L’Overshoot Day, le jour où nous avons consommé les
ressources que la Terre peut produire en une année, arrive de plus en plus tôt.
Pour y parvenir, en plus de nos appétits dévastateurs, nous
jetons chaque année plus de 1,5 milliards de tonnes de nourriture, soit un
tiers de la production alimentaire globale qui est destinée à notre
alimentation.
Un quart des aliments produits sont jetés sans même avoir
été consommés, alors que14% de la population mondiale est sous alimentée – 526
millions de personnes en Asie.
Le coût financier
direct de ce gâchis planétaire est évalué à 750 milliards de dollars.
[750'000'000'000 dollars. En francs Suisse ça fait en
gros : 675 milliards de francs. C’est impossible à ‘’visualiser’’. Si je
touchais un salaire mensuel de 5'000 francs, je devrais bosser pendant 11.25
millions d’années avant de pouvoir atteindre un tel montant. Sans avoir tenu
compte du treizième salaire.]
Dans la belle UE : Près de 90 millions de tonnes de
déchets alimentaires sont produits annuellement – soit 180 kilos de denrées
gaspillées par personne. Selon les estimations, ce volume pourrait s’élever à
120 millions de tonnes en 2020.
En France. « Plus
de 7 millions de tonnes de nourriture jetée par année. Un tiers encore emballé. »
Ce gaspillage est principalement le fait des ménages
(environ 70%).
"La grande
distribution est responsable de la perte annuelle de plus de 2 millions de
tonnes d’aliments."
On peut aisément taper sur la tête des consommateurs en
oubliant que les Super-hypermarchés attirent leur clientèle avec des prix trop
bas pour être honnêtes ou en proposant des offres ‘’multipack’’, genre 3 pour
2, de denrées alimentaires. Tout ça pour nous encourager à la cuisine à outrance,
à préparer plus qu’il n’en faut et mettre les in-consommés à la poubelle.
La planète a produit
308,5 millions de tonnes de viande en 2013 (67.7 tonnes de bœuf, 107 tonnes de
volailles, 114 tonnes de porc…) Une production qui nécessite un détournement
de 40% de la production agricole pour l’élevage.
D’un point de vue mondial, selon la base de données de la
FAO, l’affectation des terres agricoles mondiales en 2012 ressemblait un peu à
cela :
Sur les 4,81 milliards d’hectares disponibles sur la surface de
notre globe, 3,4 servent aux pâturage, dont 0,85 sont des sols dégradés.
Les
1.41 milliards d’hectares restants, définis en terres arables, sont à partager
entre les sols à fourrage (0.5) et ce qui reste de disponible pour
l’alimentation humaine (0.91). Une part que l’humain concède à l’horticulture,
aux agrocarburants, etc.
Mais il n’y a pas que la terre que nous dégradons et de la
viande que nous surconsommons.
80% du produit de la pêche finit dans l’assiette des pays
dit riches. L’accaparement de cette ressource, dont nous n’avons pas un besoin
vital, participe à l’épuisement des ressources marines. Et désolé de dire ça,
mais la destruction du milieu aquatique n’est plus un fantasme d’écolo.
La brutale disparition de la morue des Grands Bancs de
Terre-Neuve, à la fin du XXe siècle, et que personne n’avait prévue, a été un
avertissement planétaire. Victime d’une surpêche devenue industrielle, ce grand
poisson d’eau froide n’est jamais revenu dans les eaux de Terre-Neuve, malgré
le moratoire décidé par le gouvernement Canadien en 1992.
Entre 1992 et 2012, la
biomasse du chinchard a chuté de 30 millions de tonnes à trois millions dans le
Pacifique sud. Sur la même période, la population de mérous a diminué de plus
de 80% en Afrique de l’Ouest.
Le continent Africain, déjà aux mains de ses colonisateurs
qui se chamaillent les terres agricoles disponibles – chaque année des millions d’hectares de surfaces agricoles sont achetés
par des multinationales ou des hommes d’affaires étrangers, voit ses
ressources halieutiques disparaître dans le sillage des chalutiers européens,
russes, sud-coréens, japonais, et maintenant chinois.
Des acteurs économiques
qui viennent concurrencer déloyalement la pêche artisanale, mettant ainsi
« directement en danger
l’autosuffisance alimentaire des pays tiers ».
Il est possible de mettre l’accent sur la présence chinoise
dans les eaux tropicales au large de l’Afrique, mais c’est bien l’Union
européenne qui, en 2012, « disposait
en effet du plus grand territoire maritime de la planète, d’environ cent
quarante mille pêcheurs en équivalent temps plein, d’une flotte de plus de
huitante cinq mille navires et d’un million d’emplois à terre dans les filières
halieutiques. »
Résultat ? 88% des réserves marines communautaires sont
surexploitées. Contre 25% au niveau mondial. Les eaux bleues qui ceignent la
belle Union européenne, et accueillent tant de touristes irrespectueux de leur
environnement, ne seront plus qu’aptes à accueillir des organismes anaérobies.
Comme c’est le cas en Mer du Nord.
Surpêche, destruction des biotopes, pollutions ont détruit
nos propres réserves. Qu’à cela ne tiennent ! Nous irons piller celles des
autres.
« Le poisson
constitue un apport hautement nutritif, riche en acides gras essentiels, et
contribue de ce fait à près de 50% de la ration protéique animale dans de
nombreux pays du Sud : Bangladesh, Gambie, Sénégal, Somalie, Sierra
Léone… » Le poisson a même constitué une ressource alimentaire de
secours pendant les épisodes de sècheresse (Somalie 1974 et 1975).
Une denrée de "secours" que nous ne cessons de leur retirer pour
satisfaire des besoins induits par les économistes industriels.
En Europe, en 2012, près de 80% des
subventions ont profité au modèle de pêche le plus destructeur de ressources,
le plus consommateur d’énergie et le moins productif.
La surpêche en plus de contribuer à la famine dans certaine
partie du monde, contribue à la destruction de l’environnement aquatique.
Celui qui n’est jamais monté sur un
chalutier n’imagine pas la masse de poissons, de crustacés et de petits requins
sans vie mis de côté sur le pont pour être ensuite rejetés par-dessus bord.
Pour trois poissons pêchés,
deux sont rejetés sans vie à la mer. En 2012, le chalut, l’engin le plus
utilisé dans le monde sous l’impulsion du marché et des subventions, était
responsable à lui seul de 72% de ces rejets.
Ces rejets répétitifs s’ajoutent aux milliards d’objets
plastiques qui détruisent la vie aquatique, qui s’ajoute aux millions de corps
en décomposition, qui s’ajoute vestiges sous-marins des conflits mondiaux, qui
s’ajoute aux saloperies de l’industrie pharmaceutique déversées dans les
fleuves, qui s’ajoute aux engrais et autres pesticides rejetés dans ces mêmes
fleuves, qui s’ajoute aux rejets sauvages de la pétrochimie ou les catastrophes
maritimes, qui s’ajoute aux déchets radioactifs qui ne finiront jamais de
mourir dans le fond de nos océans.
Depuis des siècles, l’humain prend ses cours d’eau, ses mers
et océans pour la poubelle du monde.
Un Res omnis est,
ce que les Romains appelaient, un bien qui appartient à tous.
Le contenu des
mers et océans appartient à tous. Ce qui sort de la Terre appartient à tous. La
Terre appartient à l’Humanité dans sa définition de famille humaine et non pas
à une portion d’humanité qui veut privatiser ce qu’elle ne peut créer et ainsi
contrôler l’accès aux ressources que la Vie elle-même a généreusement mise à
notre disposition.
Nous sommes
devenus, nous humains, au fil des siècles une force géologique qui ne tient
plus compte des Lois de la Nature. Affranchis des contraintes qui nous liaient
à notre Terre, nous nous sommes dé-solidarisés des autres représentants de
cette ‘’famille humaine’’ pour imposer avec arrogance et mépris, envers les
plus fragiles et les moins chanceux, la définition de l’Humanité dans ce qu’elle
a de supérieur dans l’aboutissement de son développement, voire d’absolu.
Ainsi nous
nous sommes également déresponsabilisés du sort de milliards d’individus,
membres à part entière de la famille Humaine.
Nous avons tant bafoué leur droit
à l’égalité, qu’aujourd’hui l’Equité s’impose comme un devoir.
Pour le
salut de nos descendants, pour notre biosphère et pour la pérennisation de la
famille Humaine, nous avons besoin que la vieille génération actuelle re-prenne
conscience de sa vulnérabilité afin de permettre à la première génération qui
nous remplacera de ne pas voir son destin lui échapper.
Qui peut
prétendre vivre en paix et aspirer à la liberté en s’accommodant de la
combinaison des catastrophes humaines et des catastrophes
environnementales ; ou tant que certaines personnes ne seront pas
considérées avec la même valeur que d’autres hommes ou femmes sur terre ?
Humilité,
modération et solidarité. Trois mots clés pour permettre à la famille Humaine
de s’élever avec dignité pour suivre, en toute conscience, le chemin de la
Création.
Nemo.
A lire : Manière de voir N° 142, Ce que manger veut dire. Qui a servit de fil rouge à ces quelques
lignes.
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