Moment figé dans l’éternité. Souvenir d’un instant de
bonheur, d’un moment de joie ; première échographie et souvenir d’un
défunt. Promesse de vacances ‘’réussies’’ et témoignage poignant d’un événement
‘’vécu’’.
L’image a toujours été un important ‘’outil’’ de
communication.
L’image se gravait, se peignait, se racontait. Aujourd’hui
elle se ‘’clique’’ et se commente.
Je poste mes ‘’images-de-moi-même’’ sur mon réseau social
pour les partager avec mes amis : cela m’évite d’attendre que les photos
soient développées, au retour du voyage, et de les trimbaler avec moi pour les
montrer physiquement à mes potes. Ou pire, de prévoir une soirée
‘’photo-potes’’ à la maison…
Il y a les images qui nous montrent ce à quoi nous devons
ressembler : comment il faudrait nous vêtir, comment nous parfumer,
comment nous nourrir, comment nous reproduire, etc.
Regardez ce que vous devez acheter pour que les autres vous
voient et faites tout plein d’autres ‘’images-de-vous-même’’ :
« Regâaardez-moi… !
Adorrrrez-moi… »
Je pourrais être une bimbo quelconque aux gros nichons, qui
fait le buzz planétaire parce que j’ai foutu une photo du cul de son chien sur
Instagram.
Je suis beau ! Mais je suis aussi intelligent et sensible.
Les belles images avec les belles paroles, les belles pensées, que j’affiche
(électroniquement) un peu partout en témoignent.
Je n’ai plus à réfléchir ; même pas à comprendre. Juste
savoir faire des recherches, savoir encore lire, un peu, et trouver le
‘’bouton’’ « Partager ».
L’informatique me permet de modifier n’importe quelle image.
On s’en fout des détails. Mais je peux photographier une maison, lui donner un
décor lunaire avec un ‘’levé de Terre’’ et mettre des pin-up Pirelli sur le perron en faisant
‘’causer’’ le chat siamois qui garde l’ide.
Je peux faire tout cela avec quelques connaissances
informatiques, mais serais-je capable de le dessiner, de le créer de toute
pièce, de le faire naître sous la mine de mon crayon gris ?
Nous sommes capable de ‘’reproduire’’ un amas de traits qui
ressemblera vaguement à quelque chose, une chose à laquelle nous donnerons un
nom. Mais nous ne sommes plus vraiment capable de créer quelque chose qui
sortirait tout droit de notre imaginaire.
Notre créativité est formatée par des règles et des dogmes
auxquels il ne faut pas toucher. Mais avant cela, les multiples écrans des
multimédias qui cernent l’enfant de toutes parts ont aussi leur part de
responsabilité dans l’annihilation de l’esprit créatif humain.
Voyez les dessins des enfants, à la rentrée de leur toute
première classe, voire la deuxième, puis comparez les. Vous trouverez, sans
trop de difficultés, les enfants qui ne passent pas leur temps avec un écran et
qui ont la chance que leurs parents racontent une histoire avant le ‘’dodo’’.
Une étude, assez récente et dont je en trouve plus la
référence, affirmait que l’esprit du spectateur adulte, qui se retrouve
entraîné dans une débauche d’effets spéciaux cinématographiques, réagissait de
manière identique à l’esprit d’un nourrisson, de quelques mois à peine, qui
commence à découvrir visuellement son ‘’monde’’.
L'étude démontrait que les enchaînements
successifs d’images colorées, auxquelles vous incorporez quelques flashes
lumineux, soutenus par une mélodie dont vous faites varier le l’intensité
musicale et sonore, ont quelque chose d’envoûtant, d’hypnotique.
Nos esprits, et l’esprit de nos enfants, n’ont plus besoin
de créer les images fantasmagoriques qui vont avec les histoires que
racontaient nos arrières grands-parents. Les contes modernisés s’en chargeront
avant qu’Hollywood et les médias ne prennent le relais.
Juste comme ça, en passant… Qu’avez-vous retenu, quelle
scène vous a ému dans le film Titanic
de James Cameron ?
Qu’importe les milliers de noyés du moment que l’Amour
triomphe ?
De 1993 à 2012, l’estimation à minima d’une hécatombe
ignorée, avançait un chiffre supérieur à 16'000 migrants morts aux portes
étanches de l’Union Européenne [Selon un
méticuleux travail d’Olivier Clochard, du laboratoire Migrinter à Poitiers].
Les trois-quarts engloutis dans la fosse commune de la Méditerranée.
En moyenne 1'778 personnes décédées par année. Cela ne
semble pas énorme, environ 4.5 x plus que les morts sur la route en Suisse.
Mais selon certains observateurs, ce chiffre serait à
multiplier par 3, voire 5, pour ces dernières années.
Les médias nous parlent de bateaux qui chavirent, de
centaines de disparus, hommes, femmes et enfants. Mais nous montrent presque
toujours des embarcations qui flottent encore. Quand ce n’est pas le cas, les
caméras filment des ‘’migrants’’ qui nagent, qui s’accrochent aux rochers pour
ne pas être emporté par la mer.
Lampeduza. L’Europe des politiques fait mine d’être
scandalisée. Plus jamais ça. Les marines nationales prennent le large pour
montrer à l’opinion publique qu’elle a le problème bien en main.
Mais, faute de budget, ces missions militaro humanitaires ne sont pas programmées
pour durer.
L’impuissante UE informelle se réunit. Prend des mesures.
Installe des ‘’centre de tri’’ pour réfugiés dans le sud de son territoire.
Là, le terme choque parce qu’il renvoie à ce ‘’passé’’ que l’on
ne cesse de nous re-commémorer. Par obligation.
Alors se noie, comme se sont
noyés avant lui des centaines d’enfants, le petit Aylan. A l’autre bout de la
Méditerranée…
Son inadmissible mort ne passe pas inaperçue. Un reporter est là, pour l'immortaliser. L'image fait le tour du monde, sans forcément que quelqu'un se sente être: "Aylan".
Maintenant, pour être sûr que tout le monde comprenne bien
le sens et la signification de ‘’la’’ photo, le reporter est invité sur les
plateau de télé pour recontextualiser son ‘’cliché’’.
L’Europe ne sait plus comment s’indigner. Alors elle part
sur la trace des migrants. Celles et ceux qui fuient les conflits et qui
espèrent re-trouver un peu de leur dignité au bout de la voie ferrée.
Le petit Aylan a eu ses funérailles.
Les médias nous
montrent alors les barbelés de la frontière Hongroise.
Il arrive même parfois que nos présentateurs télévisuels fétiches
nous avertissent, l’air grave que « Certaines
images peuvent heurter la sensibilité (…)».
Dès lors arrivons-nous encore à imaginer la réalité d’un
drame, quel qu’il soit, sans qu’une photo choc tape momentanément l’incruste
dans notre esprit, et nous horrifie ?
Et attention à ce qui nous horrifie, à l’insoutenabilité des
images que l’on nous propose. Des images qui sont visionnées et censurées avant
de nous être diffusées, afin qu’elles puissent être regardées par le plus grand
nombre. Et nous voilà horrifié alors que nous ne sommes même pas encore entré
dans l’antichambre de l’horreur.
L’Europe ne sait plus commet réagir. L’a-t-elle su un jour,
d’ailleurs ? Des groupes de bénévoles partent à la rencontre des migrants.
Là je ne parle pas d’ONG qui change de pays, mais de citoyens qui vont
accueillir les voyageurs de l’extrême à la gare du coin.
Vous souvenez-vous de l’expression hébétée de ces migrants
applaudis par une foule de bénévoles à leur arrivée dans je ne sais plus quelle
gare ?
On fête leur arrivée à coups de banderoles qui souhaitent la
‘’Bienvenue’’ ! Et nous les félicitons, pour avoir surmonté toutes ces
terribles épreuves qui ont jalonné son voyage…
C’est quoi la prochaine étape ? Une chaîne merdique de
téléréalité va sélectionner une cinquantaine de familles syriennes pour un
remake sordide de ‘’Pékin express’’,
avec comme récompense pour les dix premières familles arrivées à destination un
somptueux logement dans un container duplex, un chèque de 500 euros et un
contrat de travail à durée déterminée chez Amazon ?
Le migrant est devenu un outil médiatique, politique et
surtout économique.
La Suisse qui se pâme dans son ‘’excellence’’, manque
cruellement de main d’œuvre qualifiée. Une main d’œuvre qu’elle n’a plus le
temps de former face à l’immédiateté du besoin de croissance. Par chance pour l’économie
nationale, ces diplômés migrants auront des exigences salariales moins ‘’contraignantes’’
que l’étudiant AOC fraîchement récompensé pour ses années d’études acharnées.
Mme Merkel l’a parfaitement compris.
Dans l’espace du Grand
Marché Transtlantique qui se prépare silencieusement, l’arrivée ‘’massive’’ d’une
main d’œuvre, qui sera peu regardante de ses futures conditions travail, est
une aubaine économique pour les futures signataires des accords TAFTA-TTIP.
Des accords qui vont méchamment mettre à mal le quotidien
économique de plus d’un milliard d’individus. Européens.
Nemo.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire