dimanche 19 juillet 2015

Haro sur les faibles.

Nous n’avons pu échapper au psychodrame économique et social qui se déroule en Grèce, et qui n’est de loin pas fini. Nous prouvant, une fois de plus, que la volonté d’un peuple ne pèse pas lourd dans la balance de l’économie financière internationale.
L’ironie, si l’on peut se permettre d’utiliser ce terme, veut que deux milles cinq ans après que des personnalités célèbres, mais rarement célébrées, se soient battues pour abolir l’esclavage pour de l’argent, c’est tout un peuple Grec, ou presque, qui se retrouve écrasé, bafoué, humilié à cause d’une dette.

Le cas Grec, même s’il m’attriste, n’occupe pas mon esprit aujourd'hui parce que le harcèlement des soit disant grands, des ‘’dirigeants’’, sur les maillons les plus faibles de l’économie n’est pas une spécialité made in FMI ou BCE. Cette volonté d’écraser celles et ceux qui représentent un fardeau dans l’économie néolibérale s’applique sans retenue à chaque niveau de l’échelle sociale. D’un Etat au citoyen lambda.

Si le surendettement programmé d’un Etat est une honte ‘’continentale’’, qui permet à d’ignobles chacals de s’enrichir à mesure que des populations entières plongent dans la misère, le fait de ‘’devoir des thunes’’ à une quelconque entité financière demeure le meilleur moyen de pression sur la masse populaire pour obtenir de celle-ci qu’elle se tue au taf sans trop remettre en question des conditions de travail qui se dégradent au fil des années.

Parce que dans l’esprit de beaucoup, être en retard dans le paiement de son loyer, de sa facture d’électricité ou de téléphone, de sa prime d’assurance maladie (qui est promise à de nouvelles augmentations) et de la mensualité du leasing d’un véhicule trop souvent inadapté aux besoins réels de son utilisateur, des retards qui promettent l’entrée en action d’un Office des poursuites et faillites, l’emportent sur notre volonté de remplir un frigo d’aliments sain pour notre organisme.

Pourtant, et même si dans l’esprit collectif populaire l’inscription au dit Office des poursuites s’est ‘’démocratisé’’, l’Etat, quelle que soit son importance – communal, cantonale ou national, encouragé par les pontes de l’économie néolibérales, n’accepte pas de considérer de manière égale un ‘’débiteur’’ et un ‘’créancier’’. Le dernier ayant, en exagérant un peu, un pouvoir de vie ou de mort sur le premier.

Une inscription à l’Office des poursuites rend impossible l’accès au moindre leasing ou emprunt bancaire, même vis-à-vis des organismes dit ‘’solidaires’’. Ce qui en soit n’est pas n’est pas vraiment un ‘’mal’’. Forcée de faire des économies, la personne concernée freinera en premier lieu ses dépenses compulsives et, en parvenant à ‘’payer cash’’ ses modestes achats, elle ne financera pas les organismes spécialisés dans l’endettement des particuliers.
Ce qui nous renvoie au principe de base de la toute première leçon d’économie que l’on nous a donné : « Tu mets des sous de côté et après tu t’achètes ce dont tu as envie. » Avec le petit conseil qui dit : « Ne dépense que le moitié de l’argent que tu as à disposition. Garde le reste pour les imprévus… »

Les opérateurs de téléphonie l’ont bien compris. Si dans leurs conditions générales un trop grand et trop important retard dans le paiement des factures de téléphone peut entraîner la mise hors service de la ’’ligne’’ ; Si une dette, auprès de ces mêmes opérateurs, est inscrite à l’O.P. empêche de fait l’accès à tout nouvel abonnement fixe ou mobile. Ces sociétés, qui vivent de nos communications et qui ont besoin que nous continuions à nous appeler les uns les autres, ont donc inventés les cartes prépayées. Comme ça elles continuent à nous piquer du fric tout en nous tenant à l’écart de leurs offres ‘’généreuses’’.
Maigres consolations qui ne compenseront de loin pas les difficultés que rencontreront les détenteurs d’un compte O.P. dans leur recherche d’un logement correct.

Il y a une trentaine d’années, une inscription à l’Office des poursuites était ‘’accidentel’’. Des cas qui pouvaient se régler dans les 48 heures. Il y avait du taf pour tout le monde, et les jobs étaient bien payés.
Les pères divorcés avec pensions multiples étaient assez plébiscités par les employeurs potentiels, parce que plus susceptibles de faire des heures sup’ afin de pouvoir régler leur dette mensuelle à leur sangsue de femme, rubis sur l’ongle.
Après, les choses ont commencé à se gâter, et aujourd’hui ce ne sont plus les ‘’patrons’’ qui cherchent des employés, mais l’inverse. Ce qui fait que les critères de sélections se durcissent, et que pour bientôt n’importe quel job, il faut arriver avec un extrait de l’Office des poursuites vierge.
Même si le R.H. en face de vous prétend que le fait de ne pas avoir fini de payer le vélo d’appartement ne l’influencera pas dans sa décision finale.

Chez Denner, par exemple, le moindre commandement de payer met en danger la place du collaborateur. Non pas parce qu’il serait un mauvais payeur, mais plutôt parce que aux yeux de son employeur, le collaborateur concerné devient un voleur potentiel. Et cette réflexion n’est pas uniquement dans l’esprit des dirigeants du discounter national. Elle se retrouve dans la pensée de chaque gérant de grandes surfaces commerciales. Plus fort, elle vient même de faire son apparition dans le raisonnement de la Police du commerce qui délivre des autorisations de taxi.
Etre endetté fait de toi un voleur. Bel amalgame....

S’il existe quand même des critères de tolérance, de la part des employeurs, envers les mauvais payeurs. Il est des institutions auxquelles il ne faut pas devoir le moindre centime.
Il y a quelques années nous entendions fréquemment. « Comment un type qui ne paie pas ses impôts peut travailler ici ? »
Après le long débat, qui n’est pas terminé, sur les allègements fiscaux concédés aux riches, les critères d’endettement acceptable pour les employeurs ont changé et se sont focalisés sur l’acquittement périodique des cotisations sociales, cotisation AVS plus précisément.

Cela fait huit ans qu’un certain conseiller fédéral a tiré la sonnette d’alarme sur l’état précaire des finances de l’AVS et ce n’est que récemment qu’il a été décidé d’empoigner le taureau par les cornes. On laisse pourrir une situation et on prend des décisions d’urgences. Aucune anticipation sur le long terme. Bref.

Le problème des cotisations sociales ne se pose pas pour les employés - excepté pour celles et ceux qui bossent dans une entreprise qui veut à tout prix faire baisser les "coûts" du travail, mais touche de plein fouet les petits indépendants. Ceux qui n’ont pas les moyens de S.à.réliser leur entreprise inscrite en raison individuelle.

Pour compliquer la chose, l’AVS n’est pas à jour dans ses décomptes. Ce qui fait que le petit indépendant, qui réussit péniblement à joindre les deux bouts, peut se retrouver dans une situation très délicate quand l’AVS lui fait parvenir un décompte final qui porte sur quatre ou cinq ans auparavant, et que cette même institution lui réclame un montant excédant les mille francs avec, petite cerise sur le gâteau, des intérêts moratoires… L’AVS prend du retard, c’est l’affilié qui paie !

Si ‘’l’affilié’’ a un enfant à charge et pensions alimentaires à verser, c’est la quadrature du cercle et des choix s’imposent forcément.
Comme celui de payer le loyer, remplir le frigo, payer le téléphone pour rester en contact avec ses clients, mettre de l’essence dans son véhicule pour continuer son taf et s’assurer que le salaire et les cotis de l’employé soient à jour. Ce qui laisse peu d’amplitude pour le reste.

Concrètement, c’est l’histoire d’un petit chauffeur de taxi qui était sur le point de trouver des solutions pour amortir un retard pris auprès de certaine institution et qui, grâce à l’intervention de l’Office des poursuites auprès de son principal client, a perdu, du jour au lendemain 90% de ses revenus.
Parce que, pour le ‘’client’’ en question, même si la situation personnelle (connue) du collaborateur externe est très difficile, et que ce même collaborateur se soit acquitté des versements obligatoire vis-à-vis de ses employés ; l’honorabilité du collaborateur est remise en cause parce que ce dernier a mal géré sa situation personnelle. Et qu’il n’est pas question de financer une personne qui doit le moindre centime à l’Etat.

J’ai pu suivre, parfois de près, le parcours privé et professionnel de la personne en question.
Au printemps de cette année, il a enfin pu acheter une chambre digne de son petit bout d’homme qui vit chez lui une semaine sur deux et faire l’acquisition d’un nouveau canapé (l’ancien était vraiment pourri – sorry).
Il avait même repris contact avec l’AVS pour trouver une solution qui lui aurait permis amortir son retard.
Malheureusement pour lui, son véhicule principal l’a lâché et il a du trouver des solutions de secours pour continuer à être à l’heure à ses rendez-vous du matin, pour que les enfants arrivent à l’heure à l’école et puissent rentrer à la maison le soir.
Malheureusement pour lui, aucune des solutions qu’il a trouvé n’étaient gratuites et l’argent destiné, en partie au remboursement de son AVS, est parti dans le dédommagement de ses collègues et la location d’un véhicule lui permettant d’assumer la plus grosse charge de travail. Tout cela en vain.

La réflexion que j’ai partagée avec mon pote demandait :
« Quelle société a fait faillite parce que tu as pris un retard, certes conséquent, dans le paiement de certaine factures ? Quel-le employé-e a perdu son taf à cause de ce même retard ? »

Haro sur les faibles, titrais-je.
(… et les emmerdes ne font que recommencer…)

Nemo.

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