lundi 12 août 2013

Les temps changent.

Le kilo de pain à 2 francs, le litre de lait à 1 francs et des poussières, le litre d’essence 70 à 80 centimes meilleur marché, comme tout le reste. Les filles avaient leur journal intime qu’elles partageaient avec leur meilleure amie, aucun ami n’était virtuel et quand un pote était en retard on l’attendait tranquillement.
Les pharmaciens n’encaissaient pas nos factures ; La Poste ne faisait pas épicerie, le buraliste ne fourguait pas des abonnements de téléphone et le facteur n’était pas stressé par un gadget électronique ; dame Brigitte avait le temps de papoter sur tout et rien dans les locaux du futur Swisscom ; les voisins se saluaient et les vieux se respectaient un peu plus. On a été jeunes et cons aussi, mais plus modérément. Les conflits territoriaux entre jeunes des villes ne duraient généralement pas plus longtemps qu’une bonne bagarre à mains nues, les soirées arrosées se comptaient, mensuellement, sur les doigts d’une main de lépreux et le porno se visionnait sur VHS.
Cet élan de nostalgie qui me fait regretter une époque datant de 25-30 ans plus tôt est-il l’indice trahissant une vieillesse qui s’approche ou le constat que cette vie passée n’était, malgré quelques libertés en moins, pas pire qu’aujourd’hui ? Chacun aura sa réponse. Mais plus on va de l’avant, plus cela se dégrade.

Dans ce passé pas si lointain que cela l’automobiliste Suisse savait quand, au retour de vacances à l’étranger, il se retrouvait sur le bon vieux territoire helvétique : les pneumatiques de son véhicules devenaient plus silencieux, les amortisseurs se calmaient et les rotules de direction respiraient. Il faisait bon d’arpenter le réseau routier et autoroutier Suisse en ce temps là. Aujourd’hui, pour trouver pire que nos routes, il faut aller en Afrique, en Inde ou dans un village Albanais. J’exagère un peu mais les villes sont devenues de véritables champs de bosses pour les suspensions des voitures (je ne parle pas de la multiplication des modérateurs de vitesses – les fameux gendarmes couchés), tandis que nos belles autoroutes ont besoin d’un sérieux lifting. Ceci sans compter que l’ensemble du réseau n’est plus de taille pour absorber convenablement le flux sans cesse croissant d’automobilistes.
Celles et ceux qui en ont marre de perdre leur temps dans les ralentissements, bouchons et autres accidents se rabattent sur les transports publics pour leurs déplacements. C’est tellement plus sûr le bus ou le train…

Dans une époque de jeunesse qui s’éloigne, je ne me souviens pas de trains en retard. Ou très peu.
Les Chemins de fer fédéraux (CFF) c’était kekchoze, une fierté nationale ! Mais le temps a passé et les dirigeants on peut-être préféré s’en mettre plein les fouilles sur le dos des contribuables plutôt que d’entretenir un réseau vieillissant. Du coup le matos lâche et les problèmes de « ligne de contact » ou « ‘d’aiguillages » s’additionnent les uns aux autres et aux erreurs humaines. Ajoutez à cela des véhicules qui traînent sur des passages à niveaux non protégés et les accidents de personnes (suicides) et vous obtenez un joli petchi en gestation.
Maintenant vous triplez la cadence de passage des trains en gare, vous multipliez le nombre de correspondances pour les dessertes locales. Vous additionnez le tout, vous faites la racine carrée et vous divisez par la constante de Kepler pour obtenir l’âge du mécanicien qui a sauté de sa loco le 29 juillet 2013 pour éviter le choc frontal avec un autre train.
Il y aurait 3'000 lignes CFF en service en Suisse. 1'200 d’entre elles n’ont qu’une seule voie pour un trafic bidirectionnel. Des lignes et des employés qui subissent les mêmes ‘’pressions’’ que l’ensemble du système : des humains voulant être rendus avant d’être partis et un directoire qui privilégie le rendement à la sécurité. Les chances pour que cela ne finisse pas dans le drame sont minces.

A la fin mars de cette année, après un début d’année assez chaotique, le big boss des CFF, Monsieur Andreas Meyer, se voulait positif lors d’un entretien, enfin, accordé aux journalistes.
« Nous ne sommes pas en crise » avait-il lancé, avant d’annoncer que, malgré les nombreux incidents, dont la diversité des causes ne constituait pas un fil rouge pouvant mener vers une crise interne, la direction générale a mis en avant, lors du bilan annuel, la satisfaction de leur clientèle et la ponctualité des transports, des indicateurs qui ont évolué de manière positive.
Quant au manque d’informations de la part de la régie lors d’événements qui laissent sur les quais de gare des centaines de voyageurs dans l’ignorance la plus crasse, et l’absence totale de communication de la direction générale pendant ces mêmes événements, le patron explique :
 « Nous avons décidé que les chefs des secteurs Infrastructure et de Sécurité allaient s’expliquer et que je parlerais lors du bilan annuel. Si nous avions traversé une vraie crise, j’aurais naturellement été présent lors de la conférence de presse du début d’année. (…) Et le directeur général se déplace en cas de crise ».
Un DG ça chouchoute les actionnaires, pas les misérables voyageurs qui contribuent jours après jours à son enrichissement. Eux, on les laisse se dépatouiller avec le petit personnel, un petit personnel dont le nombre fond comme neige au soleil pour limiter les charges humaines de la régie.
 
Début août 2013 le DG s’est quand même déplacé pour une conférence de presse suite à une collision frontale entre deux trains en gare de Granges-Marnand. Un choc qui a fait une victime (un jeune conducteur de train) et 35 blessés. L’accident est dû à une erreur humaine : l’autre mécano, celui qui a pu sauté de son train, n’a pas respecté le feu rouge et aucun système de sécurité n’a immobilisé le convoi (de toute façon il n’y en avait pas).
Les victimes de l’accident ont reçu quelques lignes d’excuse et un bouquet de fleurs ; le mécano incriminé rendra des comptes devant la justice, les CFF ne seront pas (trop) lésés et le big boss peut continuer de réclamer, comme il le fait depuis le début de l’année, ses 50 millions pour moderniser l’ensemble du réseau.
Le mécano sera vraisemblablement condamné à une peine avec sursis ; Berne lâchera un petit quelque chose modeste pour les joujoux de môsieur Meyer et subventionnera l’Italie à hauteur de 230 millions de francs pour compléter la ligne ferroviaire du Gothard. Et dans deux semaines tout le monde aura oublié.
A moins que les chinois ne s’en mêlent…
 
Lors de la fameuse conférence de presse il y avait beaucoup de monde, dont pas mal de médias venant de l’étranger.
Une journaliste chinoise venue exprès pour l’événement s’étonnait que ce genre d’accident puisse se produire en Suisse, pays de l’excellence, de la précision et de la ponctualité.
Selon un rapporteur helvétique, les explications fournies par le maître de la conférence, Monsieur Meyer, n’ont pas su convaincre la journaliste de l’Empire du milieu…
Alors si d’aventure les nuées de petits touristes jaunes se détournaient du pays des coucous pour de ferroviaires raisons, nous pourrions être sûrs que Berne ferait les investissements nécessaires pour la modernisation du réseau CFF.
J’exagère encore ? Possible.
 
Quand il fut demandé, par certains de nos politiciens, à M. Ospel, grand manitou de l’UBS, de démissionner suite à je ne sais plus quelle affaire douteuse ayant fait perdre des millions à l’établissement bancaire, celui-ci à bien rigolé. Mais le même môsieur l’avait plutôt saumâtre quelques jours plus tard, à son retour d’un conseil d’actionnaires du côté de Singapour : il a dû démissionner.
Début juin 2013, les responsables des abattoirs suisses ont décidé de tout mettre aux normes chinoises afin de pouvoir exporter directement des pieds de porcs vers la Chine, sans transiter par l’Allemagne comme c’est le cas actuellement. Une décision prise après que des experts de Pékin aient refusé, suite à une visite dans les locaux helvétiques, de délivrer une licence ‘’magique’’.
Deux petits exemples piqués dans les médias locaux qui laissent soupçonner que Pékin prend gentiment les commandes économiques, financières et politiques du monde. Mais même sans cela, il n’y a pas besoin d’avoir fait Science-Po pour savoir que quand le Parti communiste chinois s’interroge, c’est le monde entier qui se gratte la tête.
 
NEMo.

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