mardi 9 avril 2013

Pov' con-sommateur.

Il paraît que nous, les Suisses, aurions dépensé près de 9 milliards de francs dans diverses emplettes effectuées à l’étranger, dont 4,5 milliards dans les supermarchés frontaliers, le fameux tourisme d’achat. Le solde étant le montant dépensé par les Helvètes en mode vacances (souvenirs de vacances, bibelots inutiles, habits d’été pour madame, les enfants et monsieur, tongues, etc…)
Donc, quelques 8,3 milliards de francs forts (8,9 en y incluant les achats par internet) qui, par rapport au chiffre global de la vente de détail en Suisse représente 10% de capital, sont allés gonfler les chiffres d’affaires d’enseignes de la grandes distribution étrangères. Un sérieux manque à gagner que ne se partagent pas les actionnaires et autres directoires helvétiques. Sniff…. pour eux.

Ce sont les chiffres qui ont été présentés au grand public par l’institut GfK, et Darius Rochebin dans le 19:30 de ce 5 avril. Des chiffres qui correspondent à quelques décimales près, à ceux que le même institut évoquait en août 2012, et que les douaniers helvétiques confirmaient sans peine, parlant même d’une croissance  à deux chiffres (en pourcent, bien sûr) du tourisme d’achat.
A cette époque (fin été 2012), la Communauté d’intérêt du commerce de détail Suisse, dont fait entre autre partie Migros, Coop et Manor, avait mis au placard l’idée d’une campagne de pub conjointe pour tenter de ramener les consommateurs fugueurs dans leurs saintes échoppes, avant de commanditer, en insistant un peu plus dans les détails, cette fameuse étude dans l’espoir d’infléchir les politiques suisses pour obtenir une prolongation des heures d’ouverture des magasins et/ou une baisse de la TVA sur certains produits.
Pas besoin d’onéreux affichages en septembre (2012), les médias audiovisuels seront présents (presque) gratuitement au printemps prochain. « Presque », parce qu’il faut bien prévoir le petit apéritif et l’after-work, pour faire bonne présentation…

Ces 8,3 milliards de francs représenteraient, en moyenne journalière par habitant, quelque chose de l’ordre de fr : 2,75 francs par tête de pipe ; vu qu’un Suisse sur quatre pratique le tourisme d’achat, on peut dire que ces braves traîtres au PIB Suisse donneraient 11 francs quotidiennement aux européens parce que les prix pratiqués en Suisse sont trop élevés pour de plus en plus de consommateurs.
Mais ne culpabilisez pas modestes consommateurs helvétiques, le tourisme d’achat existe aussi entre la France et l’Allemagne.
En août 2012, dans l’édition du 18 du 24 Heures, Kaspar Engeli, directeur de Commerce suisse, et opposant à la révision de la loi sur les cartels, disait :
« Les différences de prix qui subsistent entre la Suisse et l’étranger peuvent être saines et normales».
Saines peut-être parce qu’elles permettent encore de la concurrence entre les grands distributeurs (lol) ; et normales : parce que le niveau de vie en Suisse est élevé, et qu’il faut le maintenir. D’accord, mais pour qui ?
Cette année un membre PLR, et pas n’importe lequel, son président M. Philipp Müller défend les migrants de la superette : « Il faut considérer le tourisme d’achat dans le cadre des échanges globaux avec l’UE ». Alors, bon ou mauvais, le tourisme d’achat ?
Parce que si c’est bien de soigner le chiffre d’affaire des supermarchés frontaliers, pourquoi montrer du doigt les ambassadeurs de la dépense pour réclamer des ouvertures prolongées des magasins Suisses et une baisse de la TVA sur certains produits ?
Une baisse de la TVA rendra-t-elle les produits vendus en Suisse concurrentiels avec la France ou l’Allemagne ? Bien sûr que non.
Est-ce que des magasins ouverts plus longtemps vont empêcher ceux qui doivent compter, avant de dépenser, de franchir la frontière ? J’en doute.
De l’autre côté de la longue chaîne de distribution, par contre, il n’est pas questions d’envisager la moindre baisse de la marge bénéficiaire que réalise, par exemple, la Migroche.

Des enseignes comme Aldi ou Lidl sont gentiment entrain de grignoter des consommateurs au discounter national (Denner), pour le plus grand malheur des gérantes qui doivent expliquer et justifier leurs baisses de C.A. ; mais là aussi c’est un leurre, parce que les économies que font les deux groupes allemands sont réalisés, en très grande partie, sur le dos du personnel.

Les stat’ prétendent que la Suisse compterait 10 % de pauvres. Mais nous sommes 25% de la population à courir après les bonnes affaires. Pour survivre.
Le groupe de distribution valaisan Magro qui n’a pas bénéficié d’un sursis concordataire, fermera ses onze supermarchés exploités en Suisse romande (Hyper Casino, Super Casino et Distrigros), mettant ainsi 300 personnes au chômage. Je n’ai jamais vu autant de monde sur le parking du Casino de Roche depuis cette annonce. Peut-être pour profiter des bonnes affaires, et multiples actions qui accompagnent les fermetures définitives. Les « fin de bail » ont autant d’attrait sur les clients que le miel en a sur les abeilles. Autant que la ruée sauvage sur les « Sales » ! Sorry, les soldes.

Et si tout ce remue ménage autour de nos magasins Swissmade n’avait pas pour but d’obtenir des ouvertures prolongées généralisées pour encourager et satisfaire le besoin de claquer du fric des riches touristes, et/ou des expatriés économiques des grandes sociétés multinationales qui sont incapables, comme leur personnel de maison, d’anticiper le moindre vide dans leur frigo, ou de repousser la partie de squash pour aller acheter le lait du petit dernier parce que madame ne pouvait pas déplacer son massage épilatoire aux pierres chaudes baignées dans l’huile de Jojoba ?

La Suisse est cher, le niveau de vie est cher, et cette cherté se justifie parfois aussi par une qualité supérieure, par la croyance que : plus c’est cher, meilleur c’est. Vous pouvez proposer deux produits identiques, vendus par deux vendeurs différents, mettre une cravate à l’un des deux en gonflant le prix de son produit de quelques francs. Si le client a les moyens, il achètera le plus cher des deux. Logique, non ?
De plus en plus de consommateurs se plaignent des différences de prix, suivant que vous payez en euro (à l’étranger) ou en francs suisses (ici). Les journaux sont régulièrement montrés du doigt.
Tous les deux mois, j’achète le « Manière de voir ». 8,50 euros en France, soit 10,30 francs et le bimensuel est vendu 13,80 francs. Trois francs cinquante pour traverser la frontière franco-suisse, alors que le voyage, entre la France et la Réunion, renchérira la même revue de 40 centimes d’euros. C’est cher le camion !

Chers Suisses, tous vos quotidiens romands que vous adorez tant, et qui sont menacés par Tamedia, coûtent moins chers en euro sur territoire helvétique. 15 centimes moins cher, si je calcule bien !
La presse écrite suisse doit être le seul et unique média au monde qui baisse ses prix à l’exportation !
Le parking à Clarens-Montreux coûte 1,20 francs par heure. Chers Suisses, si vous glissez une pièce de 1 euro dans l’horodateur, la machine vous l’encaissera à 1,40 francs et vous remerciera en vous accordant un boni de dix minutes de parking pour… 1,21 francs.

La Suisse est-elle gérée par des propriétaires d'exploitations agricoles qui ne pensent qu'à traire leurs concitoyens?

NEMo.

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