-nistan : champion de Suisse du travail saisonnier. Quand il y a du taf : je t’engage ; pendant les périodes creuses : j’te fous au chômage. Privatisation des bénéfices, démocratisation des pertes.
La travailleuse saisonnière dort dans une caravane ? Parce qu’elle le veut bien. Et elle devrait nous remercier de lui fournir du travail quelques mois par année.

Alors dans un monde civilisé où l’argent est devenu plus important que la vie elle-même, nous faisons dépendre notre bonheur de notre ‘’pouvoir d’achat.’’
Pour y arriver nous usons notre santé pour un boss que nous ne verrons peut-être jamais. Nous nous privons égocentriquement de notre vie de famille pour enrichir une personne qui ne nous connaît pas. Et enfin, nous mettons notre vie en location pour un mec qui n’hésitera pas à se débarrasser de nous pour maintenir sa marge bénéficiaire.

Du chasseur au consommateur, en passant par le spéculateur et l’employeur, la vie, dans la définition moderne et civilisée que nous en avons, se négocie, s’achète et se vend. Et avec fierté nous appelons cela le progrès.
L’homme vend avec arrogance son savoir, la prétentieuse ‘’valeur ajoutée’’ qu’il apporte aux matières premières qu’il transforme. Mais dans l’absolu, il n’a rien inventé. Il a juste trouvé le moyen de reproduire ce que la Nature avait déjà créé, ce que la Nature lui a permis de découvrir.

Ni la terre, ni l’eau, ni le soleil, nous a adressé sa facture pour leur primordiale contribution au développement du monde végétal. Ni aucune graine, ni aucun pollen d’ailleurs.
Quelle colonie d’abeilles s’est syndiquée pour défendre ses conditions de travail ?
Quel mouton, lama ou alpaga nous a vendu sa laine ?
Quelle gratitude avons-nous pour ces vaches, ces chèvres, ces bufflonnes, qui transforment gratuitement de l’herbe en lait ? En promettant 17'000 vaches à l’abattoir parce qu’il y aurait « trop de lait. »
Quelle femelle, quelle espèce animale nous a traîné en justice pour infanticide ?
La Nature donne, offre généreusement – pour le moment, et nous monnayons ses cadeaux !?!

Cela me fait penser au ‘’don d’organe.’’
C’est un don, anonyme, librement consenti et offert généreusement par un être vivant à un autre être vivant.
Je n’ai pas le droit de vendre un de mes organes, même au profit de ma descendance.
Par contre, il n’est pas interdit au corps médical de rentabiliser mes organes, de faire du profit sur mon altruisme, de faire du bénéfice sur ma générosité.

La vie était un merveilleux don qui n’avait pas de valeur, mais qui coûte cher depuis que l’argent domine le monde. Alors pour parvenir à boucler nos fins de mois, pour remplir notre frigo, rester en bonne santé, nourrir nos enfants et, s’il nous reste quelques sous, nous offrir des vacances, nous nous prostituons.
Choquant ? Pas plus que le fait de savoir et surtout d’accepter que dans ce monde moderne, civilisé, à la pointe de la technologie, fier de ses libertés individuelles et de sa démocratie, si tu n’as pas d’argent : Tu meurs.

J.-F.

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