mercredi 9 décembre 2015

Pour Nous Rassurer (PNR)

Le hasard du calendrier fait bien les choses.
Le résultat du premier tour des régionales Françaises, qui a confirmé l’encrage du Front National dans le paysage politique Français, a occupé toutes les chaînes d’infos par le biais d’éditions spéciales qui ont cherché à expliquer la déconvenue des principaux partis qui, à force de se partager le pouvoir depuis si longtemps, n’ont peut-être plus le temps, ou l’envie, d’écouter les revendications de leur électorat.
Cette victoire historique de la clique à Marine a occulté l’événement majeur pour l’avenir de nos petits enfants : L’annonce du PNR européen, dans la première semaine de décembre, et la COP 21.

La COP 21, de son côté, avec son défilé de limousines blindées escortées de 4x4 tout aussi blindés, de dîner dans des restos hors de prix et de déclarations d’intentions orchestrées par les coups de marteau de Monsieur Fabius, a presque fait oublier que le territoire Français est en ‘’état d’urgence.’’ Presque... Parce qu'il est pour le moment interdit de manifester sur le territoire Français. Ce qui, du coup, a empêché les écolos et autres défenseurs de notre belle planète, de venir dire haut et fort tout le bien qu'ils pensent de notre société ultralibérale.
C'est qu'il faut rassurer le concitoyen. Ramener l'ordre dans les rues de Paris.
Alors, pour que « l’ordre juste », selon Ségolène Royal, s'établisse, une frange de la population résidente en France est soumise à des perquisitions administratives – qui bien souvent ne donnent aucun résultat ; que des personnes sont assignées à résidences – pour de bonnes raisons ; que le vide juridique permettant de légiférer efficacement contre le prêche via internet soit rapidement combler, avec son assortiment de sanctions appropriées ; que des mosquées soient fermées.
Des mesures légitimées par les actes que nous connaissons toutes et tous ; des mesures qui permettront à l’état de droit de triompher, parce que « la France est une référence en terme d’Etat de droit. » [Ségolène Royal sur iTélé le 17.11.2015]
Durant la même journée, et quelques dizaines de minutes avant les propos de Mme Royal, Monsieur Valls prononçait ses trois petites lettres : PNR, face aux caméras en expliquant les mesures décidées par son supérieur hiérarchique, Monsieur François Hollande, 24 heures plus tôt devant le congrès.

Tantôt chef de guerre, dans un discours que n’aurait pas renié Georges W. Bush, Hollande président annonçait la riposte, les représailles : « Nous sommes engagés dans une guerre contre le terrorisme, contre les djihadistes qui menacent le monde entier et pas seulement la France. » S’engageant, vis-à-vis de ses concitoyens à « mettre toute la puissance de l’Etat au service de [leur] protection » et précisant que « dans cette guerre qui a commencé, il y a de nombreuses années, l’ennemi n’est pas hors d’atteinte, pas insaisissable. »
Condamnant la Syrie – « devenue la plus grande fabrique de terroriste que le monde ait connu » au déluge de bombes.
Chef de guerre et rassembleur quand il parle de sa prochaine rencontre avec Messieurs Obama et Poutine ou qu’il fait allusion à l’article 42;7 du traité de l’Union européenne.
Tantôt humble et reconnaissant dans le témoignage de gratitude envers les secouristes et « le système de santé qui était préparé à ce genre de mission. » Parfois paternel dans l’évocation de la jeunesse des victimes. Sans oublier la fibre patriotique : « La France est une lumière pour l’humanité et quand elle est atteinte, c’est le monde entier qui se retrouve dans la pénombre. »
Tout y était pour que les Françaises et les Français perçoivent en leur président un père, un protecteur et le chef des armées. Gageons qu’il aura plus de moyens financiers pour aller combattre et détruire l’Etat islamique, que pour inverser la courbe du chômage.
Et c’est dans ce même discours que ces trois lettres : PNR, furent lâchées dans une de ses fins de phrases expirées dont les hommes politiques ont le secret.

Donc, qu’est-ce qu’un PNR ?
Indices : Ce n’est ni le Parti national rénovateur Portugais, ni un Parc naturel régional.
Le gouvernement britannique a débattu sur ce sujet il y a quoi, environs une année je dirais. Bien sûr, comme pour toute mise en œuvre d’un ‘’nouveau’’ système de surveillance, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Avant Paris, les initiatives visant à redonner de l’anonymat aux internautes étaient portées par un vent libertaire, si j’ose. Après, légitimement, les choses vont se compliquer. Comme la toute récente décision de supprimer le Wifi gratuit dans les lieux public.
Suite au reportage diffusé sur Euronews, concernant le PNR Anglais, j’ai fouiné sur le net en mode Google.ch
Un PNR, c’est un Programme National de Recherche. Affublez l’acronyme d’un numéro, PNR 74 par exemple, et vous obtenez un programme de recherche sur le ‘’système de santé’’ visant à soutenir la recherche innovante sur les services de santé, organisé par le FNS (Fonds national Suisse.)
Le même fonds (FNS) a financé, entres autres, le PNR 61 qui s’est penché sur la ‘’gestion durable de l’eau’’.
Le 69 fut nommé : Alimentation saine et production alimentaire durable, et le 34 traitait des ‘’médecines complémentaires’’.
Le PNR 703 est un écran LCD de Sharp et le PNR 820 SL un dégraissant industriel.
Rien de bien méchant à première vue.
Je change deux petites lettres à ma recherche, et m’oriente vers Goole.fr pour entrer dans le vif du sujet.

Pour Monsieur Hollande, et ses homologues européens, un PNR européen c’est bien l’équivalent moderne du programme FISA (Foreign Intelligence and Surveillance Act) américain, qui permettait de surveiller tous les échanges d’information et de données transitant par les ‘’clouds’’ et les réseaux sociaux, suites aux attentats de septembre 2001. Dans la foulée, Washington avait imposé à ses alliés des accords comme le PCSC (« Prevent and Combat Serious Crime ») qui introduisait un accès automatisé réciproque aux bases de données des polices sur le vieux continent.
Le PNR européen va aller plus loin, parce que se seront toutes les données informatisées contenues dans le monde virtuel qui seront réunies et compilées dans un seul et même service. Pour nous, en Suisse, cela équivaudrait à regrouper les données des assurances maladies, de l’office des poursuites, les casiers judiciaires et les informations recueillies par la police ou gendarmerie, ainsi que les informations laissées au ‘’Contrôle des habitants’’ et sur les réseaux sociaux dans un seul et unique ‘’service’’.
Voilà ce qu’ambitionnent les accrocs du tout sécuritaire qui fantasment sur un monde à la Minority report.

Alors oui, les récents et tragiques événements survenus en France encouragent cette réponse sécuritaire et soit-disant sécurisante. Mais je ne peux m’empêcher de penser, et de comparer ces mesures de surveillances à la multiplication de radars routiers et autoroutiers.
Rien à voir, pourriez-vous penser. Possible. En attendant, la volonté politique de faire la chasse aux chauffards, de mettre en place un ‘’code de la route’’ plus répressif avec pour objectif de voir baisser le nombre de morts sur les routes rejoint le besoin, qu’à le citoyen, de se sentir en sécurité sur la voie publique.
Alors, ému par les accidents de la route qui déchirent les amis ou déciment les familles, le citoyen accepte, bon gré mal gré, la présence du radar tout au long de son trajet.
Si le radar remplit son rôle dissuasif, il n’empêchera jamais un accident. Cependant, le radar n’analyse pas, il sanctionne. Vous pourriez passer devant 254 fois à la vitesse réglementaire, il vous flashera quand même quand vous passerez une fois trop vite. Sans que vous soyez, pour autant, un de ces chauffards que les politiciens veulent neutraliser.
Le radar ainsi installé à cause des chauffards, surveille et sanctionne tout le monde.

Il en va de même pour tous les systèmes de surveillance censé détecter une quelconque menace terroriste. La reconnaissance faciale a fait de nets progrès, les systèmes d’analyses comportementales aussi. Mais ils restent impuissants quant à la prévention d’un crime.
Une caméra thermique qui repèrerait une personne au comportement douteux pourra tout juste permettre de détecter un petit criminel, novice et stressé, qui s’apprête à commettre son premier délit. Qu’en est-il pour le terroriste convaincu d’œuvrer dans la voie de dieu ?
Qu’est-ce qui pourrait le différencier dans une foule de badauds, au milieu d’individus qui ont toutes et tous le sentiment d’être dans le ‘’juste’’ ? Rien !
Salah Abdeslam, bien que pas encore officiellement recherché et toujours introuvable, s’est bien présenté à un poste frontière franco-belge quelques heures après les attaques meurtrières en plein Paris. Et ils sont passés, lui et son chauffeur, calmement, comme si de rien n’était.
Quel système de surveillance et de sécurité aurait pu dire, avant que son nom ne soit cité que, lui Salah, était responsable ? Aucun.
Et le système qui le pourrait n’existera probablement jamais.

Mais comme on ne peut se résoudre à l’impuissance de nos forces de l’ordre, de forces de sécurité, ni se résoudre à être de quotidiennes victimes potentielles, on accepte de croire qu’un PNR européen permettra de prédire l’imprévisible. Et nous acceptons aussi que l’on puisse interpeller une personne pour une intention.
Je reprends mon automobiliste pendant quelques lignes. Les futurs systèmes de surveillances connaîtront tout de son quotidien : Son lieu de travail, comment il s’y rend, l’heure à laquelle il programme le réveil sur son smartphone, etc.
Un matin ce brave homme zappe vraiment son réveil. Comme ‘’Google spy’’ sait que cet homme se fait une fierté de ne jamais être arrivé en retard à son taf, le système en informe la gendarmerie qui viendra amender cette personne pour ‘’excès de vitesse’’, juste avant qu’elle ne prenne place dans son véhicule.
L’intention sera supposée par un système qui analyse des données passées.
Encore une fois il est possible d’objecter que de se lever en retard n’a rien à voir avec la découverte d’armes de guerre dans un appartement. Certes. Mais je le répète : Quand la police recherche une personne, c’est bien TOUTE le population qui est observée.

Et l’analyse comportementale, qui validera la répression avant l’acte, va plus loin. Il nous est conseiller de ne pas faire d’amalgame, de ne pas plonger dans une islamophobie déraisonnée. D’être capable de discernement. Cependant, la théorie des frères tueurs fait son chemin. Le grand frère qui entraîne le plus jeune vers la radicalisation, le mari qui encourage sa femme, sont bien des voies qui mène vers un certain amalgame. Des réflexions qui, associées à des données de ‘’sécurité sociale’’, d’ANPE et d’Etat civil, permettront de catégoriser les populations.
Cette manière de faire n’est pas nouvelle. Elle a permis l’éclosion de quartiers défavorisés, de banlieues, de ghettos, entraînant son lot de discriminations en tous genres avec les résultats que l’on connaît.
Quelles chances sont laissées aux ‘’autres’’ d’être autre chose que ce que dans quoi nous les enfermons ?
Cette question est valable autant pour nous que pour celles et ceux qui veulent radicaliser le monde entier. Mais voilà, Anne Hidalgo ne débattra qu’avec des personnes ayant son même niveau d’intelligence…

Pour conclure. Toute l’Europe recherche Abdeslam Salah. Celui qui, selon la revendication de EI, aurait dû finir au paradis du steak haché le 13 décembre 2015, comme tous autres agresseurs ce jour là.
Mais voilà. Salah le radicalisé ne s’est pas fait péter. Pourquoi ?
Mauvaise utilisation ou défectuosité du matériel, comme dans le Thalys ?
Radicalisation approximative ?
Son « coup de fil à un ami », non radicalisé et emprisonné dans la prison de Namur, l’a-t-il fait changer d’avis ?
Soubresaut de conscience ?
Lui seul à la réponse.
Mais je doute que nous n’ayons jamais la possibilité d’entendre sa réponse.
Une réponse qui peut invalider, ou renforcer, les thèses qui encouragent un PNR européen.

Une dernière chose. Combattre la radicalisation est primordial. La France, et d’autre pays avec elle, a décidé d’utiliser la manière forte. C’est le choix de son gouvernement. Mais il faudrait aussi que le gouvernement actuel redonne de la confiance en l’avenir à son peuple, toutes générations et classes sociales confondues, et remette de l’ordre dans ses prisons.

Nemo.

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