vendredi 11 décembre 2015

Et maintenant, les drones de Daech

Pour commencer, je parlerai très brièvement de 1967.
Il s'est produits beaucoup de choses, bonnes et moins bonnes, dont je ne vais pas faire le listing. C'est aussi l’année pendant laquelle, les Etats-Unis d’Amérique ont vu leur cote d’amour fondre comme neige au soleil au Moyen-Orient. Pour devenir gentiment la cible de diverses attaques terroristes menées contre leurs représentations étrangères.
Que l’on ne s’y trompe pas. La partie du monde, où les intérêts Etats-uniens sont le plus menacés, n’est pas le Moyen-Orient. Mais l’Amérique du Sud.

Ensuite, je voulais entamer cet article par une guerre qui s'est déroulée aux confins du Moyen-Orient, à la fin des années 1970.
En 1978, les communistes s'installent au pouvoir à Kaboul et l'invasion soviétique commence en décembre 1979. L’occupation durera dix ans.
Une décennie avant que les fondamentalistes – les Moudjahiddins, lancés dans leur ‘’Guerre sainte’’ de libération, ne parviennent, avec l’aide du Pakistan et des Etats-Unis, à virer manu militari l’occupant soviétique. Une période de guerre pendant laquelle Oussama ben Laden aurait tenu un rôle important entre Islamabad, les Moudjahiddins et Washington.

Février 1989, après dix ans d’occupation et 15'000 morts, l’Armée rouge s’en va. Le monde libre est content. Pourtant, "jamais il n'y eut autant de femmes médecins, professeurs, avocates... qu'entre 1978 et 1992"
Le gouvernement de Kaboul demande à lors une aide financière aux Etats-Unis. Histoire de reconstruire quelques infrastructures nécessaires à un retour à la vie sociale "normale". Une somme dérisoire comparée aux millions de dollars qui s'étaient éparpillés en munitions, ou transformés en chaleur et lumière dans le sillage des "stingers". L’aide ne vint jamais.
Ce qui laissera le champ libre à la guerre civile, aux islamistes radicaux et bientôt aux Talibans qu’Oussama ben Laden avait rejoint.
Neuf mois après la défaite de l’URSS, le mur de Berlin s’effondre. Le 9 novembre 1989.
Le 21 décembre 1991, le monde économique prend une raclée : La Russie devient capitaliste. Fini la guerre froide et la peur de l’apocalypse nucléaire. Le Tiers-monde déprime. L'Amérique jubile.

Plus d'ennemis invisibles, plus de guerre invisible... Vite un ennemi. Un ennemi mondial si possible...  Après la guerre civile au Liban et les actes commis sur le sol Français en 1985, le terrorisme islamiste fera très bien l'affaire.
Et puis, il y a la rouste que Saddam s’est prise durant la guerre du Golfe, infligée par une coalition internationale emmenée par les Etats-Unis. Les States entraînant derrière eux le monde dans un conflit qui n’a jamais été le notre, ni le leur d’ailleurs, dans un conflit qui dure depuis bientôt 1'400 ans.
Les quelques attaques ciblées contre les intérêts US deviennent une menace planétaire, une menace pour le monde libre - la France sera à nouveau visée en 1995.

En 1996, le gouvernement Afghan tombe. Madame la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright qualifiera "d'avancée positive" la prise de Kaboul par les Talibans. Positive pour qui ?
Ben Laden fait son apparition médiatique et s'installe officiellement en Afghanistan.
Les attaques contre les Etats-Unis, et parfois leurs alliés, continuent.
A l'initiative des States, les premières sanctions (appliquées en novembre 1999) contre le gouvernement Taliban n'étaient pas encouragées par, et pour, le respect des droits de la femme, de l'homme ou des enfants, mais ont été prise parce que le gouvernement Taliban refusait de livrer Oussama Ben Laden. Alors que tous les organismes gouvernementaux, ou non, réclamaient que l'on s'inquiète "activement" du sort de la population afghane et des femmes en particulier...
La situation va gentiment pourrir jusqu’en septembre 2001.

Le 11 septembre de cette année 2001, le monde entier découvre que le terrorisme s'est mué en quelque chose de plus dangereux. Ce ne sont plus les représentations diplomatiques, bases militaires, etc., installées à l’étranger qui sont la cible des terroristes. Mais l’American Way of Life sur son territoire. Le gouvernement US sur son territoire. Les victimes ne sont plus des militaires ou des politiciens, mais bien chaque personne vivant sur le sol américain.

Le peuple Afghan, qui n’en finit pas de connaître l’horreur, voit une nouvelle armée envahir son pays.
En moins de deux mois (octobre- novembre 2001), le régime Taliban tombe. L'armée américaine, comme celle qui l'a précédée, comprendra que contrôler Kaboul ne donne pas les clés de l'Afghanistan.
29 janvier 2002. Certainement l'un des plus grands présidents que l'Amérique aie connu, Georges W. Bush, annonce, sur son escabot: "(...) Et aujourd'hui les femmes de l'Afghanistan sont libres."
Belle hypocrisie alors que les Moudjahiddins réinstallés au pouvoir par la coalition, ne se comportent pas mieux que les Talibans...

La peur du terrorisme organisé, d’al Qaïda, atteint les capitales européennes. Certaines seront visées et touchées – Madrid et Londres. La chasse aux terroristes s’intensifie. Comme la traque de ben Laden qui, au bout de dix ans, sera exécuté par le commando venu l’arrêter, lors d’une mission ordonnée par M. Obama.
Les G.I’s se sont embourbés au Viet-Nam. Ils s’encaillassent dans les montagnes Afghanes.
Malgré un déluge de bombes, larguées par les inatteignables B-52, l’US Army ne fera pas beaucoup mieux que son ancienne rivale soviétique.
L’Afghanistan reste imprenable.

L’opinion publique américaine en a marre de voir ses enfants rentrer au pays dans des cercueils.
Obama décide alors, après avoir rangé son prix Nobel dans un tiroir et dans un silence absolu, de lâcher ses drones. Efficaces, silencieux, imparables. Objectifs atteints ? Plus ou moins.
Tandis que le bilan des victimes collatérales s’alourdit.
Pendant tout ce temps, un autre conflit s’éternise : La querelle israélo-palestinienne. Avec le parti pris que nous connaissons toutes et tous.

Il y eut aussi le Printemps arabe. La déstabilisation de pratiquement tout le bassin sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient qui a initié une chasse, pas très nette, aux dictateurs.
Et comme partout, où l’Occident s’évertue à donner un coup de balai dans un régime corrompu, quel qu’il soit, les fondamentalistes viennent ramasser la poussière. Combien de fois l’avons-nous constaté ?
Pas assez souvent, à voir.

Le terrorisme évolue, comme le reste du monde. Les actes condamnés et condamnables se sont fortement éloignés des attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Résistants étaient qualifiés de terroristes. Comme l’étaient décrits Nelson Mandela et ses camarades de l’ANC par le gouvernement Sud-Africain.
L’évolution du terrorisme peut se voir en Palestine quand la puissance mandataire britannique qualifie ainsi l’Irgoun et le groupe Stern de Menahem Begin et Itzhak Shamir – qui deviendront l’un et l’autre premier ministre d’Israël et qui retourneront l’accusation contre les Palestiniens.
Aujourd'hui, que reste-t-il de ‘’terroriste’’ dans les mouvements indépendantistes comme l’ETA, l’IRA et le Front de libération national Algérien, ou des groupes d’ultragauche : Fraction armée rouge, Action directe et les Brigades rouges ?

Le terroriste moderne ne se taire plus dans les grottes montagneuses ou en terre ‘’amie’’.
Il a son territoire, son Etat, son califat. Même si aucun gouvernement ne le reconnaîtra jamais, le fondamentaliste a sa racine, son ancrage géostratégique.
Un pseudo état qui se finance, qui s’arme, qui a des soldats et qui recrute des mercenaires.
Le fondamentaliste extrémiste ne se contente plus de combattre son ennemi sur sa terre natale. Il voyage. Il habite la terre de son ennemi. Et par l’enseignement que lui a procuré son adversaire, par la ‘’connaissance’’ qui a été partagée et qu’il a du monde de son ennemi, il peut œuvrer sournoisement pour un rassemblement, pour la radicalisation. Comme un cheval de Troie.

Comme je le disais plus haut, nous avons été entraîné dans un conflit qui ne nous concerne pas. Un conflit qui oppose les musulmans aux juifs, un conflit qui oppose Chiites et Sunnites. Un conflit que nous ne comprenons pas. Un conflit dont le camp, que nous devons défendre, nous est imposé.
La France a colonisé le Maghreb.
Dessiner, avec d’autres Etats européens, les frontières qui quadrillent le continent Africain, le Proche et Moyen-Orient sans soucier des tribus, des clans qui y vivaient.

La France, comme l’Europe, au sortir du second conflit mondial, avait besoin de bras, de main d’œuvre et de reconstituer son vivier.
Les portes se sont ouvertes aux anciens colonisés qui ont aidé à rebâtir, à reconstruire la France. Et la récompense, offerte à ces enfants du Maghreb, est la vie en banlieue défavorisée, c’est la promesse du chômage, la discrimination faciale, l’irrespect de leur culture.
Et ce qui pourrait, ou aurait pu, passer pour, au mieux une profonde ingratitude, ou, au pire une insulte, vient du premier ministre actuel, Monsieur Manuel Valls, quand il affirme, face caméras, que:
« Sans les juifs de France, la France ne serait pas ce qu’elle est. »
Une ingratitude que pourraient partager des millions de Françaises et Français.

Si la radicalisation naît dans le terreau de la désocialisation ; que les nouveaux djihadistes seraient « des personnes qui décrochent de l’école, du milieu professionnel, ou sont dans des situations de dysfonctionnement familial. » Des personnes qui, quelque part, cherchent « l’espoir de devenir quelqu’un, parce qu’ils font peur à tout le monde », que « l’élément religieux est accessoire dans beaucoup de cas » (1). Les propos du deuxième homme du gouvernement ne vont pas arranger les choses dans l’esprits de celles et ceux qui vivent, quotidiennement, dans la ghettoïsation des quartiers dits ‘’sensibles’’, dans la discrimination sociale et qui doivent aujourd’hui faire face à une islamophobie grandissante.

Que penser aussi de cette belle phrase de Madame Christiane Taubira, lors de la cérémonie en hommage aux victimes de Charlie hebdo le 15 janvier 2015 :
« On peut tout dessiner, y compris un Prophète. Parce que (…) dans la France de l’irrévérence on a le droit de se moquer des religions. »
Bien sûr que l’on peut dessiner un Prophète. Mais dans la France de la laïcité on se doit de respecter les croyances qui ne sont pas les nôtres.
Mais où cela me choque et témoigne d’une profonde hypocrisie c’est que dans la France de l’irrévérence, si chère à cette femme, on n’a pas le droit de caricaturer Madame Taubira en singe.

Bien sûr que l’attentat contre Charlie Hebdo est odieux et lâche. Bien sûr qu’il faut faire en sorte que les attentats de Paris ne se reproduisent pas.
Ce ne sont que deux phrases volées au détour des éditions spéciales qui se succèdent en éditions spéciales, pour déchiffrer, décrypter et sans cesse répéter les mêmes conclusions.
La radicalisation qui mène au djihadisme est certes la cause de beaucoup de souffrances actuellement. Mais qu’avons-nous fait pour empêcher cela ?
Quel espoir, pour l’avenir, nos dirigeants actuels laissent-ils entrevoir à ses enfants nés ici, mais venus d’ailleurs ?
Quel appréhension avons-nous, de ces mêmes enfants, quand l’homme de bureau décrit le djihadisme « comme un produit de nos sociétés à nous plutôt qu’un produit du Moyen-Orient » (1), mais que l’homme de télévision, celui que tout le monde regarde, traduit et résume le djihadiste par « pauvres types », ou « des êtres faibles qui cherchent une forme de célébrité ? » (2)

La radicalisation est-elle facilitée par l’absence de but que nous imposons à leur vie, comme le manque de but dans la vie favorise le suicide chez les jeunes ?
Si oui, il est facile dès lors pour les recruteurs de l’Etat islamique de venir prélever des forces vives dans nos contrées, de les emmener dans des zones de guerres pour les programmer, et de les transformer en drones armés autonomes avant de nous les renvoyer.

Nemo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire