samedi 7 juin 2014

FIFA: Opération séduction.

Le Brésil, pays émergeant, est devenu la septième puissance économique mondiale.
Ce développement ne c’est pas fait sans laisser de traces durables dans son environnement, sans accroître les discriminations sociales ou encore sans opposer, dans un combat bien inégal, les héritiers d’une culture ancestrale aux apôtres de l’idéologie ultra libérale.
La fracture sociale était bien présente quand le Brésil a officiellement déposé sa candidature pour l’organisation de la prochaine coupe du monde de football auprès de la FIFA, et la liesse générale du peuple brésilien, quand le choix de la FIFA se porta sur la ‘’Nation du football’’ pour 2014, n’a pas comblé le fossé qui sépare les classes sociales. Un fossé qui continue à se creuser jours après jours. Mais tout le Brésil s’est laisser emporter par les rêves de grandeurs et de richesses qui entourent le produit ‘’Coupe du monde’’.
Aujourd’hui, à quelques jours du début des festivités, les brésiliens se rendent bien compte que les rêves d’il y a sept ans n’étaient que de jolis spots publicitaires.

Selon Christian Rappaz, journaliste à L’Illustré, qui a fait plusieurs voyages aux Brésil en portant son attention dans les favelas qui jouxtent les grandes métropoles sud-américaines, le constat exprimé par la presque totalité des ‘’oubliés’’ de la croissance brésilienne est : « La Coupe du Monde, ce n’est pas pour nous. »
Alors pour qui est-elle ?
Les plus de 150'000 représentants des forces de l’ordre chargés de la sécurité autour des enceintes FIFA, donnent un début de réponses.
Le montant avancé, pour la préparation de la plus belle Coupe du Monde de l’histoire du football, se monte à 12 milliards de dollars. Un budget colossal que se partagent le gouvernement et le secteur privé.
Le football, en devenant le sport le plus populaire de la planète, s’est transformé en une gigantesque société financière chapeautée par des fédérations continentales, l’UEFA et la FIFA (des associations qui se veulent à but non lucratifs) et qui sont en relation avec des actionnaires, des investisseurs ou des sponsors.
Il est donc normal, dans un monde financier, que tout le monde en veuille pour son argent et que tous ceux qui seront reliés à l’événement en retirent le meilleur profit. Surtout dans le secteur ‘’privé’’.
Alors pour que le retour sur investissement soit positivement favorable tout doit être fait pour que celles et ceux qui ont les moyens de voyager, de séjourner au pays de la samba et de s’offrir des places dans les jolis stades construits pour l’occasion se sentent ‘’comme à la maison’’ et en sécurité dans les fameuses enceintes FIFA. Quitte à déloger au passage quelques miséreux pouilleux auxquels on peut foutre le feu sans déclencher la troisième guerre mondiale.

La polémique au sujet des enceintes de la FIFA a, sauf erreur, débuté lors de la dernière C.M. en Afrique du Sud. Une édition qui a rapporté 4,2 milliards de dollars de bénefs à la FIFA (dont plus de la moitié grâce aux droits de retransmissions TV) et laissé une ardoise de 2,8 milliards de dollars au gouvernement sud-africain.
L’enceinte FIFA, c’est comme une gigantesque Fans zone. Sauf qu’à la place d’un écran géant, il y a un stade de foot. La gestion et l’organisation des Fans zones locales est confiée à des sociétés privées spécialisées dans ‘’l’événementiel’’, au Brésil c’est la FIFA. La Fans zone Suisse est cernée par des grillages, recouverts de bâches plastiques, pour donner un aspect privatif au lieu tandis que des Sécuritas contrôlent vos sacs et vous demandent de ne pas y introduire de consommations. Outre-atlantique ce sera idem sauf que le service d’ordre sera vêtu d’une tenue de combat urbain avec matraques et tout le toutim. Gaz lacrymo inclus.

Après 2010 (C.M. en Afrique du Sud) et les critiques acerbes contre la FIFA, l’UEFA s’est servie des tensions régionales pour créer un climat d’insécurité (menaces terroristes) avant l’Eurofoot de 2012, qui s’est déroulé en Ukraine. Du coup, les enceintes de l’UEFA devenaient des zones de sécurités sous la vigilance des forces de l’ordre nationales.
Au Brésil, c’est plus subtil. Il n’y a pas de méchant terroristes Tchétchènes musulmans et il ne me semble pas que le pays soit en conflit avec ses voisins. Le danger vient d’une majorité de la population qui normalement devrait sauter de joie, comme le cabri qui se rend au barbecue et qui dans ses violentes manifestations revendique un message social. Les affrontements sont filmés et font le tour de la planète. De plus, certain quotidien et média ne se sont pas gênés de prétendre que le supporter brésilien pouvait devenir un « Ultra » violent et que l’on pouvait se ramasser une cuvette w.-c. sur le crâne à n’importe quel moment.
La série d’articles, consacrés à cette violence qui gangrène le sport brésilien, s’est donc normalement achevée par une manchette du Matin, qui informait les futurs fans ayant envie de faire le déplacement avec leur équipe nationale, qu’ils seront plus en sécurité dans les stades que dans les rues. C’est déplorable. Mais surtout, cela légitime la main mise de la FIFA qui transformera, pour un mois, des espaces publics en propriétés privées.

La FIFA n’est pas méchante. Comment le pourrait-elle, elle qui existe « For the Game. For the World » ?
C’est le message que veulent faire passer certains pontes de l’association tutélaire du foot mondial. Pourtant quand le plus d'un demi millions de visiteurs se pointeront, ils risquent fort d’être les témoins directs des violences commises par la police militaire défendant la fête des riches brésiliens contre les pauvres du Brésil. Si les touristes du foot ont cette réflexion dans l’esprit, quand ils seront coincé au nouveau terminal de l’aéroport ou au milieu de l’Amazonie à cause d’une grève, la FIFA va perdre de nombreux points, la Rousseff les prochaines élections ; les sponsors l’auront dans le baba et l’économie du pays va prendre une double gifle.

La FIFA se doit de réagir.
L’opinion publique d’une Europe bien pensante s’émeut du sort des miséreux qui vivent dans des favelas qui sont ‘’dératisées’’ au lance-flamme ? (Exagéré, le lance-flamme.)
La riposte fournit aux enfants d’autres favelas des appareils de photos pour qu’ils expriment au travers d’une série de clichés ce qu’est le futebol pour les enfants brésiliens, pour qu’ils immortalisent la passion du Brésil pour le football.
Les conditions sociales et le droit des travailleurs sont lamentables ?
Il se crée des logements style Bed & breakfast, en version favelas, pour le séjour des fans les plus téméraires et de nombreuses et nombreux brésilien-ne-s, sans formations pour la plupart, auraient trouvé la possibilité de suivre gratuitement des cours d’initiation à tout ce qui touche à la restauration et à l’accueil des visiteurs. Une formation ‘’sur le tas’’ qui ferait rêver quelques chanceuses qui se voient déjà ouvrir leur petit resto une fois le messe du foot terminée.
Sans oublier les prostituées qui ont reçu l’équivalent d’un peu moins de mille francs suisses chacune pour suivre des cours de langue. Pardon, d’Anglais.
Dans un pays où le salaire moyen est de moins de 400 francs et qu’un tiers de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, la nouvelle a été dure à avaler.
Ajoutez à cela l’« Official licensed stickers album », qu’une bonne majorité des enfants veulent remplir: Un truc à vignettes Panini qui, en page ‘’5’’ affiche une pub en trois passes : « Develop the game » ; Touch the world » et le merveilleux « Build a better future ».
Là-dessus les équipementiers sportifs y vont de leurs pubs ‘’magiques’’ et Coca nous fait sniffer sa dernière ligne avec son slogan : « Et si le monde ressemblait davantage à la Coupe du monde de la FIFA ? ». Pis quoi encore ?!? Y nous f’ront crier « MAXIMUS… MAXIMUS » dans 4 ans ?!?

A moins d’une semaine du début de la compétition, de nombreuses questions subsistent. Nous les connaissons, parce que les médias nous les ressassent régulièrement. Et même si Sepp Blatter, le seigneur de la FIFA, se veut encourageant, optimiste, quand il nous livre cette profonde observation : « Le football est plus fort que l’insatisfaction des gens », l’avenir, quant au bon déroulement des festivités, demeure encore incertain.
Et cette incertitude pousse la FIFA à nous rappeler que le gouvernement brésilien a reçu, en son temps, un ‘’cahier des charges’’, certes rigoureux,  mais qui n’imposait ‘’que’’ huit stades. Tandis que de son côté, Dilma Rousseff affûte ses réponses, en soulignant que si les stades ne sont pas finis, c’est parce que la FIFA ne lui en a pas donné les moyens.
A moins d’une semaine du début de la compétition, la Coupe du Monde de foot commence par un… ping-pong.

Nemo.

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