dimanche 30 novembre 2014

Libéré de la bête, dompté par l'homme.

De tous les prédateurs recensés sur terre, l’homme est certainement le plus lent et le moins bien équipé, physiquement parlant. Pourtant nous sommes devenu l’espèce dominante sur cette planète.
Sapiens, grâce à son intelligence, son ingéniosité, sa faculté à reproduire artificiellement des phénomènes naturels qu’il a pu observer, trône presque au sommet de la pyramide alimentaire.
Par sa créativité l’homme est parvenu a sécurisé son habitat. Ce qui fait que ses ‘’petits’’ n’ont plus besoin d’avoir, comme premiers réflexes après leur naissance, celui de s’agripper fermement à leur mère ou de savoir marcher, puis courir, rapidement pour garantir leur survie.

De longues périodes d’observations nous ont permis de découvrir, de comprendre et prendre conscience de notre environnement proche, puis terrestre, avant que les bafouillements de la découverte spatiale ne nous renvoient à notre dimension de picobactéries arrogantes et prétentieuses.
Les multiples progrès réalisés par l’homme, dans tous les domaines sur lesquels il s’est penché, nous ont permis de repousser les limites de notre survie, sans toutefois parvenir à enfreindre les lois qui définissent le processus de ‘’création’’ de la Vie ainsi que notre mort.

Du coup, l’homme est-il encore un animal, dans le sens qu’il ne réagit plus instinctivement aux événements, qu’il n’a plus vraiment à subir son environnement, qu’il est capable de reproduire artificiellement le processus de la vie et qu’il est capable, en théorie, de créer des conditions de vie permettant à l’homme de s’installer sur Mars, ou encore de détruire volontairement sa biosphère ?Sommes-nous encore des animaux alors qu’au fil de notre histoire, de notre mythologie, nous avons fini par vaincre, sans forcément nous en débarrasser, cette animalité qui nous hante ?

Quand je pose cette question autour de moi : « Es-tu un animal ? », la majorité des personnes me répondent que l’homme est pire qu’un animal. Ce qui en soit est vrai, puisque aucunes créatures vivantes ne détruit volontairement son habitat ou n’exterminent ses congénères pour des raisons politico-religieuses. Mais le fait de répondre à la question d’une manière générale évite, dans un premier temps, à la personne interrogée de répondre pour elle-même.

L’homme, ou la femme, croyant-e refuse toutes filiations avec le règne animal. L’Homme est une créature élue qui se place au-dessus de tout ce qu’il y a de vivant sur notre globe. Pour les autres, les avis se partagent entre ceux qui admettent timidement une descendance avec une espèce de singe disparue et ceux qui voudraient soumettre des nouveaux-nés à des examens génétiques avant de les catégoriser dans le genre ‘’Humain’’ ; il y a aussi celles et ceux qui demandent à leur ego de fournir des justifications intelligentes pour être autre chose que ce que la biologie leur montre.

Pourtant, tous autant que nous sommes, nous acceptons parfois la comparaison lorsqu’elle est flatteuse, qu’elle se réfère à la force, à la puissance, à l’ardeur d’un animal.
Pourtant, étant enfants, nous avons grandi avec les Fables de La Fontaine et au milieu d’expressions devenues familières valorisant un comportement animal que l’homme se serait réapproprié.
« Etre malin comme un singe » pour deviner qu’il y a « anguille sous roche » ; « Etre à l’aise comme un poisson dans l’eau » ; faire le paon pour séduire sa belle et avoir une mine de cocker quand ça fini mal. L’homme qui se fait « tondre comme un mouton », devient une « vache à lait » dès qu’il s’installe au volant de sa voiture. Allez, versons  « une larme de crocodile ». Requin, chacal, vautour, renard, baleine, thon, faucon, crapaud, étalon, porc, cochon, biche, lion, lynx, etc… trouvent une place dans la métaphore humaine.
L’art de la chasse est copié sur celle des loups et les art martiaux ont puisé dans l’imagerie animale pour différencier leurs techniques : singe, tigre, cobra, dragon, mante religieuse… Même le paresseux a eu son moment de gloire avec le Taï-Chi.
Plus d’une personne pourront dire que ce bestiaire de la métaphore n’alimente que du verbiage familier et populaire, que l’homme savant (Sapiens) est au-dessus de tout cela et n’a pas besoin de souvenirs animaliers pour se définir. Soit.

Retour au gymnase, dans les premiers cours donnés aux téméraires qui font ‘’psycho’’. Il y a l’étude de l’expérience de Pavlov, qui récoltait de la bave de chien, pour comparer celle d’un chien affamé à celle d’un autre canidé normalement nourri ; il y a aussi un cours autour d’une étude de Skinner qui reliait des rats à un circuit électrifié : les pauvres rongeurs branchés devaient ‘’trouver’’ et appuyer sur le bon bouton pour interrompre le courant...
Le travail écrit proposé aux gymnasiens, qui a suivi ces périodes d’études, portait non pas sur les deux expériences citées, mais sur l’influence des cartes de fidélité sur les consommateurs.
Carte de fidélité qui récompense son détenteur pour ne pas s’être trompé d’enseigne lumineuse.
L’Homme n’est pas un animal, mais il se laisse dompter de la même manière : par la récompense. Et le plus humiliant dans cela, c’est qu’il ne cède pas sous la menace de coups ou de chocs électriques, mais pour de l’argent.

Confucius avait écrit une pensée du style : Si un homme à faim, ne lui donne pas un poisson, donne-lui une canne à pêche.
Benjamin Franklin, un des pères de la Constitution Américaine, écrivait en 1776 : « Plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d’eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. Au contraire, moins on en fait pour eux, plus ils font pour eux-mêmes, et mieux ils se tirent d’affaire. »
Une réflexion motivera tous les égards des gardiens de la science libérale, envers les pauvres Anglais, en 1834, aux débuts de la révolution industrielle, quand William Townsend, suite à une expérience menée sur des chèvres et des chiens dans île du Pacifique, conclut que « La faim apprivoisera les animaux les plus féroces, elle apprendra la décence et la docilité, l’obéissance et la sujétion aux plus pervers. »
Quant au personnel ‘’masterisé’’ de divers organismes officiels du XXIe siècle, oeuvrant dans le domaine social, ils leur arrivent, en confidence, de lâcher que « pour attirer les gens, il faut leur donner à manger. »

Konrad Lorenz, Desmond Morris ou encore Boris Cyrulnik après avoir étudié l’éthologie, qui parle de l’étude du comportement des animaux dans leur habitat naturel, se sont permis des parallèles avec nos comportements humains au niveau tant social que familial.
Mais voilà, nous voulons toujours pas n’être que de stupides singes.
Si l’éthologie ne peut pas s’appliquer aux humains, sous cette définition, l’idée en soi a séduit plus d’un psychanalistes. Des psys qui ont entrepris de mélanger tous les ingrédients qui épices notre quotidien (famille, travail, intégration sociale, us et coutumes) pour tenter d’en extraire une explication logique qui expliquerait le comment du pourquoi de blessures profondes, de notre impossibilité à faire confiance ou encore une infidélité chronique, et d’appeler cela : la thérapie systémique.
Heureusement, aucuns de ces docteurs de l’esprit torturé ne se tournent vers de simiesques comportements pour expliquer nos ‘’troubles’’ légers. Ouf.

Ils se réfèrent à des travaux d’expérimentations ou d’observations sur des amibes unicellulaire ou le travail de Grégory Bateson qui a observé les fêlures d’une vitre heurtée par une pierre pour tenter d’expliquer le hasard; les observations de Grassé, reprises par Ilya Prigorine, sur la construction des termitières ; les travaux de S. Frenck et H. R. Maturana sur la rotation de l’œil de la salamandre ou de la grenouille ou encore les recherches sur la vision des pigeons qui concluront sur la ‘’fermeture’’ de notre système nerveux, chez nous les humains.
Quand ce n’est pas la thermodynamique des fluides qui explique les différences entre les systèmes thérapeutiques « ouverts à l’équilibre ou les systèmes ouverts à l’écart de l’équilibre. »
Une approche liquide des interactions humaines qui, mélangée au travail de Bateson, entre autre, ou encore a un concept de ‘’feed-back évolutif’’, a permis d’étudier « un modèle mathématique élaboré à partir d’une transaction familiale répétitive. »
[Mony Elkaïm, « Si tu m’aimes, ne m’aime pas. »]

Malgré cela la démarche de M. Elkaïm, telle que je l’ai comprise en parcourant son livre, cherche à offrir aux ‘’patients’’, venant le consulter pour des problèmes de couples ou familiaux, une réponse différente que celle de la psychologie classique qui catégorise ses ‘’sujets’’. La thérapie systémique veut laisser une chance à l’humain d’être autre chose que la résonance d’un héritage génético-historique.
Je dirais, en parfait ignare, que les travaux de M. Elkaïm pourraient s’inscrire dans la continuité de ceux de B. Cyrulnik psychologue qui, ayant marre de bourrer ses patients de psychotropes et autres substances chimiques, chercha, avec succès dans l’éthologie, des réponses permettant de mettre un nom et une explication sur les souffrances de ses patients.

Pour en finir, je repense à l’animalité de l’homme. Une animalité qui ne devrait être qu’un lointain souvenir, tant notre intelligence et notre inventivité nous ont permis de flirter avec les lois de la Nature.
Nous nous sommes redressés et nous avons appris à nous protéger des colères de la Nature.
Nous avons observé ce monde avec un regard nouveau et nous en avons percé quelques mystères. Nous avons compris les liens qui unissaient chaque créature terrestre aux autres mais nous n’avons pas encore pris conscience de notre place dans ce grand Tout.
Mais l’animal, soumis aux lois de la Nature, est encore là, quelque part.
Alors nous gesticulons, pour lui échapper ; nous vociférons, notre humanité ; nous légiférons pour le dompter. Mais nous ne pouvons échapper à la logique, aux lois qui le contraignent.
Le ‘’Nous sommes trop nombreux’’ se heurte à notre respect du droit à la Vie de notre prochain, fusse-t-il notre ennemi. L’éradication du plus faible, que prône l’autorité libérale ne nous convainc pas, parce que bien qu’inscrite dans nos gènes, elle ne l’est pas dans nos comportements ancestraux.

L’empathie, la solidarité, le partage, le respect de notre prochain, l’amour de la Vie et des vivants, l’envie de sympathie sont les cadeaux que la Nature nous a offert en nous permettant la bipédie.
Nous serons toujours moins près des nuages que la girafe, mais ce que notre esprit est capable de concevoir, dans les mondes réels ou imaginaires, nous élève bien au-dessus des magnifiques créatures qui recouvrent la surface de la Terre de nos enfants.
Ajoutez à cela notre notion du beau en tant qu’observateur ou créateur et vous obtenez une entité promise au meilleur, capable du meilleur, mais qui se laisse renvoyer dans la fange primordiale. Quel dommage.
Je peux deviner les pensées sarcastiques des amnésiques émotionnels qui lanceraient que nous ne vivons pas « dans le monde des Bisounours ».
C'est vrai. Mais notre monde est plus beau.
Et à toutes ces personnes, tous ces animaux domptés pour mouvoir la charrue du PIB, je dirais: Souvenez-vous de votre naissance ; souvenez-vous de la ‘’chaleur’’ ressentie lors du premier sourire que vous avez reçu et de cette attention que l’on vous portait ; souvenez-vous du réconfort dans les bras de vos parents, quand votre tête reposait sur le buste de celle ou celui qui vous portait, et que les battements de son cœur vous apaisaient.
Pour protéger celles et ceux que l’homme a appris à aimer, il a sécurisé son habitat. Ce qui fait que sa descendance n’a plus besoin d’avoir, comme premiers réflexes après sa naissance, celui de s’agripper fermement à sa mère ou de savoir marcher, puis courir, rapidement pour garantir sa survie.
Alors souvenez-vous que c’est dans des sentiments d’Amour que vous avez débuté votre développement, votre vie.

Nemo.

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