vendredi 16 octobre 2015

Le temps, c'est de l'argent.

« Le Temps c’est de l’argent... »
Quelques mots lâchés, comme ça, mais qui ont initié une petite prise de tête avec Chouchou.
Son credo se base sur l’idée que pendant le temps qu’elle passe entre les murs, appartenant à son employeur, elle fournit un travail que son patron rémunère par un salaire.
Donc : « le temps c’est de l’argent. »
Nicolas, blogueur [ http://www.abcargent.com/le-temps-cest-de-largent/ ], pense idem et définit le travail par :
« (…) monnayer son temps (et ses connaissances, ses aptitudes, ses talents, son professionnalisme…) contre de l’argent. »
Pour ma part, c’est ce qu’il y a entre les parenthèses qui justifie la rémunération.
Le temps n’étant que la donnée invariable qui me permet d’exprimer mon professionnalisme dans la durée.
Voilà quel fut le point de départ de la prise de tête.

Le rapport du ‘’Temps’’ au ‘’travail’’ est ancien, comme celui du ‘’travail’’ à ‘’l’argent.’’
Max Weber [L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Chap. II (Ethique du métier.)] écrit :
« Le Temps est infiniment précieux parce que toute heure de travail perdue était une heure de moins au service de la gloire de Dieu. »
« Le Temps est infiniment précieux » parce qu’il nous unit intimement à la vie, et que cette vie devait se passer dans la voie que le Créateur a tracé pour nous. La récompense pour le travail accompli est double : Premièrement il y a, malgré un dur labeur, l’accès inconditionnel et gratuit aux ressources naturelles - Dieu ayant offert aux hommes la suprématie sur toutes les créatures vivantes sur Terre, ainsi qu’un sol fertilisé et fertilisable. Ensuite vient la promesse d’un Paradis.

Dans la Parabole des talents, le maître promet une récompense à ceux qui ont fait fructifier leurs talents, qui ont ramené un nombre de talents équivalant à celui qu’il leurs avait confié.
Le talent étant, à cette époque, une pièce de monnaie.
Cette Parabole, contestée par Jésus, est étonnamment d’actualité. Ne serait-ce déjà par le comportement du maître qui ‘’récolte là où il n’a pas semé,’’ puis par l’allusion faite au dernier serf quand le maître lui parle de mettre le talent dans une banque, plutôt que dans la terre.
Aujourd’hui, une personne qui a un ‘’talent’’ est ‘’une personne douée dans un domaine particulier. ’’ Ce qui n'empêchent pas quelques vieilles personnes de nous demander, le sourire en coin :
« Qu’as-tu faits de ton talent ? »
Question subtile dont le sens demeure, malgré les millénaires.
Du coup, j’ose une confusion étymologique volontaire pour affirmer, et rien ne m’en empêche que :
« Le Temps c’est du talent. »

L’équivalence : Temps = argent, n’est pas encore vraiment faite. Il faut attendre Benjamin Franklin [1706 – 1790] longtemps resté un exemple de réussite par le travail et la discipline, pour que cette pensée commence à se répandre sur la surface du globe et s’ancrer dans la croyance collective comme une incontournable réalité.
Même si les grands penseurs académiciens n’ont jamais fait corréler, dans leur définition respective, le Temps avec le travail ou l’argent/ monnaie.

Il est possible de trouver, dans la multiplicité des professions exercées de nos jours, des jobs dans lesquels le ‘’travail’’ fournit n’est pas flagrant, mais se rapporte à la rémunération (par le client) des connaissances du prestataire. Par exemple, pour un toubib, un psy, un notaire, un CEO, le tertiaire, etc.
Quand vous montez dans un taxi, le chauffeur enclenche un compteur horokilométrique.
Vous payez un tarif kilométrique quand la voiture roule (à + de 15 km/h), et quand vous êtes à un feu rouge, le compteur comptabilise le temps d’attente selon un tarif horaire.
Dans le second cas, on peut dire que le Temps, passé à patienter dans les entraves à la circulation, vous coûte de l’argent.

« Si le Temps c’est de l’argent, je vois la morale de l’argent devenir la morale de notre temps, et les affaires réussir avec l’argent des autres. » [André Soury - Les Baptistes, 2006.]
C’est bien ce qui se produit dans le milieu professionnel des actionnaires, des spéculateurs, des investisseurs, des boursicoteurs… Milieu dont les acteurs ne fournissent pas vraiment un ‘’travail,’’ mais qui sont rémunérés en fonction de la réussite économique et commerciale de tiers, selon le travail effectué par d’autres personnes.

Pour ces personnes – les financiers, la relation du Temps à la monnaie repose sur une estimation future – des taux d’intérêts, dans un contexte d’incertitude et d’avidité – représenté par la spéculation.
Une réflexion que nous pourrions bien nous réapproprier si nous pensons à notre pouvoir d’achat, à la ‘’valeur’’ de notre franc, qui peut varier en fonction d’une hypothétique inflation.
Sauf que toutes les probables fluctuations qui pourraient influer sur notre ‘’pouvoir d’achat’’ – une invention purement économique, ne sont pas liées au fait que de pauvres employé-e-s passent plus, ou moins, de temps dans les champs de leur pays, loin là-bas, mais bien à des facteurs financiers desquels le Temps est exclu.

Je reprend mon triangle amoureux : Travail – argent – temps. L’employé avec un salaire fixe voyait, il y a quelques années, ses heures supplémentaires récompensées par de l’argent. Aujourd’hui, elles sont compensées par des jours de congé, toujours très difficiles à caser dans le planning de l’entreprise.
Celui, ou celle, qui est rémunéré selon un tarif horaire voit son revenu directement lié à son temps de travail.
Dans le premier cas, le temps de travail mensualisé est censé s’équilibrer pour se conformer au salaire ; dans le second cas, plus je travaille, plus je gagne. Et moins je travaille, moins je dispose d’argent.
Le temps devient de l’argent, dans la logique contestée. L’un et l’autre semblent liés.

Je suis un jeune patron de trente ans, qui démarre sa petite entreprise.
Je tire parti de ma jeunesse, de mon énergie pour faire prospérer mon affaire, j’emploie au mieux mon temps et je parviens à en tirer le meilleur profit.
Quinze années passent avant que, pour des raisons multiples, je fasse faillite et me retrouve ruiné.
Je décide, après une petite analyse personnelle / remise en question, de recommencer une autre vie professionnelle dans un autre secteur d’activité.
Je suis des cours et, disons cinq ans plus tard, je me relance dans l’entreprenariat.
L’affaire marche et mon train de vie s’améliore de manière conséquente. J’ai alors 50 ans.
La volonté qui me permet de repartir de ‘’zéro’’ pour construire une nouvelle vie professionnelle m’a ramené vers la ‘’fortune’’, mais ne me rend pas ma jeunesse d’avant pour autant.
Mon compte bancaire peut passer du ‘’rouge’’ au ‘’noir’’, peut être bénéficiaire ou déficitaire, ma ‘’croissance’’ peut être négative, je peux avoir des pertes et des profits, etc. Le temps, lui, ne se soucie pas de tout ça. Il est indifférent à ma santé financière. Il poursuit sa ‘’marche.’’ Son lien avec mon argent est temporaire, peut être répétitif, mais sans degré d’équivalence.

De manière complètement allumée peut-être, je vois le temps terrestre comme une mesure ‘’arbitraire’’ décidée et calculée selon une donnée extra terrestre que l’on divise et subdivise par la suite selon une mathématique compliquée.
L’univers aurait, aux dernières nouvelles plus de 14 milliards d’années d’existence ; notre planète quelque chose comme 14 millions d’années ; Sapiens gambade depuis quoi ? 120'000 ans environ et nous sommes en l’an 2015, alors que le calendrier de l’Hégire traîne aux alentours de 1'400 ans et des poussières. Décembre fut, un temps, le dixième mois de l’année. Certains comptent en ‘’Soleil’’, d’autres en ‘’Lune.’’
On passe de ‘’l’heure d’hiver’’ à ‘’l’heure d’été’’ et nous devons tenir compte du ‘’décalage horaire’’ quand nous changeons de pays parce que les rayons du soleil ne pointent pas leurs premiers photons partout à la même ‘’heure.’’

L’arrogance de notre anthropomorphisme veut que nous ramenions tout à notre ‘’échelle.’’ Du coup, pour mieux appréhender ce qui nous échappe, nous l’agrémentons de formules scientifiques indéchiffrables (pour le commun des mortels). Nous avons donc entrepris de tout mesurer, de tout calculer, de tout quantifier. Même le Temps.
Normal dès lors que quelqu’un décide, un jour, de créer une échelle de temps pour définir le « Temps universel. »
Pour ce faire, la durée moyenne du jour solaire terrestre fut définie avant d’être divisée par 86'400.
La seconde du « Temps universel » correspondait alors à 1/86'400 de ce fameux jour.
Ce calcul ci-dessus était une durée proche de la période moyenne du battement du cœur d’un homme adulte au repos.
Sauf que depuis que « le temps c’est de l’argent », l’homme ne se repose plus.

En 1956 une autre personnalité, douée pour les chiffres, calcule la seconde du temps des éphémérides, en divisant la durée de l’année tropique 1900 par 31'556'925,9747. La simplicité même.
En 1967, les Américains mettent au point l’horloge atomique. La ‘’seconde’’ se défini dès lors par la durée de 9'192'631'770 (+ de 9 milliards !) périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F-3 et F-4 de l’état fondamental de l’atome de césium 133. Une horloge d’une précision telle, qu’elle ne dérivera pas d’une seconde durant les prochaines 13,8 milliards années.
Récemment les Japonais ont fait mieux, en annonçant la création de deux horloges dont l’exactitude "est si parfaite qu’elles ne dérivent que d’une seconde en 16 milliards d’années."
Invérifiable sur le long terme, il va de soi.
Nous avons beau cherché tous les moyens possibles pour ramener le temps à une mesure humaine, il nous échappera toujours.

Le temps serait apparu au moment du ‘’Big bang’’ et qu’il s’est accru en même temps que l’univers se dilatait. Plus l’univers grossissait, plus le Temps s’allongeait. Le temps est lié à la matérialisation de l’univers, il en est le témoin. Le temps n’a pas créé l’univers.
Cette réflexion s’applique également à nous-même. Ce n’est pas le temps qui nous fait naître, mais la fin de notre gestation dans le ventre de notre mère. L’expérience de la grossesse s’étant reproduite un nombre incalculable de fois, le corps médical peut fournir une approximation sur la période de la venue au monde du bébé. Et quand cela se produit, nous fixons sur la ligne du temps la date de notre anniversaire.
Ce qui fut fait quand, et en reprenant notre calendrier grégorien qui nous situe en 2015 après Jésus-Christ, à un moment donné, des personnes sages ont planté un piquet de référence terrestre : t = 0, sur les rives du fleuve temporel universel : Jésus = an zéro. Et qu’ils ont commencé à compter.
Pour chaque nouvelle naissance, c’est la même chose. On plante un piquet référence, et on commence à compter. Les années qui suivront, témoigneront de notre existence, de notre Vie.
De même, le Temps témoigne du travail que nous avons accompli. Ce travail peut générer un revenu selon une relation extérieure à notre couple temps- travail : travail- monnaie.
Cependant, le Temps n’a pas créé du travail, et encore moins de l’argent.

Vous pourriez rétorquer : « Blanc bonnet et bonnet blanc. » Toujours est-il que si vous commandez des platriers- peintres pour refaire les murs de votre appartement ; que les ouvriers restent une journée chez vous à dormir sur le canapé, après avoir vidé votre réserve de bières dans le frigo, vous allez fortement rechigner à payer la facture. Les ouvriers ont beau avoir squatté votre logement pendant 6 heures, vous n’allez pas payer, juste parce que l’on vous dit : « le temps c’est de l’argent. »

Peut-on craindre que l’idée de départ, pouvant être acceptée comme : ‘’celui qui emploiera bien son temps en tirera profit,’’ s’oriente vers une amplification de la dévalorisation de l’être humain et un retour vers l’esclavagisme ?
Nous sommes en compétition les uns contre les autres. C’est un fait.
L’ouvrier est utilisé comme une ressource permettant aux sociétés et entreprises de résoudre un problème spécifique de productivité, de maintenance, de représentation.
Le patronat ne cesse de répéter que « les coûts du travail sont trop élevés. »
Le temps, pris dans sa fonction d’unité de mesure qui permet de définir et d’organiser chaque ‘’période’’ de notre quotidien, est un puissant outil devant synchroniser, voire unifier, le mouvement des hommes. Et des femmes.
Si nous le considérons pour ce qu’il est dans notre réalité, c-à-d une information, une preuve, de la durée de notre existence – la Vie c'est du temps, et que nous persistons dans la croyance que « le temps c’est de l’argent », qu’est-ce qui empêchera les élites dirigeantes, qui veulent des profits à n’importe quel prix, d’affirmer bientôt : « La vie, c’est l’argent » ?
Nous sommes déjà dans une fausse  logique qui nous fait dire, et accepter : « Il faut bien gagner sa vie. » affirmation qui induit la remarque suivante : « Soit. Mais quand l’as-tu perdue, ta vie ? » ; « Tu ne peux pas vivre sans argent. »
Dès lors, et en reprenant la définition de Nicolas pour qui : travailler, « c’est monnayer son temps », nous pouvons dire que : travailler revient à monnayer sa vie.
La pensée « le temps c’est de l’argent » n’a été induite que pour nous encourager à donner nos vies à nos patrons.
Il y a 2'500 ans des hommes se sont battus pour abolir l’esclavagisme lié à l’argent. Aujourd’hui nous sommes en plein dedans et nos négriers peuvent même se permettre l’arrogance de nous le signifier,
Ce qui équivaut, à mon sens, à une réponse positive à la question posée en début de paragraphe.

Ils [les dirigeants] nous montrent même, en restant sur l’affirmation de départ, que le temps de certains, qui en ‘’gagnant’’ plus d’argent, devient plus précieux que le temps des autres qui en gagnent moins.
Si je réfléchi dans le sens du sophisme initial pour l’appliquer au affirmations suivantes : « Le temps c’est la vie », et  « Le temps c’est l’argent », j’obtiendrais « La vie c’est de l’argent. » Ce n’est plus une interrogation.
Ce qui pourrait dire, en fonction des salaires versés, que la vie de certaines personnes a plus de valeur que d’autres.

Nemo.

1 commentaire:

  1. Article super bien fait et liké sur facebook. Et oui pour gagner de l'argent, il faut beaucoup de temps. http://www.questiondargent.fr

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